La DGDA attend plus de 75 milliards de FC

Les droits d’accises sur les tabacs et les allumettes fabriqués localement ont explosé ces dernières années. La douane devrait percevoir au moins 30 milliards de FC sur ces trois dernières années. Et pourtant, le secteur clopine.

Le taux de réalisation moyen de droits d’accises sur les cigarettes et les allumettes  fabriquées est en moyenne de 500 % ces trois dernières années. Des assignations de 83  631 060 416 FC lors de l’exercice en 2015, les réalisations ont été de 2 071 926 989 FC. En 2016, les recettes ont été de 9 148 783 189 FC sur des prévisions de 2 278 542 563 FC, soit un taux de réalisation de 401,52 %.  Le taux est à 703 % lors du régime des crédits provisoires, entre janvier et mars 2017. Sur une projection de 569 635 641 FC, les recettes de droits d’accises sur les tabacs et les allumettes se sont chiffrées à 4 004 570 286 FC. Se fondant sur ces hyper-performances, les experts de la Direction générale des douanes et accises (DGDA) sont rassurés que les assignations de 2017, soit 14 272 074 712 FC, sont atteints et dépassés d’ici fin décembre 2017.

110 millions de tiges de cigarettes

Pour ce qui des tabacs et allumettes importés, la douane a reçu, au titre de droits d’accises à l’importation, 57,1 milliards de FC en 2015, 46,4 milliards de FC en 2016 et 12.1 milliards de FC au premier trimestre 2017. La DGDA compte encore percevoir 60,8 milliards de FC au cours du présent exercice. In globo, les cigarettes et allumettes devraient rapporter au bas mot 75 milliards de FC à l’État en 2017.  Au plus bas depuis la fermeture de BAT Congo, la production de la cigarette devrait relever la tête au cours de l’exercice 2017. Plus de 110 millions de tiges de cigarettes sont en cours de production dans les entreprises tabassicoles locales, d’après les projections du ministère de l’Industrie. La production locale de cigarettes a, en effet, sensiblement baissé en trois ans.

Selon le ministère de l’Industrie, en 2013, 8 977 376 920 tiges de cigarettes ont été fabriquées en République démocratique du Congo. En 2014, la production a connu un accroissement considérable atteignant 9 426 245 767 cigarettes. Mais la pression fiscale et la concurrence déloyale ont contraint la plus grande entreprise tabassicole, British American Tabaco (BAT Congo), à se délocaliser du quartier industriel de Kingabwa pour le faubourg de Nairobi au Kenya. Et, en 2015, la production par tige a alors chuté à 298 061 120, puis à 53 278 118 tiges en 2016.

Droits d’accises

Pour 2017, la production pourrait dépasser le double de l’année passée. Selon les prévisions du ministère de l’Industrie, 110 2857 040 tiges de cigarettes, soit 55 142 852 paquets, devraient être produites.

En vue de faciliter l’écoulement de la production locale, le gouvernement a exempté  le tabac du marquage par vignettes des produits d’accises. Aussi, les cigarettes vendues, en duty free, c’est-à-dire hors taxe, sont-elles exemptées du paiement des droits d’accises spécial sur les cigarettes perçus de services de la DGDA. Il s’agit en effet des revendeurs à la sauvette ou ambulants qui sont exemptés de l’impôt sur le bénéfice et le profit forfaitaire de 30 000 FC, soit environ 20 dollars. Quelque 1 433 333 micros-entreprises ont en effet été recensés en RDC, selon la loi de finances publiques 2017. Les contribuables dispensés de l’obligation d’obtenir la patente conformément à la législation sur le petit commerce, à savoir les petits cultivateurs et les petits éleveurs, les petits commerçants ambulants des produits de consommation courante tels que cacahuètes, cigarettes portées en mains, les cireurs de chaussures, les vendeurs de journaux à la criée, etc.

Le droit d’accises sur l’industrie du tabac repose sur la taxation spécifique et la taxation ad valorem. La DGDA perçoit 0,11 dollar sur chaque cigarette, soit 5 314 dollars sur chaque paquet de 20 cigarettes. Projeté sur une production de 55 142 852 paquets, le droit d’accise à payer par les industries des cigarettes est de 6 065 713,73 dollars. Les prévisions de la taxe spécifique pour 2017 sont de 10 901 054 304 FC. Alors que le calcul de la taxe ad valorem est davantage complexe : partant du prix de vente hors taxe estimé à 247 FC le paquet et du taux d’imposition de 20 % des droits de consommation, soit 2 760 904 042 FC,   les prévisions 2017 sont à 3 416 618 753. Les prévisions du droit d’accise sur les cigarettes sont donc de 14.2 milliards de FC minima.

Si les recettes de l’État sont en nette augmentation sur le tabac, des analystes redoutent cependant l’inefficacité des pouvoirs publics dans la lutte contre le tabagisme en milieu juvénile. La mention « la nicotine est nuisible à la santé » n’a guère porté les effets escomptés. En France, par exemple, un Français sur quatre est favorable à l’interdiction purement et simplement de la vente de tabac. Cette mesure arrive largement en tête devant l’augmentation du prix des paquets de cigarettes ou encore le remboursement total des aides au sevrage.

L’écart est toutefois net entre fumeurs et non fumeurs : les premiers privilégient à 39 % le remboursement des aides à l’arrêt du tabac et à seulement 15 % la hausse des prix. Les non fumeurs pensent, eux, à 27 % qu’une augmentation des prix serait la mesure la plus efficace, quand 18 % citent le remboursement des aides au sevrage.

Les autres mesures suggérées portent sur l’interdiction des cigarettes uniquement dans les lieux publics (jugée la plus efficace par 12 % des interrogés), l’augmentation des mesures de prévention (10 %) et l’interdiction des cigarettes dans les films, livres et autres produits culturels (3 %).

La loi de 20 cigarettes tombe en désuétude 

Avec la crise qui perdure depuis 8 ans en Occident, la vente de cigarettes à l’unité fait un retour marqué dans les grandes villes européennes. Et plus seulement à la sauvette dans la rue mais aussi dans certains commerces. Cette pratique est pourtant illégale en France. La vente de tabac est un monopole d’État et seuls les buralistes ont le droit de vendre des cigarettes, avec quelques bars et restaurants. Sauf que dans nombre de quartiers, il est difficile de trouver un buraliste ouvert après huit heures du soir. D’où, la tentation pour les épiceries ouvertes la nuit d’avoir quelques paquets sous le comptoir pour les clients en manque de nicotine.

Des paquets revendus un peu plus cher, entre 7 euros, 50 et 9 euros. Mais on peut aussi acheter à l’unité. Ce qui est aussi interdit. La loi interdit les paquets de moins de 20 cigarettes au motif que comme c’est moins cher, cela facilite l’accès des jeunes au tabac. Et c’est vrai que nombre d’adultes ont commencé dans les années 1960 avec ce que l’on appelait les P4, des paquets de 4 cigarettes vendues pour 18 centimes de francs. Les fabricants ont ensuite lancé des paquets de dix cigarettes, toujours pour pouvoir afficher un prix d’appel. Des paquets qui ont été interdits en 2003. Mais aujourd’hui, vu le prix des cigarettes, rares sont ceux qui osent demander une cigarette à un passant dans la rue. Les fumeurs occasionnels proposeront d’acheter une cigarette, à un passant ou à un épicier. Et ces fumeurs là ne sont pas forcément mineurs.

Comme en RDC, les ventes de cigarettes ont connu un yo-yo en France entre 2015 et 2016. Une situation qui a réjoui les professionnels de santé mais pas les buralistes français qui pointent une augmentation du marché parallèle. Une baisse de 1,2 % des ventes de cigarettes a été enregistrée pour 2016 en France. Pour Yves Martinet, président du Comité national de lutte contre le tabagisme c’est bien, mais peut mieux faire. « Si les pouvoirs publics augmentaient le prix du tabac et, de même, si on s’assurait de la mise en œuvre des lois qui ont été votées, comme l’interdiction de vente aux mineurs, la baisse pourrait peut-être être plus importante. Donc c’est bien, mais peut mieux faire », insiste Yves Martinet qui prône une augmentation des prix et une meilleure mise en application des lois comme celle l’interdisant la vente aux mineurs.

Mais, pour Pascal Montredon, président de la Confédération des buralistes français, ces mesures ne font que renforcer le marché parallèle, ce qui expliquerait ce léger recul des ventes de cigarettes. « Un quart de la consommation française ne passe pas par les buralistes, souligne Pascal Montredon. C’est acheté sur Internet, c’est acheté dans la rue… Et on s’aperçoit que plus on met des contraintes en termes de prix ou maintenant avec l’arrivée du paquet neutre, plus le marché parallèle progresse », déclare l’un d’eux. Recul des ventes ou progression du marché parallèle ? Toujours est-il que cette tendance à la baisse pourrait se confirmer en cette année 2017, notent des analystes.