Aperçu historique de l’industrie congolaise

La RDC souffre de retards industriels majeurs. Selon les données récentes du ministère de l’Industrie, le plus grand pays de l’Afrique centrale a perdu 80 % de ses unités de production. Dans ces conditions, elle ne pourra pas dégager des marges suffisantes pour obtenir un effet de levier suffisant.

LE MINISTÈRE de l’Industrie vient de publier le Document de politique et stratégies industrielles (DPSI). Celui-ci est « la déclinaison » du Document de stratégie pour la croissance et la réduction de la pauvreté, de seconde génération (DSCRP 2) en 2012 afin de devenir « le seul cadre fédérateur de l’ensemble des politiques macroéconomiques et sectorielles ». Et à duquel, le gouvernement s’est doté d’un Plan national stratégique de développement (PNSD/2017-2021), en vue de faire entrer la République démocratique du Congo dans le concert des pays émergents en 2030. Le DPSI donne un aperçu historique de l’industrie nationale depuis l’époque coloniale pour comprendre la vision d’aujourd’hui. Diagnostic.

C’est à partir de 1906 que les potentialités industrielles de la RDC ont commencé à être mises en valeur par la colonisation belge, avec principalement la création de la Régie des mines d’or de Kilo-Moto, l’Union minière du Haut-Katanga (UMHK) et la Société internationale forestière et minière du Congo (Forminière). Cet élan d’industrialisation va se poursuivre entre 1911 et 1928 avec l’implantation des premières unités industrielles de production d’huile de palme et de transformation du coton ainsi qu’avec les premières savonneries et sucreries. Mais la grande crise des années 30 va freiner ce premier élan d’industrialisation avant une nette reprise en 1935. 

La nouvelle vague

La Seconde guerre mondiale va imposer une nouvelle doctrine tendant à réduire le volume de matières premières destinées à l’exportation. Quant aux importations, seuls les intrants destinés à la production locale ainsi que les produits finis essentiels aux besoins de la colonie non produits localement.  Puis la tendance sera à la diversification du développement industriel du Congo-Belge. L’industrie minière va se tourner vers la production des métaux raffinés. L’industrie des oléagineux va fournir l’huile et les autres produits de table, entraînant l’installation de petites usines d’emballage. 

Par ailleurs, l’industrie de la transformation de la viande donne lieu à l’expansion des charcuteries ; tandis que l’industrie de fabrication métallique voit se multiplier des ateliers mécaniques. L’industrie métallurgique se développe avec l’acquisition des premiers fours électriques et leur couplage à une fonderie d’acier, notamment par l’Union minière. L’industrie des chantiers navals, elle, voit la construction par Chanic des barges, bateaux et remorqueurs ; alors que l’industrie de la filature, du tissage, de la confection se développe, avec notamment la production des tissus spéciaux destinés à l’équipement des troupes et la création d’une véritable industrie de vêtement de cotonnade organisée en production de série.  De même, l’industrie de la chaussure, avec notamment l’augmentation de la production de la société Bata déjà installée au Congo. Et enfin l’industrie de la maroquinerie pour la production des sacs ou des valises ; l’industrie du tabac en vue de la production des cigarettes et même des cigares ; l’industrie de la peinture et un embryon d’industrie pharmaceutique avec l’implantation d’une usine de fabrication de la quinine à Léopoldville prennent aussi de l’essor.  Entre 1949 et 1959, on assiste à une nouvelle vague d’industrialisation, grâce à un afflux de capitaux européens vers l’Afrique et à l’accroissement des recettes d’exportation consécutif à l’augmentation de la demande extérieure de minerais congolais du fait de la guerre de Corée. Par conséquent, il y aura une expansion qualitative de l’industrie nationale stimulée par l’accroissement de la demande intérieure et favorisée par une forte propension à l’importation des biens d’équipement. 

Cependant, à partir de 1952, cet élan va être freiné même si la production des entreprises déjà implantées se poursuit bon gré mal gré. Jusqu’en 1958, les entreprises locales vont continuer à investir plus pour accroître leurs capacités de production que pour étendre la gamme des produits de fabrication locale. Le taux d’accroissement de la production industrielle entre 1950 et 1957 est ainsi de l’ordre de 14 % l’an. Le développement industriel aura aussi bénéficié des investissements du plan décennal 1949-1959 dans les secteurs de l’énergie et des transports. Les dernières années de la décennie 1950 sont caractérisées par un reflux de l’essor industriel qui coïncide avec un mouvement de fuite des capitaux suscité par l’accélération soudaine du processus d’accession du pays à l’indépendance. 

De 1960 à 1970, le secteur voit l’apparition de nouvelles filières industrielles : pêche maritime, congélation des poissons, fabrication des chambres à air et des pneus pour bicyclettes, etc. Il connaît aussi un développement des filières déjà existantes : fabrication métalliques, outils pour l’agriculture, lames de rasoir, montages de réfrigérateurs et réchaud à pétroles, etc. Mais bien plus, le pays de dote d’un nouveau code des investissements (1969) qui permet l’installation d’une nouvelle unité de production de wax à Kinshasa, d’une minoterie à Matadi, des unités de la production brassicole et des plastiques. C’est aussi la période de réalisation des projets industriels à rentabilité précaire : Sidérurgie de Maluku (SIDERUR), Inga I et Inga II, Centre de commercial international du Zaïre (CCIZ), Usine de jus et ferblanterie de N’sele, Combinat agro-industriel de Gemena, etc. 

Zaïrianisation

Entre 1971-1980, les pouvoirs publics manifestent la volonté de mettre en place une politique industrielle. Kinshasa accueille, du 14 au 17 juin 1971, le Colloque national sur le développement industriel. Malheureusement, les mesures de zaïrianisation et de radicalisation décidées en 1973, les effets du premier choc pétrolier de la même année ainsi que la récession qui s’en suivra vont fragiliser les espoirs mis dans les orientations définies à l’occasion dudit colloque. 

Entre 1981 et 1990 voit, par contre, plusieurs initiatives gouvernementales en faveur du développement du secteur industriel : le lancement en 1983 du projet de zone franche d’Inga ; l’organisation en 1986 d’une table ronde sur l’intégration industrielle ; l’élaboration en 1987 du Schéma directeur d’industrialisation (SDI) avec le concours de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

Entre 1991 et 2000, des événements malheureux vont porter un coup dur au secteur : les pillages de 1991 et 1993 ; la forte dégradation du cadre macroéconomique ; les conflits armés. Conséquences : fuite massive des capitaux, baisse des investissements et destruction du tissu industriel. Entre 2001 et 2010, le pays tente de se remettre débout par la pacification, la mise en place de nouvelles institutions politiques, la reprise de la coopération internationale et la mise en place des plans de redressement avec le concours du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, le redressement de l’activité économique, la mise en place d’un DSCRP, dont un des piliers mettait l’accent sur la promotion de la stabilité macroéconomique et la croissance (créer le revenu, produire les biens de consommation de masse, etc.), la création de la Zone économique spéciale pilote (ZES) de Maluku. À partir de 2011, des initiatives suivantes sont à épingler : l’élaboration du DPSI (2011) avec l’appui de l’ONUDI et de la Banque mondiale ; l’adhésion de la RDC à l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires  en Afrique (OHADA) pour assainir le climat des affaires (2012) ; la création du Guichet unique de création d’entreprises (GUCE/2014) ; la création du Parc agroindustriel de Bukanga Lonzo au Kwango ; l’adhésion de la RDC au Programme de restructuration de mise à niveau de l’Afrique centrale (PRMN-AC) ; l’adoption de 626 normes internationales en normes nationales ; la mise en place de la plateforme virtuelle de collecte, analyse et publication des données, etc.