La polémique s’enfle sur le budget de la CENI

D’aucuns parlent d’une « bourde », d’autres d’un « excès de zèle ». Dans tous les cas, les récents propos du ministre du Budget ont jeté de l’huile sur le feu, amplifiant le doute sur la comptabilité de la Centrale électorale.

 

Le ministre d’État en charge du Budget, Pierre Kangudia Mbayi (ancien de l’UDPS passé à l’UNC) a joué avec le feu. Mercredi 15 février, il a cru bon de réagir, quelques heures après, à la déclaration du numéro un de la MONUSCO qui intervenait à la conférence hebdomadaire de cette mission onusienne en RDC. Maman Sambo Sidikou a indiqué que l’appui en logistique apporté à la Commission nationale électorale et indépendante (CENI) permettrait d’obtenir un nouveau fichier électoral au mois de juillet prochain et de tenir les élections à fin 2017. Pierre Kangudia Mbayi  a aussitôt convoqué la presse, comme pour contredire l’envoyé spécial du secrétaire de l’ONU et patron de la MONUSCO. Devant les journalistes, le ministre d’État au Budget a fait savoir ceci : « Tenant compte des indications actuelles, il est impossible, j’ai bien dit impossible, de mobiliser 1,8 milliard de dollars exigés pour la tenue des élections. »

Ces propos ont sonné comme une provocation au moment où le climat politique dans le pays est délétère, suspendu aux négociations politiques autour des évêques catholiques. Dans certains cercles politiques de Kinshasa, on se demande si Pierre Kangudia a agi de son propre chef ou il a été poussé à dire tout haut ce qu’il pense tout bas, dans le but de discréditer davantage l’opposition. En tout cas, les critiques les plus acerbes contre la déclaration du ministre d’État au Budget sont venues de la Majorité présidentielle (MP). Curieux tout de même ! La plate-forme politique qui soutient le président de la République, s’est déjà rangée en ordre de bataille, en mettant en place « sa » centrale électorale. Signe qu’elle est pressée d’aller vite aux élections, le plus tôt possible. Des ténors de la MP ont en effet rappelé à Pierre Kangudia qu’il revenait à la seule CENI de se prononcer sur la tenue ou non des élections générales à termes échus.

Silence radio

Le député Patrick Kakwata (Parti des réformateurs), a dénoncé la « désinvolture » des propos du ministre d’État au Budget, en faisant comprendre que le gouvernement n’a même pas commencé les travaux d’élaboration du budget 2017 pour anticiper et spéculer sur les élections.  Pas de réaction officielle du côté de la CENI. Son président, Corneille Naanga, poursuit sa mission de sensibilisation à l’enrôlement dans les deux provinces de Uele (Bas et Haut). Pourtant, à deux reprises, un membre de la plénière de la CENI a demandé par écrit au président Naanga l’audit financier, à mi-parcours de la CENI, sans succès. Au lendemain de la publication du budget révisé de la CENI par son président, des voix se sont élevées pour le décrier. Ce budget est jugé « artificiellement gonflé » pour des visées politiques. « Le budget de la CENI, c’est du suicide collectif », a tempêté Basile Bolongola, activiste des droits humains. À la chambre basse du Parlement, le député Henri-Thomas Lokondo (MP) a obtenu du bureau de l’Assemblée l’invitation prochaine du président de la CENI, pour se justifier notamment sur ses engagements financiers. Hélas, la dernière session parlementaire s’est clôturée sans que le numéro un de la centrale électorale ne se présente devant la représentation nationale.

Toutefois, le tollé a été tel qu’un expert de la centrale électorale a tenté, par voie des médias, de recadrer les choses, indiquant qu’une partie du budget de la CENI serait prise en charge dans le budget de l’État 2018. Aussi, le vice-président de la CENI, issu de la MP, Norbert Basengezi Katintima, a-t-il indiqué que « le budget de la centrale électorale tenait compte du déploiement du matériel, de la multiplication des bureaux d’inscription et de tous les problèmes liés à la logistique ». Or il se trouve que des partenaires, dont la MONUSCO, le PNUD et certains pays occidentaux, ont largement financé ou appuyé matériellement la CENI.  Pour mémoire le budget exigé par la CENI pour l’organisation des élections générales a d’abord été chiffré à 800 millions de dollars (sous feu l’abbé Malu-Malu), puis à 1,2 milliard et enfin à 1,8 milliard de dollars.

À ce jour, la CENI n’a jamais, officiellement, déclaré combien a-t-elle déjà consommé et que lui faut-il encore. Le 15 février, le ministre britannique pour l’Afrique, Tobias Ellwood, a déclaré que son pays est disposé à soutenir la RDC dans l’organisation des élections. « La Grande-Bretagne a des fonds disponibles pour le faire, une fois le processus d’enrôlement des électeurs terminé… », a affirmé l’homme d’État britannique lors de son séjour à Goma. Où il a déclaré qu’il suit le processus d’enrôlement en cours pour me rassurer que les personnes enrôlées auront la possibilité de voter.

Selon l’accord politique issu du dialogue politique de la Cité de l’Union africaine à Kinshasa (ou accord du 18 octobre)n dont le gouvernement Badibanga tire encore sa légitimité, « le budget de la CENI doit être rationnel et détaillé sur l’ensemble du processus électoral. » Et tous les trois mois, le Sénat et l’Assemblée nationale devraient contrôler les recettes et les dépenses relevant de la CENI. Ce n’est qu’en mars prochain, probablement, que les deux chambres du Parlement devraient auditer la gestion financière de la CENI. Mais la question de la nomination et de la formation d’un nouveau gouvernement, selon l’esprit et la lettre de l’accord de la Saint-Sylvestre (ou l’accord du 31 décembre 2016) négocié au centre interdiocésain sous l’égide de la Conférence nationale épiscopale du Congo (CENCO), pourrait davantage retarder la tenue des scrutins. Singulièrement la présidentielle à laquelle l’actuel chef de l’État, Joseph Kabila, ne doit pas, selon la constitution, se représenter.