À propos du bulletin scolaire, une circulaire du ministre de l’EPSP sème le trouble

Ce qui n’était que rumeur au début, vient de se confirmer. Les associations de la société sont montées au créneau pour dénoncer l’instruction ministérielle généralisant l’achat du livret de notes remis aux élèves à la fin de l’année scolaire. 

Le bulletin qui sanctionne la fin de l’année scolaire, chaque le 2 juillet, était couvert par la gratuité, d’après la circulaire n°MINEPSP/CABMIN/010/2010 du 9 octobre 2010. Mais voilà que le ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et professionnel (EPSP), Gaston Musemena, a décidé de mettre fin à ce régime. Dans sa lettre n° MINEPSP/CABMIN/0392/2017 du 9 avril 2017, il a fixé le prix du bulletin scolaire à 1000 FC. En son temps, cela a été pris pour de la rumeur, d’autant que, selon un membre de l’Association nationale des parents d’élèves et d’étudiants du Congo (ANAPECO), les partenaires de l’éducation avaient convenu d’acheter le bulletin à 250 FC, uniquement pour les classes du secondaire.

Hélas, désormais, même les élèves du niveau primaire sont astreints à l’achat du bulletin scolaire, qu’il s’agisse dans les écoles publiques, privées ou conventionnées (gérées par les Églises). La vente du bulletin scolaire au terme de l’année scolaire 2016-2017 a été dénoncée par les organisations de la société civile lors d’une conférence de presse sur la loi de finances 2017, le 23 juin à l’hôtel Venus à Kinshasa. Selon les projections des experts de l’éducation, au bas mot, 15 millions de bulletins seront vendus aux écoliers sur toute l’étendue du territoire national. Les experts ont, en effet, extrapolé sur les statistiques officielles des élèves finalistes du cycle du primaire, candidats à l’Épreuve nationale de fin d’études primaires (ENAFEP), quelque 1 410 340 élèves ainsi que sur les 632 710 élèves finalistes du secondaire. Toutes proportions gardées, l’État a dû donc percevoir 15 milliards de francs, soit environ 14 millions de dollars, dans la vente des bulletins. Si l’on ne s’en tient qu’aux finalistes du primaire et du secondaire, le ministère de l’EPS aura à gagner 2 043 050 000 FC, soit au moins 1,5 million de dollars.

Traçabilité

La société civile déplore que ces recettes ne soient retracées nulle part dans la loi de finances 2017. Par ailleurs, les gouvernements provinciaux auxquels revient la prérogative de fixation du montant de frais de participation à l’Examen d’État (EXETAT) et à l’ENAFEP, ont, sans le moindre doute, perçu, in globo, plus de 31 millions de dollars. Il a été, en effet, exigé aux finalistes du cycle secondaire de payer 56 000 FC pour prendre part aux épreuves de l’EXETAT. Ce montant  multiplié par 632 710 élèves finalistes donne une bagatelle de 35 431 760 000 FC, soit 24 397 837,8 dollars. Pour l’ENAFEP, chaque élève concerné devait au préalable payer 7 000 FC. Multiplié par le nombre des élèves finalistes (1 410 340) du primaire, cela donne une somme de 9 872 380 000 FC, soit 6 797 989,33 dollars que le Trésor public est censé gagné.

Les deux épreuves ont donc rapporté 31 195 827,13 dollars. Il semble que cette somme colossale est tout simplement partagée entre les gouvernorats et l’Inspection générale de l’EPSP. Et pourtant, pour la bonne tenue des épreuves d’Examen d’État et l’ENAFEP, le projet de loi de finances 2017 a prévu un crédit de l’ordre de 400 000 000 FC, soit environ 300 000 dollars. Le projet de loi de finances 2017, dans le secteur de l’éducation, a, en effet, connu une réduction de 5 %, soit de 1 120 480 590 990 FC (en 2016) à 1 005 770 157 592  (en 2017). Cependant, celui de l’EPS enregistre une augmentation de 10 %, soit 747 375 486 230 FC (en 2017) contre 679 575 998 853 (en 2016). Il se dégage ainsi un accroissement de 10 %.

Si des experts ont noté une certaine volonté du gouvernement de rehausser les prévisions du budget de l’EPSP, beaucoup ont dû se raviser d’autant plus que cette augmentation porte seulement sur la rubrique rémunérations, qui ne sera activée dans la politique salariale du gouvernement qu’au dernier trimestre de l’année budgétaire. Plus de 81 % des crédits alloués à l’enseignement primaire et secondaire ont été affectés à la rémunération, alors que les dépenses d’investissement sont évaluées à 11 %, les dépenses de fonctionnement des ministères à 6,9 % et 0,1 % aux interventions économiques, sociales, culturelles et scientifiques. Selon la lecture des membres de la société civile, l’augmentation salariale de l’ordre de 20 000 FC par agent de l’État, annoncée dans le projet de loi de finances 2017 « n’est qu’une simple et faible volonté du gouvernement de rattraper le manque à gagner observé sur l’enveloppe salariale dû à la dépréciation de franc congolais vis-à-vis du dollar américain qui a entraîné la perte du pouvoir d’achat du personnel enseignant. »

Politique publique

Aussi, déplore la société civile, les 20 000 FC, une fois ajoutés à l’enveloppe salariale, ne permettront pas du tout à l’enseignant d’atteindre le niveau de la paie de 2016 qui équivalait à 110 dollars. En septembre, sauf imprévu, c’est la rentrée scolaire. Le temps, sans doute, de nouvelles revendications des chevaliers de la craie et du tableau noir. Dans la politique publique du secteur de l’EPSP, tel qu’il ressort de la programmation budgétaire des actions du gouvernement, il a été prévu la mécanisation chaque année de 62 378 enseignants dont 45 000 sur fonds propres et 12 500 avec le fonds du projet appui à l’enseignement primaire (AP 2). Mais le projet du budget 2017 ne prévoit de mécaniser que 18 000, dont 5 500 sur fonds propres et 12 500 sur fonds du projet APEP 2.

La question de la retraite n’est pas suffisamment prise en charge dans le projet de loi de finances 2017, car l’effectif des retraités et rentiers est de 6 746 agents pour lesquels le budget ne prévoit que 1 270 379 070 FC. Ce montant divisé par 6 746 agents donne en moyenne 188 315 901  FC par an et par agent, divisé par 12 mois, ça donne 15 692 FC comme rente mensuelle par agent.

Jean-Bosco Puna, leader du Syndicat des enseignants des écoles catholiques (SYECAT), doute également du projet de réhabilitation et de réfection d’ouvrages et édifices scolaires. Quelque  39 926 068 sont prévus au projet de réhabilitation et réfection d’ouvrages et édifices dans la ville de Kinshasa uniquement. Rien pour les écoles de l’espace kasaïen, qui ont été vandalisées à la suite des menées subversives des miliciens de Kamwina Nsapu. Les investissements qui devraient soutenir les objectifs de la gratuité et de l’accès à l’éducation par la construction des nouvelles écoles et la mécanisation des enseignants ont été sensiblement réduits dans le budget 2017.

Le montant consacré à la construction des écoles n’est plus que de 1 691 493 262  FC en raison de 185 250 000 par école en moyenne, soit 9 écoles sur 266 prévues en 2017. La reconduction dans le projet de loi de finances 2017 du projet « Vas-y fille », pourtant arrivé à son terme à l’exercice précédent, fait croire qu’il y a des crédits flottants au niveau de l’EPSP qu’on peut affecter dans d’autres rubriques budgétaires du secteur de l’enseignement…, déplore un membre de la société civile. Qui poursuit : « Le projet d’éducation pour la qualité et la pertinence des enseignements au niveau secondaire et universitaire (PEQPESU) qui était évalué à 103 millions de dollars pour l’EPSP n’est pas repris, par contre, dans le projet de la loi de finances 2017 ».