La RDC veut assurer sa visibilité dans la lutte contre le changement climatique

CLAUDE Nyamugabo Bazibuhe, le ministre de l’Environnement et du Développement durable, a eu d’intenses activités dans la capitale espagnole, en tant que vice-président de la conférence des ministres africains de l’Environnement. Il a notamment déployé un important ballet diplomatique afin d’assurer la visibilité de la République démocratique du Congo dans le secteur de l’Environnement et dans la lutte contre le changement climatique. 

Selon le porte-parole du gouvernement, David Jolino Diwanpovesa Makelele ma-Muzingi, le ministre de la Communication et des Médias, il y a lieu d’en retenir des « retombées palpables ». Notamment, l’acceptation par l’Indonésie d’accueillir les experts congolais pour une formation sur les tourbières, une problématique très actuelle dans notre pays. En effet, des chercheurs anglais ont récemment attesté que les tourbières de la RDC stockeraient l’équivalent de 3 ans d’émission mondiale de CO2. 

Lever les hypothèques

Notre pays avait adopté, en 2002, un code forestier et décrété un moratoire dans l’attribution de nouvelles licences d’exploitation forestière industrielle, en vue de mettre de l’ordre dans le secteur. En octobre 2017, l’ONG Greenpeace et un groupe d’experts ont mené une campagne de communication sur les tourbières qui couvrent 145 000 km² d’un espace marécageux à cheval entre la République du Congo (Brazzaville) et la RDC, soit une zone un peu plus grande que l’Angleterre. Les experts estiment que ces tourbières stockent environ 30 milliards de tonnes de carbone. Cela représente autant de carbone que les émissions d’énergie fossile de toute l’humanité sur trois ans. 

La RDC abrite plus de 60 % des forêts denses du bassin du Congo, deuxième massif forestier tropical de la planète après l’Amazonie. Le pays possède ainsi la deuxième forêt tropicale primaire de la planète (86 millions d’ha). Avec en toile de fond la Conférence de l’ONU sur le climat ou la COP25, le problème de gestion des forêts en RDC revient encore d’actualité. 

En décembre 2018, des délégués venus de l’administration forestière (ministère de l’Environnement et du Développement durable, Institut congolais pour la conservation de nature, Fonds forestier national, etc.), du secteur privé (exploitants forestiers industriels et artisanaux), du BNCF, de la société civile environnementale (ONG intervenant dans la gouvernance forestière), des communautés locales et autochtones, des cadres scientifiques et techniques, des organisations féminines environnementales et des jeunes -, se sont réunis à Kinshasa. Tous avaient réaffirmé leur soutien aux « stratégies pertinentes » de gestion durable des forêts en RDC. 

Si le constat fait en décembre 2018 est que, cette fois-ci, les choses semblent aller dans la bonne direction, car le dialogue a été renoué entre le gouvernement et les ONG, il reste cependant « beaucoup de barrières » à lever avant qu’un vrai projet de gestion durable des forêts et de bonne gouvernance forestière, ô combien bénéfique, ne devienne réalité en RDC. D’après les ONG, les forêts de RDC jouent un rôle crucial dans la régulation du climat dans le monde. « Si les coupes forestières se poursuivent au rythme actuel, le pays risque de perdre 40 % de ses forêts dans les 40 prochaines années. L’exploitation de ces concessions a des répercussions environnementales, notamment dans la zone des tourbières (145 000 km²). Les tourbières ne peuvent rendre service à l’environnement que quand elles sont gardées humides et intactes. »

Selon les données du ministère de l’Environnement et du Développement durable, la RDC est dotée d’immenses ressources naturelles qui sont un atout indéniable pour assurer son développement socioéconomique harmonieux, à condition que ces forêts soient gérées durablement, avec une gouvernance améliorée, en intégrant dans la mesure du possible toutes les parties prenantes dans le processus de prise de décisions concernant les ressources naturelles, en particulier les ressources forestières. 

Les forêts de la RDC constituent l’un des poumons de notre planète encore relativement intact avec une très grande dépendance en moyens de substance et d’existence pour les populations locales et les peuples autochtones. 

À ce jour, on estime, en effet, que les forêts peuvent jouer un rôle économique, environnemental, social, culturel majeur si des mesures d’assainissement efficaces (courageuses, inclusives et méthodiques) du secteur forestier sont mises en œuvre. Aujourd’hui, la loi n°011/2002 du 29 août portant code forestier pour régir la gouvernance forestière en RDC éprouve des difficultés dans sa mise en œuvre. 

C’est ainsi que les observateurs avertis en appellent à sa révision pour le mettre en phase avec l’évolution des circonstances et des thématiques émergentes ayant une incidence réelle sur les forêts. Les mêmes observateurs soulignent la nécessité d’une politique forestière qui aurait pu se mettre en place avant même l’adoption du code forestier.

Le contexte est-il favorable ?

En dépit du lot d’hypothèques à lever, le régime forestier actuel a permis quand même quelques avancées. Mais ce n’est pas assez suffisant, estiment les ONG. 

Parmi les éléments positifs, on peut citer la revue légale des anciens titres forestiers en nouveau contrats de concession forestière représentant une superficie de plus de 12 millions d’ha (décret n°05/116 du 24 novembre 2005, fixant les modalités de conversion des anciens titres forestiers en contrats de concession forestière et portant extension du moratoire en matière d’octroi des titres d’exploitation forestière).

Il y a aussi la revue institutionnelle du secteur forêt-environnement, la production de la quasi majorité des mesures d’application du code forestier et la mise en place du comité de validation desdites mesures, la production et l’effort d’actualisation des guides opérationnels sur la mise en œuvre de l’aménagement durable des forêts. 

Il y a également le plan de zonage national pour sécuriser les espaces et instituer un domaine forestier permanent géré durablement, la publication de l’arrêté ministériel fixant le modèle d’accord constituant la clause sociale du cahier des charges du contrat de concession forestière des communautés locales conformément aux arrêtés ministériels n°090/CAB/MIN/ECN-T/15/JEB/2009 – n°023 et n°028/CAB/ECN-T/15/JEB/08 du 7 août 2008, la mise en place du Programme national Environnement, Forêts, Eaux et Biodiversité (PNFEEB).

Il y a enfin la publication des textes de base y relatifs (décret n°14/018 du 2 août 2014 fixant les modalités d’attribution des concessions forestières aux communautés locales, en application des dispositions de l’article 22 du code forestier de 2002, ainsi que l’arrêté ministériel 025 de février 2016), le passage de la phase de préparation à celle des investissements de la REDD+ en RDC, la mise en place du Fonds national REDD+ (FONAREDD) dans le cadre de l’initiative CAFI, la mise en place des conseils consultatifs provinciaux des forêts…

Les défis se résument à peu près à ceci : améliorer la gouvernance dans le secteur. Claude Nyamugabo Bazibuhe a inscrit son action dans cette perspective. Il est en campagne de sensibilisation des institutions au changement climatique qui est une question transversale. À cet effet, il a déjà rencontré les parlementaires (députés et sénateurs) membres de la commission d’environnement. 

Outre l’appel aux différents pays à soumettre les contributions nationales, avec la plus grande ambition possible, la COP25 a abouti à la sensibilisation de la communauté internationale sur l’attention à accorder à la RDC au sujet des financements auxquels elle a légitimement droit. Il s’agit d’aider les pays à concrétiser leurs objectifs climatiques. 

Quatre ans après la signature de l’accord de Paris, les représentants de plus de 200 pays réunis à Madrid pour la COP25 considèrent cette conférence comme « une étape importante dans la perspective de la COP26, prévue à Glasgow (Écosse) en 2020. Les pays devront, à cette échéance, avoir renforcé leurs objectifs au titre des « contributions déterminées au niveau national ». Le Groupe de la Banque mondiale a mis en place un dispositif dédié pour aider les pays à respecter leurs engagements. 

Ce fonds soutient divers pays à travers le monde et des interventions qui vont du déploiement de moyens de transport sobres en carbone à la mise en place d’outils informatiques innovants pour la cartographie des risques climatiques.