L’incivisme fiscal bat son plein à Kinshasa

La Direction générale des recettes de Kinshasa (DGRK) peine à dompter tous les assujettis. C’est le cas, notamment, des propriétaires fonciers qui rechignent à s’acquitter de l’impôt foncier.

E

n vue de doter l’Exécutif provincial de moyens conséquents pour financer son plan d’action, le gouvernorat de Kinshasa a institué l’impôt foncier. Et confié à la Direction générale des recettes de Kinshasa la mission de percevoir cette taxe. L’arrêté du 29 janvier 2014 a instauré un taux  forfaitaire pour les personnes physiques et un taux par m2 de superficie bâtie  pour les personnes morales suivant la classification des communes. Cette disposition remplace celle du 23 juillet 2012 qui fixait les taux de l’impôt sur la base de la superficie bâtie et non bâtie.

Anticipant sur la méfiance des Kinois vis-à-vis de la fiscalité, la DGRK a adopté des stratégies incitatives afin de susciter l’adhésion du plus grand nombre à ce programme. À cet effet, elle organise régulièrement des campagnes de sensibilisation radiotélévisées et des actions de communication de proximité de porte à porte. C’était le cas en novembre et décembre 2014 dans plusieurs  communes de la ville. À l’évaluation, ces campagnes n’ont pas encore produit le changement de mentalité de la population.

La perception kinoise de l’impôt n’a guère évolué, non plus. Et pourtant, l’impôt a été réduit de 108 000 francs au montant forfaitaire de 30 000 par an. La population n’a pas été informée.  Si l’on en croit certains propriétaires, le refus de payer s’est transformé en une sorte de jeu du chat et de la souris.

Dans la commune de Lingwala, une propriétaire déclare ne pas être disposée à payer l’impôt foncier. Elle invente un stratagème : « Au passage des agents de la DGRK chez moi, ma fille leur raconte que je suis en voyage et que je paierai aussitôt  après mon retour. Pour ma deuxième propriété, un parent, colonel au sein de la police nationale, recourt à la même astuce ».

Pour sa part, une sexagénaire de Bandalungwa, explique le pourquoi de son hostilité : «  Je ne paie pas cet impôt parce que nous ne voyons pas de retombées positives sur notre vécu quotidien. Il y a quarante ans,  j’aurais au moins payé parce que la mairie curait les caniveaux et désinsectisait les quartiers ». À la DGRK deux types de récalcitrants posent problème : d’une part, les défaillants en déclaration et, de l’autre, les défaillants en paiement. Pourtant, elle dispose d’une panoplie de mesures coercitives mais qui souffrent d’inapplication par rapport aux personnes physiques.

DGRK, contrainte à un devoir de confidentialité  

Selon la loi, la période réglementaire prévue pour la production des déclarations sur l’état des biens immobiliers court du 1er janvier au 2 février de chaque exercice fiscal. Passé ce délai, les retardataires sont soumis à des pénalités, c’est-à-dire une mise en demeure assortie d’une majoration de 25% valide pendant cinq jours. Faute de s’exécuter, l’assujetti subit une taxation d’office suivie d’un avis de mise en recouvrement valable pendant vingt jours. Après cette étape vient l’application des sanctions telles que les scellés de portes, la saisie de biens, l’émission d’avis à tiers détenteur. Cette dernière disposition vise le gel des comptes bancaires des personnes physiques ou morales concernées.

S’agissant du cas des défaillances en paiement, avant de lancer un avis de mise en recouvrement  qui donnera lieu aux sanctions, la DGRK transmet d’abord à l’intéressé une note de perception dont la validité est de huit jours. Ce n’est qu’après qu’il lui sera adressé une mise en demeure de payer valable également pour huit jours. Cependant, aucun des propriétaires interrogés n’a jamais subi la rigueur de la loi, bien qu’ils soient tous soit en défaillance de déclaration, soit  en  défaillance de paiement.

Qu’en est-il des personnes physiques ? La DGRK n’applique pas les sanctions réglementaires prévues « par souci de maintenir la paix sociale dans la ville, et de ne pas jeter à la rue des milliers de familles dont les habitations seraient scellées », explique un responsable. « Pour contraindre les récalcitrants à payer leurs impôts, nous sommes en droit d’exploiter les avis à tiers détenteur (ATD) en ordonnant le gel de leurs comptes bancaires, mais la majorité ne dispose pas de comptes en banque », conclut-il.

Plutôt par réalisme, les sanctions sont traditionnellement appliquées à l’encontre des personnes morales qui, du reste, constituent le seul segment qui est réellement rentable pour la DGRK.  Cette réalité soulève plusieurs interrogations. Quelle est l’assiette fiscale de la DGRK  concernant les personnes physiques et morales ? Quelles sont les entreprises ou organisations à l’encontre desquelles des sanctions ont déjà été appliquées ? Face à ces préoccupations, la DGRK est restée muette, contrainte, paraît-il, « à un devoir de confidentialité  ».