Les conditions de la relance de la production cotonnière

La chute de la production et surtout la concurrence des importations ont entraîné la faillite de quasiment toutes les compagnies textiles dans le pays, à l’exception de la SOTEXKI à Kisangani, et de leurs filiales d’égrenage chargées d’appuyer les producteurs et d’usiner leur production. 

 

Pour les besoins nationaux en textiles et en habillement, le pays dépend encore entièrement des importations de tissus (pagne) de Chine ou du Nigeria, et de friperies. Pourtant, la République démocratique du Congo a un potentiel important pour la production cotonnière. Celle-ci offre des avantages très important dans le cadre de la réduction de la pauvreté, car cette culture est très bien adaptée à la production par les petits exploitants, ainsi qu’en matière de sécurité alimentaire puisqu’elle rentre en rotation avec les cultures vivrières qui profitent de l’engrais nécessaire financé par le coton.

Les spécialistes pronostiquent qu’il est difficile de relancer cette culture à court et à moyen termes. Que, par ailleurs, les prix internationaux resteront probablement relativement bas (1.50 dollar/kg). Et que, enfin, la demande du marché intérieur en produits textile quoique forte (plus de 100 000 tonnes de coton-graine) sera absorbée par la concurrence des importations.

Aujourd’hui, avec les prévisions qui sont projetées, c’est maintenant le moment de relancer la production cotonnière en RDC. La relance de la production nationale demanderait que les mesures de protection (tarifs, contingentement) maintes fois réclamées dans le passé puissent être strictement appliquées à l’avenir comme dans le cas de l’Union européenne (UE), estiment des experts. De plus, cette relance demanderait des investissements privés importants pour la réhabilitation de l’industrie textile nationale et des usines d’égrenage qui y sont associées.

Aujourd’hui, il semble aussi difficile que la RDC puisse exporter sa fibre sur le marché international, compte tenu des distances longues entre les principales zones de production et les points d’exportation (entre 900 et 1 500 km), ainsi que des coûts de transport élevés. Le prix international anticipé dans le moyen terme se traduit par un prix FOB d’environ 1.4 dollar/t de fibre. Les coûts de transport (150-200 dollars/t) et d’usinage (500 dollars/t) actuels permettrait donc de payer un prix bord-champ d’environ 700 dollars/t, soit 250 dollars/t de coton graine, ce qui semble trop bas pour offrir aux producteurs une rémunération suffisante pour leur travail (il faut en effet déduire du prix bord-champ le coût des intrants – engrais et insecticides – qui est très élevé). La relance de la production pour l’exportation demanderait de même la réhabilitation des usines d’égrenage et la restauration des circuits d’approvisionnement en intrants, et donc des investissements importants. Aujourd’hui, des investisseurs privés étrangers sont prêts à venir en RDC, sans une forte subvention de la part de l’État.

Le Katanga en ligne de mire

Selon plusieurs sources, c’est la région de l’ex-Katanga qui attire l’attention des investisseurs potentiels. La production y a cessé totalement. L’introduction du coton au Tanganyika remonte à 1933, hormis le territoire de Moba qui par son environnement climatique est favorable aux cultures du blé et de la pomme de terre, ainsi qu’à l’élevage. L’actuelle province du Tanganyika couvre 135 000 km² (4,4 fois le territoire belge). Le paysannat agricole y a été instauré dès 1950, et le coton représentait quelque 38 % du revenu agricole monétarisé de la population autochtone. En 1959, par exemple, il y avait au Tanganyika un parc de matériel agricole composé de 40 tracteurs (dont 8 lourds à chenilles de plus de 45 Cv tandis que les autres engins de 35 à 40 Cv étaient de type moyen sur pneumatiques) ; 40 charrues dont 24 portées, 20 autres tractées et 30 engins de pulvérisation. Une plaine d’aviation pour petits porteurs avait été aménagée en zone de paysannat. Et pour réduire la jachère, on a introduit les engrais.

La première usine de coton à s’implanter dans le Tanganyika est la société Filtisaf, en 1948, précisément à Kalemie. Elle produisait 1 million de mètres de tissus par mois et employait 1 800 travailleurs dont 70 expatriés à sa fermeture, suite au pillage des unités de production de triste mémoire à travers le pays en septembre 1991. Par ailleurs, Filtisaf finançait une école de textile à Lubuye, toujours à Kalemie. Puis, il y a eu les guerres (1996-1997 et 1998-2003).

Le gouvernement attentionné

Depuis 2003, la situation de la filière coton fait aussi l’objet d’attention du gouvernement. Le ministère de l’Agriculture a en effet organisé, cette année-là, en collaboration avec la Caisse de stabilisation cotonnière (CSCO), la 2è réunion technique cotonnière (27-28 novembre) à laquelle tous les acteurs de la filière étaient conviés. Les participants avaient recommandé « la relance de la production cotonnière par les propriétaires des usines d’égrenage du coton étant donné que l’activité cotonnière s’organise autour de ces usines ». D’où, il a été également recommandé au gouvernement de « connaître les intentions des propriétaires des usines à l’arrêt ou à l’abandon pour solliciter, en cas de désengagement, leur reprise dans les règles par l’État et leur transfert aux nouveaux opérateurs qui voudront investir dans le coton ».

En 2006, le ministère de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Élevage a annoncé l’intention du gouvernement de « relancer la culture du coton dans les différents sites à haute productivité du pays, notamment dans le Nord-Est et le Sud-Est. Selon ce ministère, il s’agit de « redresser ce secteur reposant sur les conditions édapho-écologiques favorables dans certaines provinces et sur une population agricole intéressée à cette culture, grâce au retour de la paix dans le pays ». Tout en faisant remarquer que « la chute de la production du coton est intervenue après l’indépendance suite aux divers changements institutionnels intervenus en RDC et  les pillages de 1991 et 1993 ». Et qu’« avant l’accession de la RDC à l’indépendance, le coton représentait 14 % de la valeur des exportations agricoles et 5 % du total des exportations du pays ».

La stratégie nationale pour assurer la relance de la filière coton préconisait avant tout un « état des lieux exhaustif », pouvant orienter le gouvernement et les investisseurs potentiels. Étant donné que plusieurs contraintes freinent encore la relance de la production cotonnière. Il s’agit notamment de l’accès limité au marché suite au délabrement des infrastructures communautaires d’appui à la commercialisation, de la faiblesse de services agricoles de base (recherche agronomique), des difficultés d’accès aux services financiers,  de l’absence d’intrants agricoles ainsi que du faible taux d’achat du coton graine aux producteurs à la récolte…

En 2009, le cabinet du président de la République adresse une correspondance (N/Réf 1552/2009 du 20 octobre 2009) au gouvernement afin de prendre « toutes les dispositions utiles » qui s’imposent à propos de l’abandon de la filière coton. La lettre signée par le directeur de cabinet de l’époque, Lumanu Bwana Sefu, reprenait les noms des sociétés cotonnières, jadis fleuron de l’activité dans les 5 zones cotonnières du pays, considérées comme en faillite. Par conséquent, le gouvernement devait leur trouver de nouveaux partenaires pour la reprise de certaines d’entre elles, compte tenu de « l’impact de la culture du coton sur les infrastructures à l’abandon dans le cadre de la mise en place des brigades de mécanisation agricole à l’intérieur du pays.

Bref, la relance de la filière coton s’inscrit dans le cadre du Programme national d’investissement agricole (PNIA, 2013-2020). Elle implique tous les acteurs : sociétés cotonnières, sociétés textiles, acteurs étatiques et paraétatiques, producteurs paysans, fournisseurs de services, organismes de coopération bilatérale et multilatérale, commerçants et confectionneurs.