Un pavé dans la mare

 Le Sénat se dit préoccupé par la dégradation de l’environnement économique national alors qu’on assiste à un affermissement de la situation sur le plan mondial. Pour l’ANAPI, l’amélioration du climat des affaires n’est pas que l’affaire des décideurs.

 

La dernière sortie, inattendue, du président du Sénat sur la situation économique actuelle soulève encore des vagues. Le débat se corse sur le timing de sa déclaration. Léon Kengo wa Dondo estime que « l’économie congolaise se meurt et a besoin d’être boostée pour ouvrir l’espace au développement et améliorer les conditions de vie de la population ». En tout cas, il se dit inquiet, surtout en cette période électorale, et l’a fait savoir aux sénateurs. Il a fondé sa préoccupation sur les perspectives du Fonds monétaire international (FMI) publiées en janvier. D’après les indications de l’institution de Bretton Woods, le taux de croissance du Produit intérieur brut (PIB) est projeté à 3,9 %, contre 3,7 % en 2017. Pour le président du Sénat, c’est la conséquence de l’activité économique mondiale qui continue à s’affermir, tirée vers le haut principalement par les exportations des industries extractives.

Dans ce secteur, on le sait, les cours des matières premières sont en hausse, du fait de la forte demande de cuivre et de cobalt observée dans les pays industrialisés et émergents. En effet, les cours du cuivre, par exemple, ont accru de 50 % et les prix du cobalt ont pratiquement triplé. Actuellement, le cobalt est de plus en plus utilisé dans la fabrication des batteries des véhicules électriques, des ordinateurs et des téléphones portables (smartphones). Il va de même pour le pétrole, dont le prix du baril a augmenté. Grâce à cette embellie à l’international, l’économie nationale a pu reconstituer ses réserves en devise, à environ 917,61 millions de dollars, fin février, soit une couverture nette de 4 semaines d’importation de biens et services.

C’est une bonne chose, soutient Léon Kengo wa Dondo. Mais il prévient que cette dynamique ne peut se consolider que si le nouveau code minier de la RDC est respecté, et que le climat des affaires s’améliore. Et il note que ce n’est que par « une bonne gouvernance attendue par les Congolais que ces derniers verront leurs conditions de vie s’améliorer ». Le président du Sénat a exhorté les sénateurs à « avoir un regard rétrospectif sur la contribution de leur institution à la consolidation de la démocratie ».

Réformes Doing Business 2019

Pourquoi seulement maintenant que Léon Kengo considère-t-il que le climat des affaires se détériore dans le pays, alors que le gouvernement a validé en avril la feuille de route des réformes Doing Business 2019 pour la RDC ? La polémique enfle… 

Rappel des faits. C’est le ministre d’État et ministre du Plan, Modeste Bahati Lukwebo, lui-même, qui a présenté en avril la feuille de route des réformes Doing Business 2019 pour la RDC, après la réunion de validation du comité de pilotage des groupes thématiques sectoriels relatifs à l’amélioration du climat des affaires, au partenariat public-privé et à la promotion des investissements. En validant des réformes dans trois indicateurs de Doing Business, à savoir les délais de délivrance du permis de construire ainsi que du transfert de propriété et l’indicateur relatif au commerce transfrontalier, le gouvernement a porté à sept le nombre des indicateurs ayant été soumis à la réforme. Les quatre premiers indicateurs réformés validés en septembre 2017 portaient sur la création d’entreprises, le paiement des taxes et impôts, le raccordement à l’électricité moyenne tension pour un entrepôt standardisé et le règlement de l’insolvabilité.

Concrètement, sur l’indicateur de création d’entreprises, le coût de création a été réduit de 120 à 80 dollars, et le délai réglementaire de 3 jours. Sur l’indicateur de paiement des taxes et impôts, l’introduction de la télé-procédure et du télé-paiement ou paiement à distance sur des plateformes dématérialisées. Sur le raccordement à l’électricité, la réduction des procédures.

Le ministre d’État en charge du Plan a émis le vœu de voir la RDC occuper une place de choix dans le classement Doing Business 2018 bien que tous les pays soient en compétition. La validation de ces réformes par les ministres concernés, permettra au pays de mieux se positionner dans le classement 2019, a-t-il indiqué. Le directeur général de l’Agence nationale pour la promotion des investissements (ANAPI), Antony Nkinzo, souligne, pour sa part, que l’amélioration du climat des affaires concerne tout le monde.

Concernant les trois derniers indicateurs réformés, à savoir le permis de construire, le transfert de propriété et le commerce frontalier, la feuille de route présentée par l’ANAPI souligne la nécessité d’améliorer. Sur  l’indicateur permis de construire, la règlementation en matière de construction, l’efficacité du contrôle de la qualité et des mécanismes de sécurité, les régimes de responsabilité et d’assurance, ainsi que les régimes de certification.

Quant au transfert de propriété, la réduction des procédures, des délais et des coûts; lais aussi la fiabilité des infrastructures, la transparence de l’information, la Cour géographique, la résolution des litiges au niveau administratif, et l’égalité d’accès au droit de propriété pour tous. À propos du commerce frontalier, le respect des exigences en matière de documentation, des procédures de commerce transfrontalier, ainsi que des procédures de transport intérieur.

Volonté politique

L’ANAPI insiste sur l’application « effective et rapide » de ces 7 réformes validées par le groupe thématique du gouvernement en vue d’améliorer le classement de la RDC dans le Doing Business 2019. Selon des experts de la Banque mondiale à Kinshasa, les évaluations devraient débuter en avril plutôt qu’en mai comme auparavant. Ce qui a mis une pression supplémentaire sur le gouvernement et son agence-conseil. Anthony Nkinzo est convaincu que l’assainissement de l’environnement des affaires va attirer davantage d’investisseurs tant nationaux qu’internationaux. Et que cela va contribuer à la création de richesses et d’emplois, et par conséquent réduire la pauvreté.

Modeste Bahati Lukwebo menace de sanctions désormais tous ceux qui mettent en travers des réformes en vue de l’amélioration du climat des affaires. 

D’après lui, le gouvernement, par l’entremise de l’ANAPI, ambitionne de faire de la RDC l’une des meilleures destinations des investissements dans le monde. Le ministre d’État et ministre du Plan a également insisté sur les recommandations du forum national sur la réforme de la fiscalité. 

Dans le dernier classement Doing Business, la RDC avait gagné 2 places, de la 184è à la 182è, après 5 années de stagnation, et ce grâce au respect du délai de 3 jours dans l’indicateur de création d’entreprises. Le Guichet unique de création d’entreprises (GUCE) a mis en place un mécanisme pour le suivi en ligne du dossier de requérant grâce à l’application E-GUCE, déjà opérationnelle sur les smartphones, portables et tablettes. Le suivi (électronique) du dossier se fait en temps réel. Le GUCE a pris le pari de réduire le temps de création d’entreprises à un jour. C’est grâce au projet Essor (DIFD) de la coopération britannique que toutes ces réformes sur l’indicateur de création d’entreprises sont rendues possibles.

« Certes, cette amélioration de deux places dans le classement général peut sembler insignifiant aux yeux de plusieurs, mais pour ceux qui connaissent le système d’évaluation complexe de l’équipe du Doing Business de la Banque mondiale et la méthodologie appliquée par celle-ci dans la cotation, vous diront combien il est difficile de gagner ne fût-ce qu’une place dans le classement général du Rapport concerné », a déclaré Modeste Bahati Lukwebo. Et d’ajouter : « Une chose est de se réjouir de ce résultat, une autre est de se remettre au travail pour relever le défi des réformes pour lesquelles les principaux indicateurs font état des contre-performances ». Sauf pour l’indicateur de création d’entreprises (de la 96è place à la 62è) et pour l’indicateur de règlement de l’insolvabilité (de la 169è place à la 168è). 

De l’analyse, il ressort que les contre-performances sont le fait de la non-application des réformes et des décisions contrariant les réformes déjà validées. Certes, les contraintes sont encore nombreuses dans la mise en œuvre des réformes. Mais, avec la détermination,  l’engagement et l’implication de toutes les parties prenantes,  il est possible de faire de la RDC un pays plus beau qu’avant. Une véritable destination pour les investisseurs, vœu d’Anthony Nkinzo.