Transports en commun : un casse-tête congolais

La pression démographique dans les villes congolaises a engendré autant d’espoirs que de déconvenues. Si les spécialistes attestent que ce phénomène est en mesure de renforcer la croissance économique, la consommation et l’accès à des services (écoles, hôpitaux…), il n’en demeure pas moins que cela peut être aussi un facteur d’instabilité. Les mutations se font de manière anarchique et illégale. Les autorités publiques semblent désarmées devant l’ampleur de la problématique. L’explosion démographique dans les grandes villes du pays se résume, selon les estimations, à ceci : à Kinshasa (plus de 10 millions d’habitants) ; Kolwezi, Mbuji-Mayi, Kisangani et Lubumbashi (entre 1,3 et 2 millions d’habitants) ; Goma, Kalemie, Kananga, Bukavu et Likasi (entre 400.000 et 1 million d’habitants). Bien sûr, ces chiffres sont approximatifs car le dernier recensement remonte à 1984 ! Dans toutes ces villes, les mesures d’accompagnement n’ont pas suivi l’ampleur de cette praxis. Quand elles existent, elles ne sont pas appliquées avec efficacité et efficience, surtout dans le secteur des transports publics.

Il y a une dizaine d’années, les vélos « toleka » avaient atteint leur apogée à Kisangani, faute d’alternative crédible. Aujourd’hui, désormais, les villes ainsi que les milieux ruraux sont pris d’assaut par les incontournables motos-taxis. Ces engins apportent des solutions pratiques aux usagers qui empruntent des tronçons en mauvais état, se rendent dans des zones enclavées ou veulent bénéficier d’un prix relativement abordable. Une fois de plus, les autorités politico-administratives ont été prises de court par ce nouveau phénomène qui a fini par s’imposer. Or, les dispositions légales concernant le port du casque, ainsi que l’acquisition d’une plaque minéralogique et du permis de conduire, sont foulées au pied dans la plupart des villes congolaises. Des actions ponctuelles ont été, certes, menées ici et là, mais aucun mécanisme rigoureux de suivi-évaluation n’est mis en œuvre.

Des initiatives publiques et privées insuffisantes

Il y a deux ans, le gouvernement a décidé de commencer par Kinshasa pour alléger les misères des usagers. L’hôtel de ville lui a emboîté le pas. Ainsi, deux entreprises publiques sont opérationnelles dans la capitale, et il devrait en être ainsi dans tout le pays. Selon la Constitution, le pouvoir public et les provinces ont dans leurs attributions communes « le trafic routier, la circulation automobile, la construction et l’entretien des routes d’intérêt national, la perception et la répartition des péages pour l’utilisation des routes construites par le pouvoir central et/ou par la province. » Concernant les matières qui sont de la compétence exclusive des provinces, la Constitution énumère, entre autres, « le plan d’aménagement de la province », « les finances publiques provinciales », « l’acquisition des biens pour les besoins de la province », « les impôts, les taxes et les droits provinciaux et locaux, notamment l’impôt foncier, l’impôt sur les revenus locatifs et l’impôt sur les véhicules automoteurs », « l’habitat urbain et local, la voirie et les équipements collectifs provinciaux et locaux », « la planification provinciale. »

Sur le terrain, les prévisions des démographes, centres de recherche et agences onusiennes indiquent qu’en 2025, 40 millions de Congolais seront des citadins. En 2050, 37 % de la population vivra dans les villes. Selon ces mêmes études, le pays comptera, en 2030, près de 100 millions d’habitants et, en 2050, plus de 140 millions. C’est pourquoi doit-on prendre à bras-le-corps cette épineuse question laissée à la merci des opérateurs privés qui s’illustrent par le non respect des dispositions légales. L’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) avait estimé qu’en 2005, la mobilité aisée dans la capitale congolaise exigerait 5015 unités de transports, pour un coût d’investissement de 351,3 millions de dollars. Kinshasa devait alors compter 4 770 000 voyages par jour, dont 2 457 000 effectués par bus. Mais ces modes de transport doivent être diversifiés davantage. Ainsi, il est prévu la construction d’un tramway sur deux itinéraires, desservant chacun 12 des 24 communes de Kinshasa. Disposant de 50 rames, d’une capacité de transport de 350 passagers, le tramway répondrait aux besoins de 250 000 usagers par jour.

Développement d’un Plan directeur national intégré 

Au niveau national, depuis 2011, le ministère des Transports s’est évertué à élaborer le Plan directeur intégré de transports (PDNIT) et a levé des mécanismes afin de mettre en application ses différentes dispositions. Dans ce document, il y a toute une série de défis qui sont identifiés comme étant communs à tous les modes de transport : la caducité et la multiplicité de la plupart des textes légaux et réglementaires régissant l’organisation et le fonctionnement du secteur, la vétusté et l’obsolence de l’ensemble des équipements d’exploitation et de l’outil de production, l’insuffisance des ressources financières, le vieillissement et la sous-qualification d’une bonne partie du personnel, la multiplicité des acteurs (ministères) impliqués dans la gestion du secteur, la médiocrité de la qualité des services de transport.

Les résultats de ce plan directeur sont attendus à l’orée de l’année 2020. C’est notamment un cadre institutionnel et réglementaire modernisé, le renforcement des capacités humaines et institutionnelles des administrations et services publics du secteur ; des mesures concrètes pour la mise en œuvre des partenariats public-privé et/ou la privatisation, sous la forme de « concessions » proposées ; des dispositions légales et pratiques concernant la transformation des entreprises publiques du secteur en sociétés commerciales afin de les rendre compétitives, fiables afin d’assurer des services réguliers et de qualité à la population…

Dans le Plan d’action du gouvernement (2012-2016), il était prévu « une réforme du système de gestion des infrastructures et des entreprises de transport » avant la fin de l’année 2013. En renforçant les capacités d’intervention sur le terrain de l’Office des voiries et drainage (OVD), il était aussi prévu que des travaux, en cours d’exécution, devaient être parachevés dans plusieurs villes du pays : Kinshasa, Lubumbashi, Goma, Bukavu, Kisangani, Mbandaka, Gemena, Bunia, Butembo, Uvira, Kindu, Kananga, Tshikapa, Kenge, Kikwit, Mbuji-Mayi, Matadi, Likasi… En novembre 2013, le gouvernement et la société sud-coréenne Central Motors ont signé un protocole d’accord de construction d’une usine d’assemblage et de montage, à Kinshasa, des véhicules, notamment ceux destinés au transport en commun, de marque Hyundai.