Le FPI entend user des poursuites judiciaires, s’il le faut

Sur l’avenue Lukusa, le ton est à la fermeté. Les débiteurs, qui qu’ils soient, devront rembourser les fonds obtenus sous forme de crédits. Le nouveau comité de gestion promet de recourir à toutes les voies légales, notamment saisir les cours et tribunaux pour récupérer les 140 millions de dollars.

Patrice Kitebi, DG du FPI.

Dans le viseur du nouveau comité de gestion du Fonds de promotion de l’industrie (FPI) se trouvent notamment des ministres et des députés de la Majorité présidentielle. Ces dignitaires indélicats du régime font la sourde oreille. Au sortir d’une réunion avec le nouveau comité de gestion du FPI, le 6 décembre, le ministre sortant de l’Industrie, Germain Kambinga, a agité l’éventail. Le nouveau patron du FPI, Patrice Kitebi, ancien ministre délégué aux Finances dans le premier cabinet Matata, a été donc mis à l’épreuve. C’est justement passer à l’acte qui pourrait lui poser problème. C’est depuis 2015 que la commission d’enquête parlementaire sur les fonds non remboursés du FPI a déposé son rapport au bureau de l’Assemblée nationale. L’on y cite nommément des ministres, anciens ou en fonction (sortants), des députés MP comme bénéficiaires des crédits de plus de 140 millions de dollars, entre 2008 et 2014, et qui rechignent à rembourser les crédits obtenus.

Sous la pression d’on ne sait qui, voilà que ce rapport a été rangé dans les tiroirs. Et il a réapparu comme un projet de transformation du FPI en une banque d’investissements industriels. L’option avait été levée au cours du conseil des ministres extraordinaire du 27 janvier 2016. La mutation du FPI a été reprise parmi les 28 mesures économiques du gouvernement qualifiées d’« urgentes ». Un véritable débat s’est engagé dans les réseaux sociaux, avec en toile de fond des critiques sur le gouvernement accusé de vouloir protéger des dignitaires du régime cités dans le rapport du FPI. D’autant plus que deux semaines avant la décision du gouvernement, le chef de l’État,  Joseph Kabila, venait de promulguer la loi de finances n°15/021 du 31 décembre 2015 pour l’exercice 2016. Dans celle-ci, le FPI était repris dans sa forme initiale, c’est-à-dire un compte spécial émergeant au budget  avec des recettes et des dépenses attendues identiques de l’ordre de 134 193 641 429 FC, soit un peu moins de 145 millions de dollars.

Le rapport parlementaire

L’État n’avait donc pas de soucis particuliers à se faire sur le FPI. Si ce n’était que la liste des décideurs insolvables vis-à-vis du FPI circulant sur les réseaux sociaux, accompagnée de critiques acerbes. Le rapport de la commission parlementaire sur le FPI déposé sur la table du président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, et distribué déjà aux députés, circulait dans toute la ville. Trois membres du gouvernement Matata, un député et un cadre de la CENI détenaient à eux seuls près de 3 millions de dollars. Environ 70 % des projets financés par le FPI, entre 2008 et 2014, n’ont pas été réalisés et d’autres ont été tout simplement fictifs. L’ancien comité de gestion du FPI a été accusé de « complaisance » dans le choix des promoteurs des projets. L’ex-directeur général, Constantin Mbengele, a privilégié, dans l’octroi des crédits, les personnalités politiques au détriment de véritables entrepreneurs. Authentique ! Dans ses recommandations, la  commission parlementaire a exigé « la dépolitisation et la rationalisation des conditions d’octroi des crédits et des subventions au FPI ».

Dans le projet du gouvernement, le FPI devra offrir  ses services exclusivement aux grandes entreprises, aux institutions publiques et financières. D’après Michel Somwe, la transformation ne tient qu’au changement d’appellation. Ce professeur d’économie, ancien directeur général de la Banque de crédits agricoles et ancien cadre de la Banque centrale, en charge des banques commerciales en difficultés, insiste que rien n’a changé. On n’appelle banque  que toute institution qui reçoit des dépôts des ménages, des entreprises, et émet en contrepartie des comptes bancaires. Pour lui, une infrastructure financière doit toujours savoir faire la part des choses entre la finance directe et l’intermédiation financière. Il y a des activités bancaires qui relèvent de l’intermédiation financière et des activités financières relevant de la finance directe.

Liquidation avant toute transformation

Dans un pays comme la RDC où il n’y a pas de marché financier, explique Michel Somwe, le terme approprié est plutôt banque d’affaires. Le gouvernement a eu tort de se fonder sur l’appellation anglaise « Invetissement Bank » et le traduire par banque d’investissements en français. Aussi la mutation devra-t-elle inévitablement passer par la liquidation du FPI. Or, la liquidation suppose avant tout l’établissement d’un inventaire des passifs et des actifs du fonds. Au 1er janvier 2016, le FPI comptait  un effectif de 281 agents, dont 74 agents féminins. L’institution financière a, au cours de ces 20 dernières années, soutenu quelque 688 projets. Mais sur terrain, le FPI n’aura été qu’une structure de poursuite de la  « zaïrianisation en numéraires ». Force est de constater que l’industrie congolaise a plutôt régressé en termes de nombre d’unités de production par rapport aux années 1960-1990. Selon le ministre sortant de l’Industrie, la  RDC a plutôt perdu 80 % de ses unités de production.