Budget 2014: des grandes questions sans réponses

congo_w-contentLe Sénat a jugé recevable, au cours de sa plénière du 25 janvier, le projet de budget 2014 lui transmis par l’Assemblée nationale, pour une seconde lecture. Face à cette réalité, c’est un passage en douceur que viennent de bénéficier le premier ministre Matata Ponyo et son gouvernement. Malgré ce bénéfice, ce budget est loin de faire l’unanimité, beaucoup continuent à être hésitants sur sa capacité à résoudre certains problèmes que connait la nation congolaise. L’Ecofin de l’Assemblée nationale, qui devrait répondre à certains équilibres, conformément aux orientations de la Plénière, avait relevé ce budget à 8.292.442.643.919 Francs congolais (FC), soit 8,9 milliards de dollars américains, au lieu de 7.611.811.314.000 FC, tel que proposé par le gouvernement. Il s’est, de ce fait, observé une amélioration de 680.631. 329.919 FC, soit près de 739 130 dollars américains par rapport au budget initial présenté par le gouvernement.

Déjà, au niveau de la chambre basse du Parlement, certaines préoccupations soulevées par les députés avaient donné l’impression que le gouvernement allait être mis dos contre le mur. Parmi ces inquiétudes, il y a eu la question sur la responsabilité de cette équipe gouvernementale, qui devrait endosser ce budget, réputée démissionnaire, étant donné que le Président de la République avait déjà annoncé la formation d’un gouvernement de cohésion nationale. On peut également retenir certaines remarques faites par les élus du peuple qui faisaient craindre l’utilisation d’un carton rouge contre ce projet de loi de finance et, par-là, contre le gouvernement.

Mais, au finish, le texte avait été jugé recevable et envoyé à la commission économico-financière pour des réaménagements. Huit jours après, la commission de l’Assemblée nationale a rendu son rapport et, les députés ont voté, article par article, ce projet de loi qui a été envoyé à la chambre haute du parlement.

Un budget réaliste mais…!

En comparant les budgets de trois dernières années, on note une hausse des chiffres. Si, par exemple, pour le secteur de l’Enseignement primaire, secondaire et professionnel (EPSP), le budget 2012 avait prévu un montant de 322. 107. 788. 547 Francs congolais (FC), en 2013, le gouvernement a alloué à ce secteur une enveloppe de 522.404.733.647 FC et, en 2014, cette enveloppe a été augmentée jusqu’à atteindre 569.035.242.000 FC. Cette hausse a été constatée presque dans tous les secteurs. Mais, au regard de ces réalités, des inquiétudes persistent sur la réalisation de certains programmes visant l’amélioration du vécu quotidien de la population ou son mieux-être. « L’enveloppe allouée à l’EPSP permettra-t-elle de poursuivre la réhabilitation des écoles ou le programme de gratuité scolaire en faveur des tous les enfants du cycle primaire ? », se demande-t-on.

Mutatis mutandis, on se demande également si le budget prévu pour le secteur de la santé, évalué à près de 509.095.820.000 peut permettre la réhabilitation des hôpitaux ainsi que la résolution des différents problèmes qui se pose dans ce domaine vital pour la nation. « Ces augmentations des enveloppes peuvent-elles mettre fin à ces différentes grèves enregistrées dans chacun des secteurs de la vie du pays ? », des questions qui demeurent sans réponses.

Les couacs !

Malgré l’amélioration de certaines rubriques, des voix continuent à s’élever pour dénoncer la non prise en compte ou la « négligence » de certaines préoccupations du peuple. La Commission Ecofin de l’Assemblée nationale (AN) a, d’ailleurs, elle déjà, relevé que la modicité des recettes est très criante par rapport aux immenses besoins de la population. « Comment comprendre que l’Etat, employeur, ait recruté et mis en activité plus de 215.000 enseignants, plus de 80.000 professionnels de santé, pour ne citer que ces catégories de fonctionnaires, sans une planification de ressources nécessaires pour leur prise en charge ? », s’est demandé cette commission, qui a dénoncé l’absence d’une politique salariale et d’emploi. Les députés ont notamment dénoncé l’inadéquation entre la croissance économique, la stabilité macroéconomique et l’amélioration des conditions sociales de la population. « La croissance n’est pas perceptible dans le vécu quotidien des citoyens », ont-ils regretté. Dans les détails, les élus ont notamment décrié l’insuffisance des crédits accordés à certains secteurs comme l’agriculture, l’EPSP, l’Enseignement supérieur et universitaire (ESU), la santé publique, etc., ainsi que l’absence d’une politique salariale cohérente, couplée de la modicité des salaires des fonctionnaires de l’Etat et à la stagnation du niveau de ces salaires. Ils ont également décrié la non prise en compte, dans le projet de budget soumis à leur appréciation, des crédits de fonctionnement et de rémunérations de 216 instituts d’enseignement supérieur et universitaire et d’autres services.

Des incohérences

Le débat sur le rapport de l’Ecofin sur le projet de loi de finances de l’année 2014 a relevé un certain nombre d’incohérences dans l’élaboration dudit projet. Si le député Emery Okundji a évoqué la question des affectations allouées au Comité de suivi des Concertations nationales qui paraissent non appropriées, Henry Thomas Lokondo a enfoncé le clou, en fustigeant le comportement du gouvernement dans le recouvrement de recettes.

Selon le premier élu du peuple, il fallait, par contre, améliorer le secteur de santé. Alors que le second s’est posé la question de savoir comment l’Ecofin a, endéans 8 jours, dégagé les recettes additionnelles alors que le gouvernement n’a pas pu voir cela. Pour Henri Thomas Lokondo, le budget est déséquilibré car les recettes sont oisives.

Avec les réajustements opérés par la Commission Ecofin de l’Assemblée nationale, le rapport du projet de budget transmis au Sénat pour une seconde lecture prévoit par exemple, dans sa répartition, pour l’ESU, 5.597.420.000 FC, pour l’agriculture 4.493.525.000 FC, pour le développement rural, 7.192.583.000FC, pour les affaires sociales, 4.639.017.000 FC, pour le genre, 4.540.000.000 FC, pour la santé (services spécialisés), 2.960.539.000 Fc et pour la santé (hôpitaux), 6.823.512.000 FC.

Alors que par exemple pour le fonctionnement du comité de suivi des concertations nationales, le budget prévoit 4.000.000.000 FC, pour la présidence et les témoins de l’indépendance, il prévoit 546.035.000 FC, et l’Assemblée nationale, 2.000.000.000 FC.

Face à ces réalités, le député Clément Kanku a par exemple dit : « Le gouvernement éprouve énormément des difficultés. Et le Premier ministre et son gouvernement estiment que pour eux-mêmes, ils doivent dépenser une dizaine des millions de dollars américains pour s’acheter un avion. Nous estimons que ce sont des dépenses qui reflètent un train de vie ostentatoire, qui contraste avec la situation de la population congolaise ». Il a, par ailleurs regretté qu’alors que la plupart d’hôpitaux de la RDC ne sont pas réhabilités, « le premier ministre s’engage à construire un immeuble de 22 millions de dollars pour son gouvernement. Cela, après avoir réhabilité les installations de la primature pour une dizaine de millions de dollars ».

Le député Clément Kanku, qui dénonce des « dépenses de prestige » effectuées par le premier ministre et un comportement irresponsable de la part du gouvernement a fustigé que dans ce pays, où on n’a pas d’eau et d’électricité, le premier ministre paie 7 à 8 millions de dollars pour entretenir le gazon à travers la commune de la Gombe.

Responsabiliser les ministres

Malgré ces remarques, le projet du budget 2014 est passé devant les deux chambres du Parlement. Pour l’efficacité de son exécution, il serait impérieux que les ministres soient responsabilisés, chacun au niveau de son portefeuille, c’est-à-dire dans la gestion des fonds mis à leur disposition. La bonne gouvernance exige qu’il n’y ait pas d’interférence dans le décaissement des fonds.

Selon cette logique, il appartient au ministre de s’expliquer devant l’assemblée nationale quant à la gestion des fonds alloués à son département.

L’imagerie populaire retient et regrette que très souvent ce soient le Premier Ministre, le Ministre des Finances ou celui du Budget qui jouent aux gestionnaires des crédits en lieu et place des ministres concernés. Moralité, de nombreux ministres sont obligés de faire de courbettes auprès de leurs collègues des Finances et de Budget pour le décaissement des fonds destinés à la fois au fonctionnement de leurs ministères qu’à la réalisation de leur programme d’action. Tout cela se passe comme si le budget n’a jamais été discuté, des projets n’ont jamais été débattus au niveau sectoriel, au niveau du gouvernement en conseil des ministres et enfin au parlement (assemblée nationale et sénat). Cela, avec des conséquences que l’on a toujours déplorées.