Un statut hybride

rôle de situation que celle de ces entreprises qui ont reçu le patrimoine appartenant à l’État de façon plutôt informelle.

Le siège de la Régideso sur le boulevard du 30 juin, à Kinshasa.
Le siège de la Régideso sur le boulevard du 30 juin, à Kinshasa.

De par ses missions, la Régie des voies aériennes (RVA) exploite, entre autres, les aéroports de Ndjili à Kinshasa, Luano à Lubumbashi et Bangboka à Kisangani. À sa création, la Société nationale d’’électricité (SNEL) avait reçu également de l’État, en tant que maître d’ouvrage, le mandat de maître d’œuvre pour les travaux de la première étape de l’aménagement hydroélectrique du site d’Inga. Depuis des années, la Régideso gère des usines de traitement et d’épuration d’eau de Kinshasa (Ndjili, station de la Lukunga, Ngaliema) et d’autres infrastructures installées sur l’ensemble du pays. Pour sa part, l’ex-Onatra s’était vu confier le chemin de fer Kinshasa-Matadi, en plus du port de la même ville.

Cette liste n’est pas exhaustive. Elle peut être étendue à toutes les entreprises du portefeuille de l’État, transformées en sociétés commerciales. Ces dernières ont toutes en commun d’avoir bénéficié, à leur création, de biens meubles et immeubles, capitaux et actifs, qui ont été incorporés à leurs patrimoines. Problème : ces dotations ou donations ont été effectuées par voie d’autorité. Conséquence : à ce jour, aucune de ces entreprises n’est en mesure de déterminer avec précision le statut juridique de ces infrastructures. À qui appartient par exemple le barrage hydroélectrique d’Inga ? Qui est le propriétaire de la ligne haute tension Inga-Katanga, du port de Matadi, de l’aéroport de Ndjili, du chemin de fer Dilolo-Lubumbashi-Ilebo etc. ? Dans les administrations publiques et au sein desdites entreprises, nul ne peut le dire.

La Société nationale d’électricité est un établissement de droit public à caractère industriel et commercial crée par ordonnance en mai 1970. Soucieux de répondre aux besoins énergétiques du pays, les pouvoirs publics, par une ordonnance présidentielle du 23 septembre 1967, instituaient le comité de contrôle technique et financier pour les travaux d’Inga, comité qui sera remplacé en 1970 par la SNEL. À la suite de la mise en service de la centrale d’Inga I, le 24 novembre 1972, la SNEL devenait effectivement producteur, transporteur et distributeur d’énergie électrique à l’instar d’une autre société d’État, la Régideso et de six sociétés commerciales privées existantes, ayant le même objet social : Comectrick, Forces de l’Est, Forces du Bas Congo, Société générale des forces hydroélectriques (SOGEFOR), Société générale africaine d’électricité (SOGELEC) et Cogelin. La même année, le gouvernement mettait en marche le processus d’absorption progressive de ces sociétés privées par la SNEL. L’issue de ce processus s’est traduite par l’instauration d’un monopole au profit de la SNEL, confortée par la loi du 14 juillet 1974 portant reprise de leurs droits, obligations et activités.

À la Régideso, la SNEL va prendre toutes ses activités électriques, y compris les centrales hydroélectriques et thermiques du pays. Seules quelques micro-centrales du secteur minier et de petites centrales thermiques intégrées aux installations d’entreprises isolées vont demeurer indépendantes. En exécution des objectifs lui assignés, la SNEL va poursuivre sa mission de maître d’œuvre pour les travaux d’aménagement du site d’Inga dont la première phase, Inga I (puissance installée de 350 MW), officiellement démarrée le 1er janvier 1968, fut inaugurée le 24 novembre 1972. La deuxième phase appelée Inga II (puissance installée 1400 de MW), a vu ses installations entrer en service en 1982. Cette période des grands travaux a été par ailleurs couronnée par la construction de la ligne Inga-Shaba, longue de plus de 1750 km, la plus longue du monde, entrée en service en 1983 pour approvisionner en énergie électrique les mines et usines du Katanga, au sud du pays.

Profondes mutations

La Régie de distribution d’eau n’échappe pas à la règle. Après l’indépendance, elle a connu de profondes mutations. L’ordonnance loi du 25 août 1966 qui annule le décret du 30 décembre 1939, crée une nouvelle institution publique dont l’objet social demeure l’exploitation du service de distribution d’eau ainsi que la gestion des installations annexes d’adduction d’eau, de pompage, de stérilisation, l’exploitation de centrales électriques et de réseaux de distribution de l’électricité. En 1978, le gouvernement notifie la décision de transférer à la SNEL l’ensemble des exploitations de production et de distribution de l’énergie électrique avec prise d’effet le 1er janvier 1979. C’est dans le courant de l’année 1979 que les douze centrales d’exploitation de l’électricité sont progressivement cédées à la SNEL. Au cours de la décennie qui va suivre, la Régideso va être l’objet, de la part des pouvoirs publics et des partenaires de la RDC, alors Zaïre, d’une attention particulière. De nouvelles infrastructures vont voir le jour à Kinshasa, au Shaba, à l’Équateur, dans le Bandundu… À la Régideso personne n’est en mesure de dire à quel moment et par quel acte ces infrastructures, construites avec l’argent du contribuable, lui ont été cédées.

L’histoire de l’Office national des transports (ONATRA) remonte aux années 1930 avec la naissance, le 20 avril 1935,  de l’Office d’exploitation des transports coloniaux (OTRACO). La mise en place de cette nouvelle société s’est faite de manière progressive en reprenant les transporteurs publics constitués à l’époque en société privées, notamment la concession du port de Boma et de la Régie de chemin de fer du Mayumbe (17 juillet 1935), la Compagnie de chemin de fer du Congo (Matadi-Léopoldville, 1er juin 1936), l’Union nationale des transports fluviaux (UNATRA) sur les biefs Léopoldville-Stanleyville et Léopoldville-Port Francqui (1er septembre 1936), la société pour la Manutention dans les ports du Congo (MANUCO-port de Matadi, 15 octobre 1937), le port public de Léopoldville (1er juillet 1946), le réseau ferroviaire du Kivu avec la Société des chemins de fer au Kivu (CEFAKI, 24 juillet 1946), l’exploitation du bief maritime et du port de Banana (1er janvier 1955) et le port CITAS (2 juin 1956).

À la faveur de la politique de nationalisation, l’office d’exploitation des transports coloniaux devint, en 1971, l’Office national des transports (ONATRA). Par le fait du prince, l’Onatra va donc hériter des biens et infrastructures des sociétés précitées. Toutefois, à la suite de la création, le 2 décembre 1974, par ordonnance présidentielle de la Société nationale des chemins de fer du Zaïre en sigle SNCZ, l’office céda à la société naissante son réseau ferroviaire du Kivu et du Shaba, mais il devait garder provisoirement la gestion du chemin de fer Matadi-Kinshasa (CFMK) et du chemin de fer du Mayumbe (CFM). Quarante ans après, le provisoire a fait du chemin pour devenir… définitif.

Récemment transformée en société commerciale, l’histoire de la RVA  a  commencé  en  1966. Créée  en 1972, la Régie  des voies aériennes  est l’autorité aéroportuaire  et gestionnaire  aérienne  en  République démocratique du Congo. Ses missions : concevoir, construire, aménager, exploiter et développer les aéroports ainsi que leurs dépendances, assurer la conception, la mise en œuvre, la gestion et le contrôle de l’espace aérien à travers des installations et services ayant pour objet les télécommunications aéronautiques… Quarante ans après sa création, la RVA est incapable d’indiquer sur la carte du pays la moindre localité où elle a construit un aérodrome.   Un décret du 24 avril 2009 portant mesures transitoires relatives à la transformation des entreprises publiques, a fait desormais de la RVA est une société commerciale.

Le cas de la COHYDRO est également frappant et symptomatique. À sa création, en 1999, cette entreprise a hérité du patrimoine de l’ex-Pétro-Congo, qui succédait elle-même à Pétro-Zaïre, créée en 1978 à la suite des mêmes mesures de zaïrianisation prises par le Maréchal Mobutu. Parmi les biens hérités, on dénombre trois pousseurs (bateaux), des concessions, des villas etc. L’ordonnance de création signée par Laurent Désiré Kabila stipule que la nouvelle entreprise bénéficie des biens issus du patrimoine de Pétro-Zaïre. Sans plus. À ce jour, aucun acte de cession n’a été pris. L’entreprise n’a pas non plus procédé à la simple mutation de biens reçus. La RDC est devenue, depuis la ratification des instruments juridiques appropriés, le 17ème membre de l’OHADA. Depuis le 12 septembre 2012, le droit communautaire de  l’Organisation (traités, règlements, décisions et actes uniformes) est entré en vigueur  dans l’espace territorial national. L’applicabilité effective du droit OHADA inquiète plus d’un Congolais qui aimeraient être rassurés sur la protection des sociétés commerciales du portefeuille de l’ État contre les effets des actes uniformes de cette organisation. L’une des clés de la réussite passe par la clarification du statut juridique du patrimoine de ces entreprises.