La mort de George Floyd réveille les vieux démons de l’antiracisme

La quarantaine, le Noir américain n’est pas mort (suite à la violence policière) pour rien. Aux États-Unis comme ailleurs, une vague de contestation grandit chaque jour davantage.

STATUES d’esclavagistes et autres symboles apparentés sont plusieurs jours la cible des manifestants anti-esclavagistes. Partout, la colère grandissante relance le débat sur la présence de ces symboles dans l’espace public. Tenez : devant le musée des Docklands à Londres, le mardi 9 juin, un employé a placé une échelle au pied de la statue de Robert Milligan, trafiquant d’esclaves du XVIIIe siècle, dont le visage a été recouvert d’une couverture. Dans ses bras, une pancarte sur laquelle est écrit « Black Lives Matter ». Puis, la statue a été déboulonnée. Elle a été retirée sur recommandation du maire de l’arrondissement. 

À Richmond en Virginie (États-Unis), une statue de Christophe Colomb, navigateur italien qui a découvert l’Amérique, a été incendiée et jetée dans un lac de la ville. Depuis plusieurs années, les hommages à Christophe Colomb sont contestés aux États-Unis par les descendants d’Amérindiens qui l’accusent de génocide. Nombre des représentations à son effigie à Boston ou Richmond notamment, ont ces derniers jours subi les foudres de la population. Il est dénoncé au même titre que des esclavagistes ou autres personnalités controversés.

À Bristol, en Angleterre, la statue d’Edward Colston a été déboulonnée par les militants antiracistes. La représentation en bronze a été mise à bas de son piédestal le dimanche 7 juin avant d’être jetée dans les eaux du port. Puis repêchée quelques jours plus tard par les services de la municipalité qui a précisé qu’elle serait dorénavant placée dans un musée. Colston a bâti sa fortune grâce au commerce triangulaire et à la traite négrière. Il a donc prospéré grâce au commerce d’esclaves, entre 1672 et 1689, ses bateaux ont transporté quelque 100  000 hommes, femmes et enfants, arrachés à l’Afrique et envoyés vers les Amériques. Son nom est visible partout à Bristol, la ville de sa naissance : statue, rues, salle de ¬concert et même une école. Edward Colston a légué son argent à la cité dont il est originaire.

Passé douloureux

À Anvers, en Belgique, une statue de Léopold II, une statue de l’ex-roi des Belges, a été retirée d’un square de la ville le mardi 9 juin. Au nom de « la mission civilisatrice » de la Belgique au Congo, le monarque avait mis en place un régime colonial (1885-1908) décrit par les historiens comme un des plus violents de l’histoire, basé sur l’exploitation du caoutchouc. Un buste de l’ex-roi des Belges avait déjà été vandalisé à Tervuren, près de Bruxelles.

À Londres, la statue de Winston Churchill (1874-1965), l’emblématique 1ER Ministre britannique a été taguée d’un « was a racist » [il était raciste]. Et la statue encastrée dans une boîte est désormais sous protection. Le « vieux lion » est parfois mis en cause depuis quelques années pour certains propos et positions racistes. En son temps, il s’était notamment montré « fermement en faveur de l’utilisation de gaz toxiques contre les tribus non civilisées » dans un mémorandum longtemps resté secret. 

Dans le quartier du Cherokee Triangle à Louisville (États-Unis), le lundi 8 juin, la statue de John B. Castleman, soldat de l’armée confédérée, a été retirée de son piédestal. Dans plusieurs rassemblements, ces dernières semaines, les symboles confédérés ont été la cible des manifestants.

En Afrique du Sud, on déboulonne les statues de l’époque coloniale. Sous la pression des étudiants noirs, le monument de Cecil Rhodes, le colonisateur britannique, a été retiré le jeudi 4 juin au Cap. On a entendu des cris de jubilation quand une grue a soulevé la statue du magnat des mines sud-africaines, qui a mis le Zimbabwe et la Zambie (ex-Rhodésie du Sud et du Nord) en coupe réglée à la fin du XIXe siècle. La sculpture trônait à l’entrée de l’Université du Cap depuis 1934… Colonialisme, esclavage : faut-il déboulonner les statues symboles d’un passé douloureux ? Le débat continue de faire rage.