« Bwakisa carte », l’épargne à haut risque

A Kinshasa, certaines personnes préfèrent déposer leur argent auprès de petits commerçants avec le risque que, ceux-ci, qui ne sont pas reconnus officiellement pour cette activité, puissent disparaître dans la nature du jour au lendemain.  

Un vendeur dans un petit commerce dans la commune de Ngaliema.
Un vendeur dans un petit commerce dans la commune de Ngaliema.

Joseph Mayala était propriétaire d’une boutique de vente de produits pharmaceutiques dans un quartier de la commune de Kinshasa. Sur la devanture, un message : « Bwakisa carte », un service d’épargne ouvert au public. Des gens de tout âge affluaient vers son commerce. Les adultes épargnaient chaque jour des sommes pouvant aller de 1000 à 9 000 francs, alors que les plus jeunes se contentaient de lui confier 100 francs. Cet argent permettait à Joseph Mayala, qui touchait 10 % sur le montant versé par chaque épargnant, de relancer ses activités. En butte à des difficultés de fonctionnement, suite notamment à des dettes accumulées auprès de dépôts pharmaceutiques, il finit par fermer son établissement et disparaître dans la nature.

Un service de proximité non officiel 

Ce genre d’offres est fréquent depuis des années. Le prestataire bénéficie de 10 % de l’argent versé par l’épargnant, alors qu’il n’est pas reconnu par la Banque centrale du Congo (BCC), qui est l’autorité de réglementation, d’agrément et de supervision de tous les établissements financiers. Pour exercer dans la micro-finance, toute personne doit déterminer la catégorie dans laquelle elle veut le faire et se conformer aux exigences de la BCC. La loi bancaire de 2002 prévoit cinq catégories : banque, coopérative d’épargne et de crédit, caisse d’épargne, institution financière spécialisée et société financière. « L’acte d’agrément est publié aux frais de l’institution au Journal officiel et dans au moins un organe de grande diffusion de la presse nationale. Il précise la catégorie dans laquelle l’institution est classée et énumère les opérations et services de micro-finance qui en sont autorisés », stipule la loi.  Chaque année, la BCC met à jour la liste d’institutions de micro-finance agréées auxquelles est affecté un numéro d’inscription. Bien plus, la liste et les modifications éventuelles sont, chaque année, publiées au Journal officiel. La RDC compte 126 coopératives d’épargne et de crédit et 23 institutions de micro-finance, selon les chiffres de la BCC.

A travers la capitale, le « Bwakisa carte» est fréquent depuis des années. Le prestataire bénéficie de 10 % de l’argent versé par l’épargnant, alors qu’il n’est pas reconnu par la Banque centrale du Congo (BCC), qui est l’autorité de réglementation, d’agrément et de supervision de tous les établissements financiers.

Mais certains petits épargnants se confient à des personnes non-qualifiées. Cela comporte de gros risques pour la sécurité de leur argent. L’une des raisons qui poussent les imprudents vers des personnages indélicats est la proximité. Il y a aussi une certaine souplesse dans la démarche. Beaucoup évitent les longues formalités à remplir dans les institutions de micro-finance officielles (photos d’identité, autorisations, patente…), alors qu’il suffit juste de s’inscrire sur une liste et d’avoir une petite fiche pour ouvrir un compte épargne « Bwakisa carte ».

Le 31 octobre, au pied de l’Échangeur de Limete, les institutions financières du pays ont célébré la Journée internationale de l’épargne sous le thème « Épargner en RDC pour mon avenir, oui c’est possible ». Les institutions de micro-finance ont saisi cette occasion pour sensibiliser la population sur la nécessité de constituer une épargne. Malgré la présence de plus en plus croissante d’institutions bancaires et de micro-finance dans le pays, le secteur informel kinois reste encore attaché au « Bwakisa carte », en dépit de tous ses risques.

Outre le « Bwakisa carte », les Congolais développent d’autres façons de faire de l’épargne. Augustine Ntotimbe est fonctionnaire de l’État. À la fin de chaque mois, en tant que trésorière, elle collecte les contributions auprès de ses collègues au profit de leur mutualité. L’argent réuni permet de s’approvisionner, notamment, en vivres lors des festivités de fin d’année. « Notre tontine est une épargne d’entraide. Nous ne souhaitons pas garder notre argent dans une banque ou dans une coopérative parce qu’à tout moment un membre dans le besoin peut nous solliciter », explique-t-elle.

L’OHADA facilite les choses 

Avec l’adhésion de la RDC à l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA), des facilités sont accordées à quiconque veut créer une institution de micro-finance. En droit OHADA, il suffit juste d’avoir une immatriculation au greffe  du tribunal (registre de commerce et de crédit) pour y parvenir rapidement. Il y a aujourd’hui beaucoup de services de micro-finance privés, alors que ce secteur était un monopole de l’État il y a quelques décennies. La Caisse d’épargne du Congo (CADECO) est un établissement public créé en 1950 en vue de collecter l’épargne populaire. Selon Ferdinand Mushi Mugumo, son administrateur délégué, au cours de l’année 2013, l’exploitation de la CADECO a consisté dans l’ensemble à consolider la grande mobilisation de l’épargne intérieure  et sous forme de crédit à l’économie congolaise grâce à sa position stratégique et sa proximité à travers toute la République. Aves ses 64 ans d’expérience, 71 succursales ou agences, la CADECO entend être la structure indiquée pour collecter l’épargne des plus démunis. Seulement, elle souffre d’un manque d’appui conséquent pour la réalisation de ses objectifs. Avec la multiplication des agences ou succursales des banques à la cité, l’assouplissement des formalités bancaires aidera la population à quitter le secteur informel d’épargne pour le secteur formel.


 

INFO BOX   

Selon la Banque centrale du Congo :

  • La RDC comptait, en 2013, 126 coopératives d’épargne et de crédit et 23 institutions de micro-finance. 
  • Le taux de bancarisation dans le pays est estimé à 5 % alors que la moyenne africaine est à 15 %.