Une niche fiscale que l’État méconnaît

Ailleurs, la production d’un film en RDC est un secteur important en raison de son apport financier à l’économie. Mais en RDC, elle compte pour les cacahuètes. Tenez : le ministère de la Culture et des Arts n’espère y gagner que 10 dollars en 2017. Juste.

Ce n’est pas encore du grand Holywood, certes. Mais le cinéma congolais se fraie du chemin sur l’échiquier mondial. En février 2017, « Félicité » a été l’unique film africain en compétition à la Berlinale. Ce portrait d’une chanteuse de bar à Kinshasa se battant pour son fils y a remporté le Grand prix du jury. Tourné dans la capitale congolaise, le film est cependant du réalisateur franco-sénégalais, Alain Gomis. C’est son quatrième film, qui, comme les autres, a été tourné dans la capitale congolaise, Kinshasa, et suit le quotidien de ses habitants, des hôpitaux aux marchés de Kinshasa, mais se refuse à toute dimension sociologique ou documentaire, malgré le contexte politique tendu en République démocratique du Congo.

L’un de tous récents films produits en RDC, « Tribunal sur le Congo », une œuvre du directeur de théâtre, réalisateur et essayiste suisse, Milo Rau, a été projeté pour la première fois, le 25 juillet 2017, à Goma. Pour l’essentiel, le  film revient sur des péripéties des massacres perpétrés dans l’Est, notamment à Mutarule, ainsi que sur la complicité de certaines multinationales avec l’État congolais dans l’exploitation des ressources naturelles de la RDC.

Le chef-lieu de la province du Nord-Kivu a d’ailleurs été le théâtre de la 12è édition de Congo International Film Festival (CIFF). Des films congolais et étrangers ont été projetés sous la supervision de l’ONG Yole ! Africa, très impliquée dans la promotion de l’industrie cinématographique en RDC. L’ONG a également diffusé un autre film, intitulé « Chance Eloko Pamba », du réalisateur Jimmy Glasberg. Ce film rend hommage à Papa Wemba, décédé le 24 avril 20126 à Abidjan, après un malaise sur scène.

Régime d’autorisation

En RDC, tout producteur d’un film doit avoir l’autorisation préalable du ministère de la Culture et des Arts. En 2015, la taxe sur l’autorisation de produire un film a rapporté au Trésor public 9 434 francs, soit environ 10 dollars sur des prévisions de près de 90 millions de francs, soit un peu plus de 90 000 dollars. En 2016, le ministère de la Culture et des Arts a perçu 9 301 FC, quasiment 10 dollars, sur des prévisions de 44,5 millions francs, soit 45 000 dollars.

Les recettes de l’État se sont considérablement améliorées au premier trimestre de 2017. La taxe sur l’autorisation de produire un film a rapporté 879 137 francs, soit près de 800 dollars sur tout de même plus de 11 millions de francs ou 10 000 dollars attendus. Dans le budget 2017, l’État a curieusement refroidi ses ambitions, il n’espère que 16 937 francs, soit autour de 10 dollars, une fois encore! Des recettes de misère.

La taxe sur l’autorisation annuelle d’exercer des activités cinématographiques loge à la même enseigne. En 2015, le ministère de la Culture et des Arts a officiellement perçu 37 642 francs sur des assignations de 89 672 405 francs. En 2016, le taux de perception s’est juste limité à 0,03 %, soit 37 111 francs contre des prévisions de 136 272 131. Il y a cependant une petite augmentation des recettes relevant de la taxe sur l’autorisation annuelle d’exercer des activités cinématographiques au premier trimestre 2017. Le taux de réalisation est de 7,89 %.

En numéraires, 2.6 millions de francs contre des projections de 34 millions. L’autre taxe importante est l’autorisation d’importer et de distribuer des films. Alors qu’aucune prévision n’a été avancée par le ministère de la Culture et des Arts, il a perçu 28 208 francs en 2015. Et en 2016, sur des prévisions de plus de 45 millions de francs, le ministère s’est contenté de 27 810 francs. Au premier trimestre de 2017, la taxe a rapporté 891 878 francs sur des prévisions de 81,3 millions. Les assignations de l’exercice budgétaire 2017 sont de 50 642 francs, soit autour de 30 dollars.

Parcours du combattant

Pas facile de faire un film en RDC, a laissé entendre le réalisateur Alain Gomis. Les conditions sécuritaires font défaut, a-t-il déploré, évoquant le report de l’élection présidentielle, prévue constitutionnellement en 2016, en raison du maintien au pouvoir du président Joseph Kabila Kabange, malgré l’expiration de son mandat. « Ce qui a enflammé le pays et donné lieu à de très violents affrontements », a-t-il fait remarquer. Avant d’ajouter : « Je vois arriver une génération de réalisateurs qui n’a jamais été au cinéma car il n’y a plus de cinémas sur le continent africain ».

Lors de la 11è édition de Congo International Film Festival de Goma, Alain Gomis a plaidé pour « un financement plus généreux du cinéma des pays africains ». L’événement a eu d’ailleurs pour thème, « Plus beau qu’avant », extrait de l’hymne national de la RDC. « Il résume l’idéal de notre héritage national et reflète les questions fascinantes relatives à l’avenir de notre nation, de notre continent et de notre monde », a déclaré, pour sa part, le cinéaste de renommée internationale, Petna Ndaliko Katondolo, directeur artistique du festival. Autre credo d’Alain Gomis : organiser des ateliers de formation, notamment dans les domaines de la réalisation et de l’écriture du scénario, du cinéma et de l’engagement social, ainsi que de la mise en scène théâtrale.

Quel est alors le rôle de l’Institut national des arts (INA)? Un tout autre débat.

Il y a encore quelques années, l’historien et anthropologue belge, Guido Convents, avait tenu une série de conférences sur le cinéma congolais, en marge du Festival international du film et des écrits (FIFE) à Kinshasa et dans l’ex-Bas-Congo dans l’objectif de la relance, la reconnaissance et la redynamisation du secteur du cinéma et des arts visuels en RDC.

À Kinshasa, il n’y a presque plus de salles de cinéma. Les salles de cinéma du monde entier réalisent, en moyenne 35 milliards de dollars, dopées par la Chine et grâce à l’appétit des adolescents pour les films, selon les chiffres dévoilés par les propriétaires américains de salles.

D’après le directeur général de l’Association américaine des propriétaires de salles (NATO), John Fithian, la belle santé du cinéma est en partie à attribuer à l’amélioration des salles, dotées de meilleurs sièges, plus grands écrans, d’un son dernier cri et d’une offre de nourriture et boissons plus variée.