C’est à Libreville que la FANAF vient de décider de l’avenir d’un secteur essentiel dans l’économie

L’un des enjeux de la 44è assemblée générale de la Fédération des sociétés d’assurances africaines était la désignation du nouveau président. Il n’y a pas eu vraiment de suspens pour départager le Gabonais César Ekomié-Aféne et le Camerounais Théophile Moulong.

SELON toute vraisemblance, le consensus l’a emporté à la veille du scrutin. Au final, un vote par bulletin (et non par acclamation comme l’ont demandé certains) qui a vu les 187 membres à jour de leur cotisation se prononcer. « J’ai décidé de retirer ma candidature au profit de mon frère César Ekomié », s’est exclamé plusieurs fois, la veille du vote, le Camerounais Théophile Moulong, déclenchant un tonnerre d’applaudissements. Et par la même occasion, le directeur général de Saham a demandé à ses soutiens de reporter leurs voix sur son adversaire gabonais. 

La Fédération des sociétés d’assurances de droit national africaines (FANAF) s’en est sortie donc renforcée, comme l’a rappelé Adama Ndiaye, le président sortant de l’organisation, au terme de ses deux mandats. 

Quant au nouveau président, il a entamé son discours en remerciant Théophile Moulong. « Merci Théo, je vais me rapprocher de toi pour qu’on poursuive l’œuvre commune », a-t-il déclaré. Œuvre commune ? Laquelle ? L’augmentation du taux de pénétration de l’assurance est le principal axe du programme du nouveau président qui a aussi mis l’accent sur la formation, la fiabilité de la collecte des données et des informations, la rentabilité, etc. Pour sa part, Mamadou Faye, l’ADG de la Sénégalaise des assurances (Sen Assurances Vie), seul candidat à la vice-présidence, a été accepté à ce poste. Huit candidats ont été présentés pour intégrer le bureau, et cinq seulement vont être retenus au final.

Les défis du numérique

La 44è assemblée générale de la FANAF vient donc de se tenir à Libreville, la capitale du Gabon, sur le thème « La donnée numérique et l’innovation au service de l’assurance ». Environ 1 200 délégués venus de 50 pays se sont penchés sur les dynamiques internes et externes d’un secteur essentiel dans l’économie de tout pays. La donnée numérique et l’innovation ont des implications diverses sur le secteur des assurances en Afrique. La manipulation des données électroniques crée de nouveaux risques qu’il faut maîtriser.

Le secteur des assurances en Afrique est encore confronté au défi de la pénétration dont le taux est en-dessous de 3 %. La FANAF a vu le jour le 17 mars 1976 à Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire. C’est une association professionnelle dont le siège social est à  Dakar au Sénégal, et qui réunit aujourd’hui 229 sociétés de 28 pays cumulant 1 200 milliards de francs CFA de primes. Ce sont des sociétés vie ; des sociétés non vie ; des sociétés de réassurances, des fonds de garantie automobile (FGA) et des sociétés crédit/caution opérant dans les pays suivants : Afrique du Sud, Algérie, Bahrain, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Centrafrique, Côte d’Ivoire, Gabon, Ghana, Guinée Conakry, Guinée Équatoriale, Kenya, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Nigéria, République du Congo, République démocratique du Congo, Rwanda, Sénégal, Sierra Léone, Tanzanie, Tchad, Togo, Tunisie…

Micro-assurance

Le cadre sur la micro-assurance est encore loin des attentes selon les constats de la Conférence interafricaine des marchés d’assurance (CIMA) et des opérateurs. Un seul agrément a été décerné sur 14 dossiers. Selon un sondage de la CIMA, 46 % des acteurs trouvent que l’agrément est un obstacle majeur. Par ailleurs, 15 % mettent l’accent sur la non dématérialisation de la prime. Inquiétant, 73 % de ceux qui n’ont pas d’agréments envisagent quand même de le faire. La micro-assurance n’est rien d’autre que l’octroi des services d’assurance adaptés au portefeuille et aux besoins spécifiques des personnes à faible revenu jusque-là exclues des circuits financiers classiques. Cependant les difficultés liées à la fixation de la limite entre pauvres et non pauvres suscitent encore la réflexion en vue d’une redéfinition du concept en insistant davantage sur le niveau de prime que sur le niveau de revenu des personnes-cibles. De par l’importance de sa population, son statut de continent en développement, l’Afrique est une terre particulièrement propice à l’essor de la micro-assurance, soulignent des experts. Au-delà de sa dimension sociale qui a trop souvent retenu l’attention au risque de constituer un élément dissuasif du point de vue des assureurs commerciaux en quête de rentabilité, la micro-assurance présente un aspect économique très prometteur. Elle constitue le nouveau marché ou l’eldorado de demain.

L’essor de la micro-assurance en Afrique signifie qu’il faut relever des défis. Il faut inculquer la culture de l’assurance à la population, instaurer un cadre réglementaire approprié, détecter les besoins réels des populations africaines en matière d’assurance, rechercher les canaux appropriés de distribution ou encore réduire les coûts de gestion. Les solutions préconisées vont de la réforme du code de la CIMA et des lois nationales à une implication plus accrue des pouvoirs publics. Il faut aussi mettre en place un programme de micro-assurance en Afrique. Il faut mener une étude qualitative du marché, utiliser les nouvelles technologies, impliquer les collectivités, les élites dans la distribution, la diffusion de masse…

Les personnes à faible revenu vivent généralement dans un environnement plus risqué que celui des autres couches de la population. En conséquence, elles sont plus exposées à divers dangers, tels la maladie, le décès, l’invalidité accidentelle, le vol, l’incendie ou toute autre forme de perte de biens. Bien que les ménages pauvres disposent souvent de moyens informels pour faire face à ces risques, il demeure que ces moyens ne les protègent pas suffisamment. En effet les stratégies de gestion informelles parmi lesquelles la répartition des ressources (financières et humaines) sur plusieurs activités génératrices de revenus, l’auto-assurance, les dons, les tontines et autres associations, ne peuvent apporter aux personnes à faible revenu qu’une protection partielle. 

Ainsi les moyens de gestion informels des risques ne résistent pas aux dangers survenant en série. Non seulement la survenance d’un sinistre fragilise énormément les personnes à faible revenu, mais lorsqu’elles n’ont pas eu le temps de s’en remettre qu’un autre les frappe encore, il y a de fortes chances qu’elles ne s’en remettent jamais ou qu’elles se trouvent ainsi prises dans une spirale sans fin, un éternel recommencement dans lequel leurs efforts pour en sortir sont chaque fois annulés au premier choc.

Comme la microfinance qui a révolutionné le secteur bancaire, la micro-assurance peut à son tour contribuer largement à améliorer le niveau de vie des populations à faible revenu, notamment en Afrique où la grande majorité des populations est exclue des systèmes de protection sociale existants. Selon des experts, la micro-assurance constitue la première solution pour permettre aux pauvres de gérer les risques auxquels ils sont exposés… 

En Afrique tout particulièrement, la micro-assurance dispose encore, en dépit de sa croissance rapide, d’un énorme potentiel pour atteindre les pauvres. Des études économiques montrent que les pauvres sont prêts à payer pour un produit proposé à un prix raisonnable qui répond à leurs besoins et qui fait appel à des systèmes flexibles pour le payement des primes. Depuis son avènement au début des années 1980 avec les travaux de Yunus, le concept de micro-assurance a progressivement pris de l’ampleur pour occuper aujourd’hui le devant de la scène dans les stratégies de développement socio-économique du continent africain. Les groupes Allianz Africa et AIG qui sont des grandes compagnies multinationales d’assurances s’intéressent de près à la micro-assurance ainsi qu’aux possibilités de son essor en Afrique.