Vive les élections ! Et après

 Les consultations populaires ne sont pas une fin en soi. C’est vraiment ahurissant de constater que dans la surenchère politique du moment, les questions économiques sont totalement absentes du débat national. Pourtant, le pays traverse une passe difficile. A

 

Les Congolais réclament à cor et à cri les élections. C’est tout à fait légitime de leur part car les élections sont toujours le moment propice pour passer un message rude. C’est comme la pénitence, explique un politologue, qui sanctionne, chez d’aucuns, la posture de ceux qui sont au pouvoir. Chez d’autres (ou les mêmes), leurs politiques économique et sociale. Avec ce que le populaire, à tort ou raison, en espérait. En vérité, les élections expriment le mécontentement (rarement la satisfaction) qui accuse surtout l’état de la Nation. Il est saumâtre.

Ailleurs, on n’attend pas le moment de la campagne électorale et les scrutins pour faire entendre le message attristé ou grinçant. C’est, déjà, dans l’année électorale ou la période qui la précède, sur le fond de la politique, que les questions (réformes) économiques (croissance, chômage, industrie, finances publiques, dépréciation monétaire…) occupent la place centrale dans le débat politique. Les états-majors des partis politiques, les syndicats, les mouvements citoyens passent au pilori le bilan du quinquennat en cours. En attendant que le mécontentement ou la satisfaction ne soit exprimé(e) dans les urnes et sanctionne l’état de la Nation.

C’est ahurissant de constater, dans la majorité au pouvoir – évidemment pour défendre les politiques économiques et sociales – mais dans l’opposition aussi pour les dénoncer et proposer des réformes, qu’il n’y a point de front largement ouvert sur les questions économiques. Rien non plus pour la justice sociale. Ni même pour la promotion des droits individuels et collectifs. Quel que soit l’enjeu politique des élections, rien ne devrait détourner les réformes économiques d’aller leur train. Voire de les accélérer.

Voyons en attendant que le mécontentement qui va s’exprimer dans les urnes, sanctionne le triste état de la Nation. Accuse ces nappes de pauvreté qui l’envahissent. Derrière le drapeau noir qui flotte sur les marmites, derrière un pouvoir d’achat élimé, ce que la République démocratique du Congo va apercevoir dans le miroir électoral, c’est un pays déclinant où les classes moyennes s’essoufflent, où le travailleur pauvre désespère. Jour après jour, l’économie nationale se déglingue devant nos yeux.

Le sentiment du déclin a glissé depuis les tribunes des « déclinologues » jusqu’au panier de la ménagère. Il gémit dans les porte-monnaie et va gémir à coup sûr dans les urnes. Usines fermées, chômage encore accablant, paupérisation de l’État et, par l’effet conjugué d’une corruption livrée pendant des décennies à l’incurie, détresses partout répandues, diables qu’on tire par la queue, clochardisation de la rue ! Sans compter la pavane des super riches qui plastronnent, le gousset bien garni, et trouvent mauvais qu’on déclame avec les pauvres. Dans cette dépression congolaise, les politiques ne sont-ils pas responsables ? Ses causes, ce sont l’avilissement de l’État providence, les excès du maternage d’État. Et ce refus des réformes libérales. La violence du décrochage de l’économie congolaise, matérialisé par le blocage de la croissance (à peine 2,4 %, contre 9,5 %  en 2014) et l’effondrement du commerce extérieur devraient en principe provoquer une prise de conscience en faveur de la redécouverte de l’entreprise. Les Congolais ont tout faux de mettre le politique avant l’économique. La RDC de demain sera économique ou ne le sera pas.

En 2012, Augustin Matata Ponyo a choisi de réformer l’économie en douceur, portée par les zéphyrs de la croissance, à travers son Plan d’émergence 2030. Le gouvernement Matata avait donc pris l’engagement de faire de la RDC « un pool d’intelligence et de savoir-faire, un vivier de la nouvelle citoyenneté et de la classe moyenne, un grenier agricole, une puissance énergétique et environnementale, un pool économique et industriel, ainsi qu’une terre de paix et de mieux-être et une puissance régionale au cœur de l’Afrique à l’échéance 2030 ».

En mars 2016, parlant de ce plan devant un parterre de journalistes économiques, son directeur de cabinet adjoint en charge de l’économie et des finances, Ngonga Nzinga, a soutenu que la RDC atteindrait, déjà, le point d’émergence en 2020. Soit, dix ans avant même l’échéance fixée. Il s’appuyait sur les indicateurs économiques clés – le secteur réel de l’économie (la production, les prix et les salaires), les finances publiques, les relations extérieures, la monnaie et le crédit – de 2010 à 2015 pour le démontrer. Hélas, ce chercheur de la faculté de l’économie de l’Université de Kinshasa n’avait pas vu venir la crise financière internationale. Mais en fait de zéphyrs, souffle, depuis, un trio de vents contraires. D’abord, la baisse des cours des matières premières, principalement le pétrole et le cuivre, a dissipé l’embellie du début du quinquennat. Ensuite, le franc qui a affiché une stabilité pendant une longue période a dégringolé. Enfin, les élections que demande la rue.

Les effets néfastes de la conjoncture économique et financière internationale sur l’économie nationale sont donc venus déjouer les prévisions de croissance… qui s’est située à 2,6 % en 2016, essentiellement portée par les secteurs des mines et des services. C’est ainsi que pour maintenir la stabilité économique face à cette crise, le gouvernement a pris une série de mesures économiques – 28 au total – et a envisagé des réformes structurelles afin de juguler la vulnérabilité de l’économie nationale. Le gouvernement a promis de faire le bilan de ces mesures d’urgence fin novembre. D’après les prévisions de la Banque mondiale, la croissance sera de 4 % seulement en 2017. Encore que… Le ministre de l’Économie de l’époque, Modeste Bahati Lukwebo, aujourd’hui ministre d’État en charge du Plan, continue à soutenir que la diversification de l’économie nationale est le principal chemin à emprunter pour sa résilience. Des « politiques appropriées » ont été mises en œuvre : l’implantation des Zones économiques spéciales (ZES) et des parcs agro-industriels, ainsi que la promotion des produits made in RDC. Dans tous les cas, l’objectif est de faire de la RDC à moyen terme « une puissance économique régionale ».

La RDC a le potentiel qu’il faut pour être un pays prospère, soutient Noël Tshiani, candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle. D’après lui, des décennies de mauvaise gestion l’ont conduite au bord de la faillite. Noël Tshiani propose un plan de long terme pour sortir le pays du marasme. Pour cela, il faudra 15 ans pour que le pays renoue avec « une économie solide ».

Pour parvenir à l’émergence en 2030, le directeur général de l’Agence nationale pour la promotion des investissements (ANAPI), Anthony Nkinzo, estime qu’il faudra réaliser un taux de croissance de 10 % l’an. Intervenant dans le forum sur la réforme du système fiscal, il n’a pas mis les gants pour dire les choses telles qu’elles doivent être dites. Par exemple, quel est l’impact de la fiscalité sur l’attractivité des investissements en RDC ? Quels sont les autres facteurs qui influencent aussi l’attractivité des investissements en RDC ? Quel bilan établir sur les différentes politiques d’incitation fiscale aux investissements mises en place en RDC ? Quid du code des investissements de la RDC au regard de celui des autres pays ?

D’après Anthony Nkinzo, la fiscalité est un facteur qui influence le renchérissement du coût de l’investissement lors de son implantation. L’attractivité des investissements n’est pas encore à la hauteur des potentialités dont regorge le pays. À moyen et long termes, la RDC va recourir prioritairement à la stratégie d’attraction des investissements par les méthodes usitées par les API, facilitations autres que fiscales accordées aux investisseurs suite à l’amélioration du climat des affaires. Dans le court terme, en attendant que les réformes ne soient effectives, l’ANAPI estime que le pays peut être compétitif au travers de/du la généralisation de la suspension de paiement de la TVA sur les équipements et matériels nécessaires à l’investissement (du code minier comme du code des investissements), la rationalisation des autres incitations fiscales par la mise en place d’un guichet unique devant analyser tous les dossiers de bénéfices desdites incitations et la publication des statistiques des bénéficiaires en fonction des investissements programmés, respect des accords conclus et des garanties octroyées par l’État, la mise en place, au sein de la haute autorité des revenus à créer, un guichet unique pour les micros, petites et moyennes entreprises (MPME), la dématérialisation des procédures de déclaration et de paiement des droits et taxes dus à l’État (télé-déclaration et télé-paiement), la réduction des procédures, coûts et délais pour l’obtention des visa d’affaires, la redynamisation et l’adaptation du code des investissements au Plan national stratégique de développement du pays. Ce code doit être dynamique en accordant des avantages en fonction des priorités du gouvernement, souligne le DG de l’ANAPI.