Télécoms : les banques sont-elles en danger de mobile banking ?

Dans un monde de plus en plus dématérialisé, les Nouvelles technologies de l’information et de la communication sont un enjeu à la fois social et économique incontournable. Chez nous, l’Association congolaise des banques craint déjà qu’avec la montée en puissance de la banque digitale, les sociétés de télécommunications ne se transforment en banques. Mais quel est le poids réel de ce secteur dans l’économie nationale ?

DÉMOCRATISER l’accès au numérique. Tous les pays en font désormais un des objectifs de développement au même titre que l’accès à l’eau, à l’électricité, à l’éducation, à la santé… Dans le domaine de la téléphonie comme dans bien d’autres, le continent africain a sauté une étape technologique en passant directement au mobile. 

Selon des estimations des spécialistes, au moins 660 millions d’Africains actuellement devraient posséder un smartphone en 2020, contre 336 millions seulement en 2016. Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette percée : le développement du paiement mobile, la couverture en internet mobile qui se développe fortement et des prix plus abordables pour assurer l’accessibilité au plus grand nombre. 

Yves Cuypers, le président de l’Association congolaise des banques (ACB), appréhende à sa juste valeur le risque, lorsqu’il déclare que « c’est un véritable défi à la mesure d’une société qui évolue de plus en plus vite et qui exigera des banques réactivité et souplesse de plus en plus grandes, tant au plan technologique qu’aux plans réglementaire et surtout sécuritaire ». L’enjeu, dit-il, est celui de l’adaptation au sens darwinien du terme : « Celui qui ne s’adapte pas disparaît. »

Certes, le risque est là. Mais il ne faut pas s’en émouvoir outre mesure. Avec le mobile banking, l’impact est encore limité, tempère Deogracias Mutombo Mwana Nyembo, le gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC). En République démocratique du Congo, les opérateurs réseaux Vodacom (avec M-Pesa) et Orange (avec Orange Money) contrôlent 86 % du marché de mobile money. 

Orange est présent dans 20 pays en Afrique et au Moyen-Orient et compte 119 millions de clients (au T3 2018). Avec 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2017, cette zone est une priorité stratégique pour le Groupe. Orange Money, son offre de transfert d’argent et de services financiers sur mobile disponible dans 17 pays compte 40,2 millions de clients. 

Orange qui se veut un opérateur multi-services, partenaire de référence de la transformation numérique, affiche comme objectif d’accompagner le développement de nouveaux services digitaux en Afrique et au Moyen-Orient. Pour cela, le Groupe français innove encore en s’associant à KaiOS Technologies pour démocratiser l’accès au digital en Afrique. Cette année, les clients africains d’Orange auront accès à une nouvelle catégorie de téléphones intelligents fonctionnant sous KaiOS, le système d’exploitation de KaiOS Technologies, qui crée un écosystème émergent de produits et de services numériques à un prix très attractif.

Le premier produit qui sera lancé sera un « smart feature phone » 3G, puis suivra une version 4G plus tard. Ces nouveaux téléphones permettront d’accéder aux applications telles que Twitter, Facebook, You Tube, Google Search, Google Maps et Google Assistant. Ces téléphones intelligents seront dotés de fonctionnalités avancées similaires à celles d’un smartphone à un prix abordable.

Mobile : la banque de demain ?

Bill Gates, le magnat américain, a prédit que d’ici 2030, environ deux milliards de personnes dans le monde n’ayant pas actuellement de compte bancaire, épargneront et réaliseront des paiements avec leur téléphone. L’Afrique est dans la ligne de mire des fournisseurs de services de transfert d’argent par mobile. Ceux-ci offriront un large éventail de services financiers, des comptes d’épargne au crédit d’assurance. C’est tout dire sur l’avenir du mobile banking qui remet en question la problématique de la bancarisation. 

Selon les estimations de la BCC, les taux d’inclusion financière et de bancarisation en RDC – moins de 10 % pour une population de plus ou moins 70 millions d’habitants – sont parmi les plus bas de l’Afrique. On estime, par ailleurs, la masse monétaire circulant hors banques à environ 4 milliards de dollars. Un pactole que lorgnent les banques, les coopératives d’épargne et de crédit, et les institutions de micro-finance.  

L’introduction du mobile banking dans le système national de paiement a été un objectif majeur pour la Banque centrale afin d’accroître ces taux. Depuis quelques années, elle a entrepris, avec le concours du Fonds monétaire international (FMI), la réforme de l’intermédiation financière à travers les Nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Mais, comme le dit le Gouv’ de la BCC, il n’y a pas encore beaucoup d’impact avec le mobile banking. Ce nouveau service ne décolle toujours pas selon le rythme souhaité, en dépit de la campagne de communication massive et la démarche de payer les fonctionnaires et les agents de l’État se trouvant dans les zones rurales via le mobile. Jusque-là, le marché est largement dominé par les opérateurs de téléphonie cellulaire. Le service M-Pesa, proposé dès 2007 par Safaricom au Kenya, reste une référence, lorsque l’on parle du mobile banking en Afrique. En Afrique francophone, ce sont Orange Money, MTN Mobile Money et Airtel Money qui contrôlent ce marché. Airtel a ainsi déployé son offre dans 12 pays, MTN dans 11 pays et Orange dans 9 pays. Le marché congolais a tout de la poule aux œufs d’or. M-Pesa, Airtel Money et Orange Money tentent depuis plusieurs années de familiariser la population à l’utilisation de la monnaie électronique.