La Banque centrale pénalise-t-elle trop les banques commerciales ?

Entre la BCC et les établissements bancaires, l’entente est au bout de l’écoute.

DANS L’ENSEMBLE, les paramètres clés du système bancaire ont tous bien évolué l’année dernière. Il ne pouvait pas en être autrement dans un environnement macroéconomique stable. Les banques ont réalisé un profit de plus de 75 millions de dollars en 2018, contre plus ou moins 30 millions en 2017 et après une perte globale en 2016. Pour rappel, la dépréciation a été un des facteurs importants de la situation en 2016. 

Par ailleurs, les conditions d’exploitation se sont améliorées. Cependant, il faut encore des efforts pour que les banques maîtrisent les charges des structures. Pour la simple raison qu’en observant l’évolution du coefficient d’exploitation, la réalité est que les banques congolaises sont encore à 73 %, un niveau très au-dessus de la norme minimale de 60 %. Pour Deogracias Mutombo Mwana Nyembo, le Gouv’ de la BCC, il faut maîtriser les charges. « Je ne pense pas que la Banque (centrale) pénalise les banques pour que cela puisse avoir un impact sur les charges », a-t-il tranché dans le vif.

La réglementation de change

En effet, les banques se plaignent des pénalités qui leur sont infligées par la Banque centrale. Deogracias Mutombo estime que les pénalités évoquées par Yves Cuypers, le président de l’Association congolaise des banques (ACB), lors de son mot de circonstance au dîner annuel des banquiers de la RDC, ne sont pas le fait de son institution. Mais la Banque défend les banques contre les pénalités venant d’ailleurs, car en plus, c’est la mère des banques. 

« La Banque centrale s’est toujours montrée inflexible par rapport au non-respect de la réglementation, surtout la réglementation du change. Les banques respectent totalement la réglementation du change, car c’est aussi leur œuvre étant donné que nous la rédigeons et la révisons ensemble », explique le Gouv’ de la BCC. Qui accuse, avec une charge émotionnelle mal maîtrisée, les miniers, les clients de banques qui ne respectent pas la réglementation. « Nous devons donc prendre toutes les dispositions nécessaires pour sensibiliser la clientèle, surtout les miniers, pour éviter les pénalités. Nous devons travailler en collaboration. Après tout, celui qui ne fraude pas, ne pourra être frappé des pénalités à payer », a exhorté Mutombo Mwana Nyembo. 

Qui souligne que les indicateurs d’activité des banques est un élément important pour apprécier le taux de croissance de l’activité bancaire. En 2018, ce taux est en moyenne de 32 %. « Il faudra donc demain que le taux de l’activité économique atteigne également ce niveau-là, fait-il remarquer. C’est possible. » Yves Cuypers a rappelé que le taux de 25 % est constant depuis 20 ans. Mais, a nuancé Deogracias Mutombo, la Chine qui a réalisé des taux à ce niveau-là, est en train de fléchir (6.6 %, le taux de croissance le plus bas depuis 30 ans, alors que la RDC est encore en-dessous de 5 %).

Résultats jugés positifs

Le Gouv’ de la Banque centrale ne s’est pas empêché pourtant de féliciter les banques pour les résultats engrangés en 2018. Le bilan des banques est passé de 5 milliards 260 millions de dollars à 6 milliards presque 900 millions en 2018. Plus de 1 milliard 500 millions de dollars de croissance. Le dépôt a évolué de 3 milliards 620 millions de dollars à 4 milliards 660 millions, soit plus de 1 milliard de croissance. Le crédit est passé de 1 milliard 995 millions de dollars à plus de 2 milliards 882 millions, soit près de 900 millions de croissance. Félicitation les banques.

Les indicateurs de solidité financière ont conforté le système bancaire. Un ratio de solvabilité globale dépassant 13 % alors que la norme est de 10 %. La solvabilité nette à plus de 11 %, alors que le seuil est à 6 % actuellement. La couverture des immobilisations par les fonds propres réglementaires a dépassé 100 %. La liquidité est au-delà de 150 % en moyenne. Le rendement des actifs s’est amélioré, tout celui des fonds propres. 

Globalement, c’est le retour de la profitabilité qui est un résultat à encourager. Ce sont là des critères de performance des banques que le Gouv’ de la BCC salue. 

« Bien évidemment, insiste-t-il, l’effort doit se poursuivre, notamment en matière de suggestion crédit. » En effet, constate-t-il, la qualité du portefeuille crédit des banques ne s’est pas beaucoup améliorée. « Nous sommes encore au taux de 17 % alors que la norme est de 30 %. C’est une bonne chose que les banques aient provisionné pour près de 60 % pour les crédits litigieux. Mais on espère qu’avec la stabilité dans la durée, les crédits litigieux vont diminuer », déclare Mutombo Mwana Nyembo. 

C’est bien dommage, regrette-t-il, que ceux qui ont ce défaut, se recrutent, pour la plupart, parmi les emprunteurs de la période de « vaches grasses ». Et maintenant que la situation est redevenue favorable, ils n’honorent pas leurs engagements. « Nous pensons que 2019 sera meilleure que 2018 dans ce domaine-là ». 

Des réformes attendues

La Banque centrale mène en permanence des actions de réforme pour consolider la stabilité financière et promouvoir l’inclusion financière et la protection des consommateurs de services et produits financiers. Ces efforts sont faits soit en solo, soit avec le concours des institutions de microfinance et des banques commerciales. 

La BCC a institué un cadre de surveillance macro prudentielle et un cadre opérationnel de gestion des prix. Elle a aussi adopté une approche de supervision basée sur les risques. Le cadre légal a été réaménagé à travers la promulgation de la loi sur la Banque centrale. Par exemple, avec cette loi, les avoirs des banques commerciales logés à la Banque centrale sont désormais insaisissables. 

Dans la foulée, la loi sur le système international de paiement a été actualisé. La promotion de l’inclusion financière se poursuit à travers le volet éducation financière dans le cadre du Programme national de régulation financière, avec comme cibles principales les femmes et les jeunes. Les efforts s’étendent aussi aux ruraux et aux travailleurs. 

Quant à la gratuité des services bancaires, la BCC souhaite réfléchir avec les banques pour harmoniser les vues. « Nous avons toujours cette habitude de travailler ensemble avant de prendre un texte réglementaire. 

Nous attendons les observations de la profession ». Pour le moment, la BCC travaille à la modernisation des infrastructures financières, du système de transport automatisé et du système international de paiement. Elle est en phase d’implémentation de son switch monétique et espère mettre en circulation, cette année, la carte bancaire en franc congolais. « Nous pensons que cela va révolutionner les habitudes fiduciaires de nos populations. Avec mobile banking, nous n’avons pas vu beaucoup d’impact. Cette carte sera multi devises et circulera partout à travers le monde. ça sera une innovation perceptible directement par le public », rassure le Gouv’ de la BCC ».

Les perspectives en 2019

Sur le plan mondial, on observe malheureusement un fléchissement de l’activité économique. On prévoit une croissance de 3.5 % venant de 3.7 %. 

D’autres prévoient un taux de 3 %, du fait de la multiplicité des facteurs de risques baissiers. Pour la Chine qui a enregistré le taux le plus bas de 6.6 % en 2018 depuis 30 ans, on prévoit un taux de 6.2 %. Et c’est déjà un facteur de risque important, étant donné que la Chine est un gros demandeur de produits miniers, fait remarquer le Gouv’ de la BCC. Et quand la demande baisse, il faut s’en inquiéter sur le plan international. 

Le taux de croissance va également chuter dans les pays avancés, 2.0 % venant de 2.3 %. Dans les pays émergents, on prévoit une croissance de 4.5 % et en Afrique, ambitieuse, de 3.5 %. Quant à la RDC, 5.6 % de croissance venant de 4.1 %. « Ce ne sont là que des prévisions, car si les facteurs de risques baissiers venaient à s’intensifier, elles devraient être revues à la baisse ». 

Pour se prémunir de toute situation désagréable, la BCC va consolider la stabilité financière en renforçant son dispositif de contrôle et en adaptant les exigences locales prudentielles quantitatives et qualitatives aux normes de Bâle. Surtout en matière de fonds propres, de gouvernance et de contrôle interne. Elle va maintenir l’objectif de 7 % minimum d’inflation qui est le taux de l’Union africaine. « Notre programmation monétaire va faire en sorte que la croissance de la masse monétaire soit cohérente avec le plan de trésorerie du gouvernement. 

L’idéal est d’avoir un système financier stable, financièrement solide et qui participe de manière efficace au financement de l’économie.