Les vendeurs d’armes français se la coulent douce

Les grands groupes français du secteur de la défense ont annoncé des résultats-records, qui font pâlir, portés principalement par les ventes du Rafale et un marché plus dynamique que jamais.

 

Antoine Bouvier avait le sourire ce mardi matin 27 mars dans les salons ouatés du Cercle national des armées à Paris, où étaient présentés les résultats 2017 du missilier MBDA. Et pour cause, le patron du groupe européen qui fournit son matériel à 90 armées dans le monde, a annoncé avoir engrangé 4,2 milliards d’euros de commandes l’année dernière (contre 4,7 milliards en 2016) et généré le chiffre d’affaires record de 3,1 milliards d’euros. « C’est de nouveau une excellente année pour MBDA dont la taille devient semblable à celle de nos deux concurrents » (NDLR : les américains Raytheon et Lockheed Martin, les leaders du secteur), a confié Antoine Bouvier. Une dynamique qui va aussi permettre au missilier détenu par Airbus Group (37,5 %), BAE Systems (37,5 %), et Leonardo (ex-Finmeccanica, 25 %), de recruter 1 200 personnes en 2018, après l’embauche de 1 000 salariés en 2017.

Chiffres records

Les spécialistes soulignent que MBDA n’est toutefois pas un cas isolé dans le monde des vendeurs d’armes tricolores. Courant mars, la plupart des mastodontes français du secteur ont, eux aussi, affiché une santé de fer. À commencer par Dassault-Aviation, qui avec un chiffre d’affaires de 4,8 milliards et un carnet de commandes de 18,8 milliards pour 101 Rafales, dont 70 à l’export, sert de locomotive à l’armement « Made in France ». Thales, qui conçoit 25 % de l’avion de combat de Dassault, avait aussi annoncé au début du mois des résultats dépassant tous ses objectifs, notamment une croissance organique de 7,2 %, à 15,9 milliards d’euros et une marge opérationnelle de 9,8 %. Quelques jours plus tôt, le groupe Safran – qui fournit également de nombreux équipements du Rafale – avait aussi affiché un résultat net consolidé de 4,79 milliards d’euros contre 1,9 milliard l’année précédente. Également à la fête, le fabricant de véhicules blindés Nexter, qui a enregistré en 2017 pour 1,6 milliard d’euros de contrats, soit sa meilleure performance sur ces 20 dernières années.

Une santé insolente qui s’explique par la bonne dynamique du secteur. La dernière étude annuelle de l’Institut international de recherche sur la paix basé à Stockholm (Sipri), publiée mi-mars, faisait à ce sujet état d’une augmentation de 10 % en volume des transferts d’armes entre la période 2008-2012 et 2013-2017. Quant à la France, elle conforte plus que jamais sa place sur le podium des exportateurs d’armes. Selon le cabinet IHS, avec 5,2 milliards de dollars de livraisons en 2017, la France, troisième exportateur mondial, n’est devancée que par le leader mondial incontesté, les États-Unis (26,9 milliards de dollars), et par la Russie (7,2 milliards). Elle devance en revanche l’Allemagne (4,3 milliards), le Royaume-Uni (4 milliards), Israël (2,1 milliards) et le Canada (1,9 milliard). Selon IHS, Paris pourrait même doubler Moscou et devenir le deuxième exportateur mondial derrière les États-Unis en 2018.

L’Inde, meilleur client de la France

Dans le sillage des 96 Rafale vendus à l’Égypte, au Qatar et à l’Inde, ce marché de l’export est ainsi de plus en plus ciblé par les entreprises françaises. En 2017, MBDA y a par exemple enregistré 2,6 milliards d’euros de commandes (sur un total de 4,2 milliards), essentiellement grâce au Qatar. Le missilier européen a aussi créé une société commune avec son partenaire indien pour répondre à l’appétit grandissant du pays dirigé par Narendra Modi. Celui-ci est d’ailleurs devenu le premier client de Paris lors des dix dernières années, totalisant 15 % des prises de commandes françaises. Longtemps premier client de l’armement « Made in France », l’Arabie saoudite s’est montrée, ces dernières années, moins généreuse avec les industriels français. Symbole de cette perte de vitesse de la France en terre saoudienne : sur la période 2011-2015, le Qatar, qui a acheté 24 chasseurs Rafale pour 6,3 milliards d’euros en 2015, est devenu le meilleur client de la France dans le Golfe.

À l’avenir, les vendeurs d’armes ont aussi plusieurs raisons d’espérer malgré une concurrence américaine plus féroce que par le passé, comme l’a admis Antoine Bouvier. D’une part, car le gouvernement a décidé de choyer son armée en décidant d’injecter 300 milliards d’euros en sept ans, comme le prévoit la loi de programmation militaire 2019-2025. Et d’autre part, parce que l’Asie et le Moyen-Orient devraient continuer de tirer un marché qui pourrait se contracter légèrement mais rester dynamique en 2018, selon IHS. À cela, il convient d’ajouter certaines initiatives européennes, comme le nouveau projet européen de défense (PESCO) ou la création d’un fonds européen de défense dont pourraient tirer profit les industriels français de la défense.