Matadi et Boma toujours à la queue du hit Europe-Afrique des ports

À fin juin 2018, le volume des marchandises embarquées et débarquées au port de Matadi n’était que de 679 931 t selon la SCTP. Ce qui ne va guère améliorer les notes d’appréciation du principal port de la RDC. 

 Ni le port de Matadi ni celui de Boma ne figurent dans le hit des quinze ports africains notés par l’Observatoire Europe-Afrique des ports dans son rapport 2017, rendu public il y a peu. L’observatoire a, en effet, ciblé la période de 2014 à 2016, pour dresser son classement. Lequel a comme critères-clés, la qualité des services, les gains rapportés à l’État, etc. 

La qualité des services s’améliore cependant dans 40 % des ports, notamment en Afrique du Sud (scores 4,2 à 4,2), Côte d’Ivoire (5,1 à 5,2), Namibie (5,2 à 5,2) et aux Seychelles (5 à 5). La qualité est moyenne dans 20 % des ports du Sénégal (4,4 à 4,1), de la Tunisie (3,9 et 3,6) et d’autres pays. Elle se dégrade dans 40 % des ports en Algérie (2,8 à 3), Éthiopie (2,6 à 3,2) et ailleurs. 

Les gains versés aux États sont dérisoires. Bolloré, qui réalise 80 % de son bénéfice en Afrique (Exane BNP-Paris Bas), a versé au Togo des impôts sur les sociétés de six cents millions de FCFA en 2016, et 1,261 milliard FCFA en 2017 ; et à la Côte d’Ivoire, 10,122 milliards et 13,143 milliards.

En Afrique centrale, les ports de Douala et de Pointe-Noire tiennent le duo de tête suivi par Luanda. Mais les choses devraient aller en s’améliorant au port de Matadi qui s’est doté depuis fin juin de neuf autogrues grâce auxquelles il peut se prévaloir d’une certaine autonomie sur le chargement des containers.  Cependant, la performance logistique qui consiste à assurer la fiabilité des chaînes d’approvisionnement reliant les économies aux marchés, évaluée par le Logistic Performance Index de la Banque mondiale (2016) distingue trois ports : l’Afrique du Sud (20è mondial, avec un score de 3,78), le Kenya (42è, 3,33) et l’Égypte (49è, 3,18) ; alors qu’entre 2007 et 2017, plus de cinquante milliards de dollars ont été investis dans le secteur portuaire du continent. 

Selon PwC (2017), une amélioration de 25 % des performances de ces ports réduirait les importations de l’Afrique de 3,2 milliards de dollars par an, et augmenterait ses exportations de 2,6 milliards de dollars et un gain de deux points de croissance du produit intérieur brut par an.

Ainsi, les performances des compagnies concessionnaires sont faiblement partagées avec les États et les chargeurs. La maîtrise du commerce extérieur de l’Afrique nécessite la maîtrise de la gestion portuaire par les États.

Trafic conteneurisé

Selon Emmanuel Okamba, expert congolais en matière de commerce maritime, plus de 80 % du commerce extérieur de l’Afrique transite par les ports, alors que ce continent ne représente que 5 % du commerce maritime mondial et 2 % du trafic conteneurisé du monde. Sur ses 5,5 millions de conteneurs équivalents vingt pieds en 2016, 50,06 % concernent l’Europe, 40,99 % l’Extrême Orient, 5,90 % le Moyen-Orient, 2,62 % l’Amérique du Sud et 0,43 % l’Amérique du Nord (OMC, 2017). 

La flotte est exploitée par les armateurs mondiaux comme Maersk (39,54 %), CEMA-CGM (24,09 %), MSC (18,28 %), PIL (6,47 %), Zim et Grimaldi 4,44 % chacun, et Mol (3,06 %). Mais le modèle de gestion portuaire africain est dominé par la concentration de l’offre et les coûts logistiques élevés. Emmanuel Okamba rappelle que dans les années 1990, la Banque mondiale, le Programme des politiques de transport en Afrique subsaharienne et le Fonds monétaire international (FMI) avaient encouragé les privatisations et les concessions pour rendre performante la domanialité publique portuaire africaine. 

Sur les trente-sept terminaux portuaires de l’Afrique subsaharienne, Bolloré Africa Logistics contrôle 32,43 %, Terminaux APM (27,02 %), ICTSI DP Wold (18,92 %), China Merchant Holding (8,11 %), Cima-CGM et Portek (5,41 % chacun) et Hutchison Ports (2,70 %). Bolloré contrôle la manutention, seul ou avec d’autres sociétés, quatorze ports et en cogestion vingt-cinq ports secs. Au Sénégal, le Port autonome de Dakar est actionnaire de 10 % du capital de DP World pour la concession du terminal à conteneurs, 5 % dans celui de Dakar-Terminal pour le terminal roulier et 10 % dans celui de Necotrans pour le terminal vraquier et les opérateurs locaux 25 %. 

Au Ghana, le concessionnaire du terminal à conteneurs, Ghana Meridian Port Services, regroupe la société Bolloré pour 35 %, APMT 35 % et Ghana Port Harbours Autority 30 %. Au Congo, le concessionnaire Congo Terminal regroupe la société Bolloré pour 51 %, SDV Congo, Socotrans, Samariti, Translo, Maersk pour 25 %, et les opérateurs locaux pour 24 %. Mais, les conflits d’intérêt entre les parties affaiblissent les performances. 

Coûts logistiques 

La concession portuaire africaine comprend à la fois l’autorisation d’occuper le domaine public et l’obligation d’aménager et d’exploiter le périmètre et les ouvrages pendant au moins vingt-cinq ans en moyenne, contre une redevance et un droit d’accès qui renchérissent le fret. Les terminaux africains dégagent des coûts de passage de 1 500 euros (manutention, stockage, livraison locale), contre 250 à 300 euros en Europe. Les coûts portuaires (remorquage, pilotage, lamanage, droit de port…) vont de 6 552 euros à Lomé jusqu’à 26 371 euros à Dakar. Les conteneurs sont immobilisés durant vingt jours. La productivité horaire des portiques à conteneurs est comprise entre sept et vingt-deux conteneurs, contre vingt et trente dans les grands ports mondiaux de référence. Les porte-conteneurs dépassent rarement les 2 000 TEUs. 60 % des capacités des ports sont exploités en Afrique de l’Ouest, contre 75 % en Afrique australe. Les ports de Lagos-Apapa, Luanda et Dar es-Salaam atteignent leur pleine capacité.