Bataille de la souveraineté : la RDC en sortira-t-elle triomphante face aux compagnies minières ? 

Depuis 2010, les États se sont lancés dans des processus d’élaboration de nouveaux codes miniers afin de rééquilibrer les intérêts de l’ensemble des parties dans la négociation des contrats. Les gouvernements se montrent de plus en plus exigeants, en mettant plus en avant l’impact économique sur la vie des populations. Point de la situation en République démocratique du Congo.

Pour conquérir l’indépendance économique et industrielle afin d’assurer le développement du pays, l’État doit changer de paradigme.

L’INITIATIVE pour la transparence des industries extractives/ITIE est la norme mondiale qui promeut une gestion ouverte et responsable des ressources extractives. Elle met l’accent sur trois choses : la transparence, la traçabilité et la redevance. L’ITIE encourage les pays nantis de ressources extractives à divulguer la manière dont ils suivent et vérifient l’exactitude des données de production et d’exportation par les compagnies minières. 

L’objectif de l’évaluation – un système de notation d’une vingtaine d’exigences – que prône cette organisation internationale, c’est de rappeler que l’exploitation des ressources naturelles doit avoir des impacts économique, social et environnemental sur la vie des populations. Généralement, le score attribué à un pays est le reflet de bons ou mauvais résultats. Premièrement, il y a ce qu’on appelle la « propriété effective », qui consiste à mettre en place un registre des bénéficiaires effectifs. Ce sont les personnes ou les sociétés qui détiennent plus de 10 % des actions au sein des compagnies minières. Ce registre doit être disponible pour une consultation publique, sur le site internet de l’ITIE. 

Actuellement, les pays s’approprient de plus en plus les normes ou exigences relatives à la divulgation des informations sur la propriété effective. Des avancées significatives en matière de transparence de la propriété effective sont constatées dans le monde. En tout cas, selon plusieurs rapports, près de deux tiers des pays ont établi des fondements juridiques pour la divulgation obligatoire des propriétaires réels des entreprises extractives. Ce qui est un préalable à la mise en place de registres publics. 

D’après des données disponibles, au moins 38 pays de l’ITIE, soit 67 %, divulguent désormais des informations sur la propriété effective à travers les Rapports ITIE ou les plateformes en ligne, contre 31 en 2019. Plus de la moitié tiennent un registre central ou sectoriel, mais seul un tiers d’entre eux sont accessibles au public. Au moins 33 pays, soit 60 %, ont mis en place des cadres juridiques pour la divulgation de la propriété effective, et 13 autres, soit 23 %, élaborent des projets de tels cadres. 

Au moins 44 pays, soit 80 %, ont défini ce qu’on appelle « personnes politiquement exposées/PPE », mais seulement 32 pays, soit 60 %, incluent les PPE dans leurs cadres de divulgation. Par ailleurs, 50 pays, soit 90 %, ont défini des seuils de propriété pour la déclaration, la moitié d’entre eux ayant fixé leur seuil à 10 % ou moins.

Autre défi majeur : l’accès aux données annuelles structurées sur les paiements des entreprises d’État aux gouvernements et à d’autres informations divulguées dans le cadre de l’ITIE. À ce propos, l’organisation internationale a élaboré une nouvelle base de données des sociétés minières publiques concernant les paiements d’environ 100 entreprises d’État dans les pays mettant en œuvre l’ITIE. 

La raison est simple : les entreprises d’État actives dans les industries extractives exercent une grande influence dans les pays riches en ressources, en générant des revenus pour l’État grâce à la vente de pétrole, de gaz et de minéraux à des entreprises de négoce en matières premières ou à des raffineries nationales. Une part substantielle du total des recettes publiques déclarées à travers l’ITIE provient de la vente de pétrole, de gaz et de minéraux à des entreprises de négoce en matières premières. 

Le bon sens veut que l’on ait une bonne perception des responsabilités des entreprises publiques et des transactions qu’elles réalisent afin d’assurer une gestion solide des finances publiques. Mais on réalise vite qu’il est difficile d’accéder à des données annuelles cohérentes sur les paiements que versent les entreprises d’État aux gouvernements ainsi qu’à d’autres types de divulgations.

Il va de soi que la nouvelle base de données va permettre d’améliorer l’accessibilité aux données actualisées pour leur publication régulière. Amélioré avec des points de données supplémentaires tels que des identifiants uniques à chaque entreprise, l’outil garantit une meilleure interopérabilité avec les bases de données internationales et d’autres processus de l’ITIE. La nouvelle base de données permet aux utilisateurs de filtrer les données par pays, par secteur et par matière première, et comprend des requêtes (filtres) prédéfinies adaptées à leurs besoins. 

C’est donc finalement sur des critères de transparence des données que les résultats par pays sont appréciés. Récemment, lors de sa 60è réunion à Genève en Suisse, le conseil d’administration de l’ITIE s’est penché sur la transparence du commerce des matières premières dans le monde, en faisant le point sur le contexte, les progrès et les défis liés à la déclaration de ces transactions. Avant cette réunion, les coordonnateurs des secrétariats nationaux de l’ITIE ont échangé sur des bonnes pratiques à observer et des défis communs. 

On retiendra utilement que plus de 40 représentants des entreprises d’État, des négociants en matières premières et d’institutions financières se sont réunis en marge de la réunion du conseil d’administration de l’ITIE pour explorer le pouvoir des déclarations et des données fournies dans le cadre de l’ITIE pour lutter contre les risques de corruption, renforcer la gouvernance et prendre des décisions d’investissement plus judicieuses. Que près de la moitié des entreprises soutenant l’ITIE ont pris des mesures pour améliorer la transparence et la redevabilité des entreprises, et nombre d’entre elles ont avalisé la transparence de la propriété effective et l’amélioration de la divulgation des impôts et des paiements dans les pays non-membres de l’ITIE.

Dans cette mouvance internationale, par rapport au contexte local, aux progrès et aux défis liés à la transparence, la République démocratique du Congo/RDC peut-elle se targuer d’être dans la bonne direction ? Certes, le pays est sorti gagnant, en 2018, de son bras de fer avec les sept grandes multinationales qui exploitent ses minerais, mais pas triomphant. De l’avis de beaucoup d’experts, si l’État ne reprend pas sa liberté dans le secteur minier, ses ambitions de développement pourraient en être affectées. Autrement dit, il faudra une sorte d’union sacrée de tous les Congolais autour des enjeux du code minier révisé pour livrer l’ultime « bataille épique » de la souveraineté de la RDC sur ses ressources naturelles. C’est maintenant ou jamais !

Les mines sont aujourd’hui le sujet central de la vie politique, économique, industrielle et sociale de notre pays. Avec la flambée des prix des matières premières sur les marchés internationaux, la gouvernance des ressources naturelles se trouve au cœur des enjeux du développement non seulement de la RDC, mais également de tous les pays africains producteurs de matières premières.
En 2018, en pleine fin de son second mandat de président de la République, Joseph Kabila Kabange avait promulgué, le 9 mars 2018, le code minier révisé, qui est venu ainsi actualiser un certain nombre de mesures et rééquilibrer le cadre juridique instauré en 2002. Le code de juillet 2002 avait transformé notre pays en « partenaire impuissant ». C’était une législation minière destinée, d’une part, à favoriser l’investissement étranger dans le pays et, d’autre part, à sanctuariser les transferts de la propriété minière qui avaient eu lieu massivement durant ce que certains ont appelé la « première guerre mondiale africaine ».

On connaît le résultat, il est ambigu : la RDC est un grand pays producteur minier mais qui ne bénéficie pas des revenus de ses ressources naturelles. Les multinationales ont mis les ressources minières du pays dans une coupe réglée. En 2018, à cause de son action passée, l’État a voulu se doter d’une loi minière claire afin de reconquérir une partie de l’indépendance économique et industrielle, question d’assurer le développement du pays.

Toutefois, la fête a été assombrie par les sept géants de l’exploitation minière en RDC (Glencore, Randgold, Ivanhoe, Zijin Mining, MMG Mining, China Molybdenum et AngloGold Ashanti). Décidés de faire échec à l’application du code minier révisé. C’est cela l’enjeu majeur de « la bataille épique ». Pour rappel, le 7 mars 2018, deux jours avant la promulgation du code minier révisé, Joseph Kabila, alors président de la République, avait reçu, à leur demande, les sept géants miniers de la RDC. But de la rencontre : « clarifier certains aspects » du code minier révisé qui venait d’être adopté par le Parlement.