La gestion de la fibre optique attribuée à la SOCOF

Au ministère du Portefeuille, on soutient que la loi 013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécoms devra être amendée. Motif : la SCPT n’est plus l’unique opérateur public des télécommunications en RDC. L’État a créé, fin 2016, la SOCOF qui se voit, de ce fait, attribuer la gestion de la fibre.

Pose de câble à la Gombe.

Pleurs et grincements de dents à l’Hôtel de poste. Le gouvernement a finalement mis en exécution un projet mûri de longue date par le Comité de pilotage de la réforme des entreprises publiques (COPIREP). La SCPT a été dépossédée de la gestion de la fibre optique, juste une semaine après la suspension de son directeur général, le pragmatique Didier Musete. Une société dénommée « Société congolaise des fibres optiques » (SOCOF) a été créée le 10 novembre 2016, au grand dam des agents de l’ex-OCPT, qui avaient pourtant repris de l’espoir. Ils peuvent se consoler néanmoins. Leur société garde la gestion de la première phase de la fibre optique partant de Moanda à Kasumbalesa via Kinshasa.

Selon le banc syndical à la SCPT, la Banque mondiale qui a injecté 92 millions de dollars dans le montage de la SOCOF, tient mordicus à la restructuration de la SCPT. Des sources bien introduites  à l’Hôtel de poste, le directeur général ai, Patrick Umba, a enjoint aux partenaires chinois qui ont posé la fibre de l’enfouir à plus de 2 m. Ce qui est l’une des exigences sécuritaires de la Banque mondiale. La fibre optique a, en effet, été posé à près de 1 m seulement sous terre. Ce qui l’expose à tout sectionnement notamment de la part des autres entreprises, telles que la REGIDESO et la SNEL, dans leurs différentes activités. Selon une source autorisée à la SCPT, le 19 janvier, la fibre a été sectionnée par inadvertance à Kisantu dans le Kongo-Central par des paysans. Ce qui a considérablement perturbé la connexion dans la capitale.

Comptes sous séquestre 

Il semble que des lobbies financiers proches des décideurs n’ont jamais accepté que la fibre optique demeure dans l’escarcelle de l’ex-OCPT. Tous les prétextes, de plus techniques aux simples préjugés, ont été échafaudés. Il a même été dit que les agents et cadres de la SCPT étaient déphasés par rapport aux NTIC pour  prétendre gérer la fibre optique. Une tentative de céder la gestion de la fibre optique à un cartel composé de concessionnaires GSM de la place avait échoué de justesse, suite à des manifestations continues des travailleurs. Ces derniers débordaient sur le boulevard du 30 juin, des cercueils estampillés de noms des ministres de tutelle dominaient durant les jours la façade principale du siège administratif de la société. À l’époque, le COPIREP s’employait à faire avaler à l’opinion que, selon les actes uniques de l’OHADA, il revenait seul à un groupement d’intérêt économique (GIE) de gérer un tel projet.

Raté ! Par un semblant d’audit financier, le Premier ministre a arraché à la SCPT, du temps de Placide Mbatika, la gestion des recettes relevant de la location des capacités des fibres aux entreprises GSM. Les comptes de l’entreprise ont été délocalisés à la banque libanaise Sofibanque sous séquestre.  Toute dépense à la SCPT devrait au préalable avoir le quitus de Kabeya Tshikuku – actuellement gestionnaire de l’aérogare modulaire à l’aéroport de N’djili -, alors conseiller principal de Matata Ponyo en matière de NTIC. En 2013, la location des capacités de la fibre optique rapportait au bas mot 1 million de dollars par mois à la SCPT. Placide Mbatika s’est alors permis de revoir à la hausse les salaires des agents. Il va s’attirer le courroux de la primature. Et il s’est ensuit une campagne de dénigrement de sa personne.

Le banc syndical lui a servi de bouclier face aux traits de son ministre de tutelle. Lors d’une visite à l’Hôtel de poste, Kin-kiey Mulumba, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a été pratiquement pris en otage par des agents de la SCPT. Le ministre fut contraint de proclamer sa capitulation sur le dossier. Le temps s’est écoulé. Mais des rumeurs de péculat sur la fibre optique ont refait derechef surface. Même la Commission électorale nationale et indépendante (CENI), à l’époque sous la présidence de Ngoy Mulunda, avait été citée parmi les personnes physiques et morales ayant précédemment détourné les fonds destinés à l’implantation de la fibre à Muanda.

Fibregate 

L’affaire a fait tabac, notamment dans les deux Chambres. Une commission était alors mise en place à l’Assemblée nationale et dirigée par Godefroid Mayobo, un bras droit de l’ancien Premier ministre, Antoine Gizenga Fundji, du PALU. Il a fait montre d’une certaine détermination dans la lutte contre la fraude et la corruption avec sa rengaine « yandi vé » (traduisez : Tout sauf lui). Mayobo avait rendu son rapport : on s’est amusé avec l’argent de l’État dans le projet de la connexion de la RDC à la fibre optique. La commission Mayobo a indexé des expatriés n’ayant pour pièce d’identité qu’un numéro de téléphone,  un permis de conduire étranger… mais surtout des Congolais ayant abusé de la confiance en eux placée par le chef de l’État. Des ministres, des mandataires publics durant la période d’exécution du projet inhérent à la connexion de la RDC à la fibre optique WACS, sur qui pèsent de lourdes présomptions de péculat, de détournement des deniers publics à travers des entreprises fictives et/ou de surfacturation.

D’ailleurs le câble lui-même pose problème. Il a été acheté à prix fort : 52 000 dollars le km alors que le câble approprié ne coûtait que 20 000 dollars le km. Il a été placé sous terre contre l’avis des experts, qui rabâchaient sans cesse que c’est un câble aérien. Le hasard des circonstances a fait que le chef de l’État tient une opération manu pullite pour dépoussiérer l’exécutif. Luzolo Bambi fait désormais office de super Shérif, en fait, de conseiller du chef de l’État en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption. Joseph Kabila était clair sur les missions qu’il assignait à son conseiller. Parlant de la corruption et de l’enrichissement illicite, le chef de l’État déclare qu’une lutte continue s’impose dans ce domaine… Pour ma part, il a nommé un conseiller spécial qui aura pour mission principale d’assurer un monitoring permanent de  l’évolution des patrimoines ainsi que des cas de malversation, de corruption et d’enrichissement illicite dans le chef des hauts fonctionnaires et cadres, des mandataires publics et autres agents publics.

En marge des états-généraux de la Justice, Emmanuel Luzolo Bambi, conseiller spécial pour la bonne gouvernance du président Joseph Kabila, a déploré que les sanctions prononcées en matière de corruption n’existent presque pas alors que dans la vie de tous les jours nous voyons la manifestation de la corruption. Il a promis que, dans le cadre de son mandat de conseiller spécial, toutes les hautes autorités du pays, tant civiles que militaires, qui sont concernées par le phénomène de corruption, seront poursuivies. À l’image du procureur général de la République qui a initié des réquisitions à l’Assemblée nationale, l’opinion aurait, sans doute, voulu voir Luzolo traquer tous ces « Kuluna en cravate », comme il aimait tant le rabâcher du temps où il était ministre de la Justice. Hélas, personne n’est poursuivi. Certes, ils pourraient toujours se cambrer derrière la présomption d’innocence. Muongo wa Shabahanga,  ancien DG de l’OCPT, éclaboussé dans l’affaire « fibregate », a été en effet tête de liste PPRD à Masisi, dans le Nord-Kivu, dans la perspective des élections provinciales ; Kin-kiey a quitté le portefeuille de PT&NTIC pour les Relations avec le Parlement. Il en a été éjecté lors de la formation du gouvernement Badibanga au profit de Justin Bitakwira.

Mais l’ex-OCPT continue pour autant à subir des pressions du gouvernement. Dans son rapport annuel 2015, la SCPT, fait part « des cas d’injonction de payer à l’initiative de Smart Ideas pour un litige sur le dossier de passation de marché de la station d’atterrage 700 000 dollars, le principal, et 23 millions de dollars, les intérêts. Ce dossier est en cours de négociation à l’amiable…  Et voilà que l’État propriétaire et actionnaire unique de l’entreprise a décidé de la déposséder de la propriété et de la gestion de la future fibre optique au bénéfice de la SOCOF, une société anonyme unipersonnelle avec l’État comme seul actionnaire pour l’instant. Capital : 1,28 milliard de francs.