Budget 2020 : le rapport d’étape du ministre des Finances

Pour pallier les effets de la Covid-19 sur la mobilisation des recettes, le gouvernement a mis en place deux stratégies. L’une consiste à stabiliser le cadre macroéconomique, à savoir le taux de change et le taux d’inflation, et l’autre à mettre en place un plan de relance pour amoindrir les effets post-pandémie sur l’économie nationale.

DÉBUT juin, José Sele Yalaghuli, le ministre des Finances, était auditionné par la commission économico-financière de l’Assemblée nationale. L’audition devant cette commission a consisté à donner des informations claires sur l’exécution de la loi de finances (LOFIP) de l’exercice 2020. José Sele avait indiqué à cette occasion que le budget « souffre du ralentissement de l’économie internationale à cause de la pandémie de Covid-19. D’après lui, cela a réduit « drastiquement les recettes publiques » avec des répercussions sur les dépenses. Il va de soi que les régies financières n’ont donc pas été épargnées. 

En réaction, le gouvernement a mis en place deux stratégies. Un : la stabilisation du cadre macroéconomique, c’est-à-dire la stabilisation des taux de change et d’inflation. À ce propos, le ministre des Finances a épinglé le « petit frémissement sur le marché de change et celui des biens et services au niveau intérieur ». Mais grâce à une politique budgétaire restrictive et une politique monétaire prudente, le niveau de la dégradation a été contrôlé, a-t-il rassuré. 

Ralentissement

Deux : l’élaboration d’un plan de relance pour atténuer les effets post-pandémie sur l’économie nationale. Dans un contexte où l’économie mondiale est au ralenti, notamment en raison des mesures sanitaires strictes, de la  baisse des cours des matières premières sur le marché international, le tableau ne peut qu’être préoccupant. « La récente enquête réalisée par la FEC [Fédération des entreprises du Congo] dresse un tableau préoccupant quant aux effets de la Covid-19 sur l’activité productive, en termes de nombre d’entreprises fermées, de suspension d’investissement et de contrats de travail ainsi que de pertes réalisées. Selon les estimations du gouvernement, l’approche la plus optimiste situe le taux de croissance du PIB pour l’année 2020 à 0,5 %, soit une stagnation économique », a souligné le ministre des Finances.  Et d’ajouter : « Les hypothèses les plus pessimistes concluent, quant à elles, à un recul de l’activité économique de l’ordre de -3,4 %, contre un scénario médian qui situe cette croissance à -1,9 %. Dans tous les cas envisagés, l’activité économique nationale connaît un ralentissement considérable, en comparaison des années 2018 et 2019, où la croissance était respectivement estimée à 5,8 % et 4,4 %. »

Pour lui, l’économie nationale est en proie à l’effritement de ses réserves de change, expliqué essentiellement par la combinaison de deux facteurs: la chute des cours de nos principaux produits d’exportation qui entraîne à la fois la diminution de nos recettes d’exportation et de nos recettes budgétaires, ainsi que l’augmentation des dépenses en devises pour le financement, principalement du Programme de 100 jours et du programme de lutte contre la pandémie de Covid-19.

Dans ce cas de figure, a estimé José Sele Yalaghuli, la fragilité de la République démocratique du Congo face aux chocs exogènes impose un changement profond de paradigme. « Il est urgent d’opérer un recentrage sur les sources endogènes de création de richesses. La résilience de notre économie en est à ce prix. Pour cela, une réflexion profonde est en gestation  sur la production d’une stratégie nationale de diversification, assortie de réformes concrètes », avait-il déclaré. Poursuivant que pour contenir l’amenuisement des réserves de change, le gouvernement a négocié et obtenu du Fonds monétaire international (FMI) deux soutiens financiers. 

Les réserves nationales étaient situées à 869,87 millions de dollars à fin août 2019, soit une couverture de 3,48 semaines d’importations. Elles ont été confortées par le décaissement de la première facilité rapide de crédit du FMI en décembre dernier pour un montant de 367 millions de dollars. Les effets de la crise sanitaire actuelle se sont aussi traduits par une détérioration du niveau des réserves de change à 691,29 millions de dollars, à fin mars 2020.

Pour ce qui est de la trésorerie de l’État, le ministre des Finances a précisé que le plan de trésorerie de l’État est un instrument de gestion courante du budget de l’État au même titre que le plan d’engagement budgétaire. Les différences à établir entre le budget de l’État et le plan de trésorerie se situent à deux niveaux essentiels. Le budget de l’État, lorsqu’il est voté par le Parlement, est figé dans le temps. Par contre, le plan de trésorerie est ajustable, en fonction de l’évolution de la conjoncture. 

Dans le cas de la RDC, le budget du gouvernement a trois volets : le budget général, le budget annexe et les comptes spéciaux. La mise en œuvre de chaque volet se fait à l’aide d’un plan de trésorerie.

Dans cette situation de crise, comment les régies financières vont-elles mobiliser davantage de recettes ? Le ministre des Finances avait fait savoir qu’au premier trimestre de 2020, les recettes collectées par les trois régies financières ont été systématiquement en-deçà des prévisions du plan de trésorerie. Concernant la Direction générale des impôts (DGI), la contre-performance est due à plusieurs facteurs dont notamment le manque à gagner résultant des exonérations.

Quant à la Direction générale des douanes et accises (DGDA), la taxation douanière se fait suivant les articles 61 à 68 du code des douanes,  sur base de la valeur transactionnelle. 

Mobilisation des recettes

En d’autres termes, le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées. Par ailleurs, aux fins d’évaluation de la valeur en douane des marchandises à déclarer, la DGDA se réfère, si cela s’avère nécessaire, aux autres données de la valeur des organismes publics, notamment l’Office de gestion du fret multimodal (OGEFREM) et l’Office congolais de contrôle (OCC), conformément aux protocoles d’accord signés entre la DGDA et ces divers organismes.

Pour lutter contre la contrebande, un programme a été mis en place avec le concours de Trade Mark East Africa (TMEA) pour la construction des infrastructures modernes au port de Kalundu, Ruzizi 1 et 2 au Sud- Kivu, la petite barrière de Goma au Nord-Kivu et l’érection d’une plate-forme moderne à Mahagi dans l’Ituri. Des travaux sont en cours pour la modernisation et l’assainissement du poste frontalier de Kasumbalesa dans le Haut-Katanga. 

Par ailleurs, des accords d’assistance mutuelle et administrative (AAMA) ont été signés avec tous les pays limitrophes dans le cadre d’échange d’informations. Le dispositif de l’apposition des scellés électroniques fonctionne déjà pour les cargos des marchandises à destination du pays par le Katanga et le Kongo-Central. Il va être bientôt étendu au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et dans l’ex-province  Orientale.

À propos de la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations (DGRAD), la conciliation des chiffres se font chaque mois avec la Banque centrale du Congo (BCC) et les services d’assiette. Les PV servent de base de calcul de paiement des rétrocessions à ces services.

La riposte à la Covid-19, depuis le 10 mars, a déjà englouti plus de 21,1 millions de dollars. Au cours de ce deuxième trimestre de 2020, les dépenses Covid-19 seront prises en charge à raison de 121,1 millions de dollars par les ressources extérieures et 11 millions de dollars par  les ressources propres. Les ressources extérieures proviennent de la facilité de financement de 363 millions de dollars du FMI au titre d’appui à la balance des paiements mué en appui budgétaire.