La modernisation des ports et des chemins de fer africains est un impératif de la croissance

Sans infrastructures de transport fiables, la RDC à l’instar de beaucoup de pays d’Afrique aura du mal à réaliser pleinement son potentiel économique. Outre le problème de gestion, il se pose aussi celui de l’intra-connectivité indispensable au développement du continent.

Un constat : en matière de transports en Afrique, les ports ne bénéficient pas de la même attention que les routes. Pourtant, le transport maritime est indispensable à l’exportation des ressources naturelles et des produits agricoles, dont les revenus sont indispensables au développement social et économique des pays africains. La voie aérienne coûte cher pour le transport des marchandises. En Afrique, les voies d’entrée et de sortie du commerce international sont tributaires de la voie maritime avec un taux avoisinant 98 %. Face à la demande croissante des matières premières, notamment en provenance de la Chine et de l’Inde, les infrastructures des transports et d’appui dans les pays africains ne peuvent soutenir le rythme.

Les progrès réalisés en matière d’infrastructures et d’administration des ports au cours de cette dernière décennie restent malheureusement limités. Bien que nombre de ports (Pointe-Noire, Luanda, Lomé, Cotonou, Abidjan, Accra, Durban…) aient aujourd’hui la capacité d’absorber les flux du trafic en croissance du fait de l’expansion du commerce des produits de base, très peu en tout cas sont dans les standards modernes requis. En fait, les ports maritimes africains  à ce jour sont devenus obsolètes car construits pour la plupart sous l’époque coloniale dans la vision des colonies exportatrices des matières brutes. Ces ports n’ont pas subi des modifications notables au cours des années à cause notamment de l’effondrement généralisé des économies nationales dans les années 1980-1990.

Changer de paradigme

Avec la croissance des échanges est apparu le phénomène du gigantisme dans la construction des bateaux porte-conteneurs pour bénéficier de l’économie de l’échelle. L’accueil des porte-conteneurs de 12 000 boîtes actuellement en vogue sur les routes intercontinentales exige des quais plus allongés, des chenaux d’accès plus profond et une manutention opérant dans les meilleures conditions de rentabilité. Mêmes les infrastructures de stockage ne suffisent plus. À ce jour, presque tous les ports africains sont engorgés et il n’est plus rare d’y voir des conteneurs superposés jusqu’à 5 niveaux, ce qui constitue un véritable goulot d’étranglement dans le processus du transport des conteneurs vers les différents modes de transport.

Selon une étude de la Banque mondiale, par exemple, aucun des centres principaux de transbordement d’Afrique, à savoir Abidjan, Dar es-Salaam, Djibouti, Durban et Mombasa ne remplit les critères de « pôle important » sur les grandes routes internationales. Plusieurs ports présentent des capacités insuffisantes en stockage et de maintenance des terminaux. Le Ghana, le Kenya, la Namibie, le Nigéria et l’Afrique du Sud comptent parmi les rares pays africains à afficher des progrès en matière de développement des ports.

Outre leurs limites, l’obsolescence des infrastructures ainsi que les barrières administratives posent problème. Le temps de présence dans les ports est également préoccupant. Plusieurs études, dont celle de la Banque mondiale, soulignent qu’à l’exception du port de Durban, les marchandises restent à quai 20 jours en moyenne dans les ports africains, contre 3 à 4 jours seulement dans la plupart des ports internationaux. Ces études mettent en relief comme handicaps la mauvaise qualité des équipements, l’inefficacité des opérations, l’insuffisance des normes de sécurité, les droits de port exorbitants pour les conteneurs et les marchandises…

Outre ces handicaps, le transport maritime en Afrique souffre de l’absence de réseaux ferroviaires et routiers intégrés vers les ports. Le transport d’une voiture de Dubaï jusqu’en Tanzanie ou au Kenya coûte en moyenne 3 000 dollars, mais il faut débourser 3 000 à 5 000 dollars de plus pour acheminer la même voiture de Tanzanie ou de Kenya en République démocratique du Congo. Il est trois fois plus cher de transporter un conteneur de Chine en Afrique que de Chine au Brésil, explique une femme commerçante de la RDC.

Bolloré

D’après elle, le transport maritime de marchandises de Chine ou de Dubaï vers l’Afrique est globalement peu cher, ce sont les coûts de douane et de transport intérieur qui sont élevés. Faute de liaisons intégrées, le transport conteneurisé en direction de l’intérieur du continent reste limité, en particulier dans les pays enclavés. Malgré tout, le transport de conteneurs se développe en Afrique subsaharienne.

Dans leur grande majorité, les ports africains sont gérés par les gouvernements qui détiennent et exploitent les infrastructures. Certains pays comme le Ghana et le Nigéria ont néanmoins opté pour une gestion privée, dans lequel les gouvernements détiennent et entretiennent les infrastructures portuaires, tandis que la gestion du fret est confiée au privé. Mais le niveau des ports varie au sein de la région. L’Afrique aura besoin d’énormes investissements pour développer de nouvelles infrastructures et améliorer et entretenir les installations portuaires. Selon la Banque mondiale, le continent a besoin d’environ 93 milliards de dollars par an, soit approximativement 15 % de son Produit intérieur brut (PIB) pour moderniser ses ports. Les investissements actuels s’élèvent à 45 milliards de dollars par an, dont la moitié provient des gouvernements, ce qui représente un déficit de financement de 48 milliards. Pour réaliser des travaux d’envergure, il faut séduire les investisseurs, d’où le phénomène des concessions (cas de Pointe-Noire, Abidjan… avec Bolloré) actuellement qualifiées de partenariat public-privé dans la plupart des ports maritimes africains. Des chantiers poussent ci et là dans tous les ports africains avec l’apport des opérateurs économiques privés, des armateurs étrangers desservant les ports africains, d’Europe ou d’Asie, ainsi que des banques. La réhabilitation des ports maritimes performants à elle seule ne suffit pas pour rendre le système des transports africains plus performants. Les législations du transport de transit doivent également être améliorées pour rendre le climat de travail plus propice. Il en est de même de l’amélioration du système intégral de transport de l’hinterland du port car la finalité de la marchandise n’est pas d’arriver au port mais d’atteindre le point de destination finale dans les conditions optimum de coût, de délai et de sécurité. La R-dC a encore du chemin à parcourir…