Comment investir en RDC

Le pays est à la croisée des chemins sur la voie de son développement numérique. Pour réussir la transition digitale, des bases solides et fiables doivent être mises en place, afin que le concept lui-même et son vécu deviennent une réalité d’évidence partout dans le pays.

L’ÉTAT est encore à la traîne. Il fonctionne sur la base registre. Ce système (analogique) continue de donner à débat, parce que souvent dénoncé, parfois avec véhémence, non seulement par les citoyens et les investisseurs, mais aussi par l’État lui-même, à cause de ses insuffisance en termes de service rendu et de gestion des données. Au forum e_DRC 2020, les échanges et les débats en ateliers ont été organisés sous forme de panels autour des faiblesses concernant les infrastructures numériques considérées comme le socle du développement numérique, les services de messagerie, les services financiers et l’e-services. 

Avec plus de 500 participants, 45 partenaires internationaux et plus de 60 intervenants officiels, la 1è édition d’e_DRC a été « une réussite » selon les organisateurs. Elle a lancé « la construction d’une RDC au cœur des enjeux du numérique congolais, africain et international ». De même le site www.edrc.cd a été ouvert pour « informer toutes les parties prenantes de l’écosystème numérique congolais et international ». 

Les goals de l’exécutif

Au cours des assises de haut niveau qui se sont déroulées au Pullman Hotel de Kinshasa, les 19 et 20 février, les participants ont eu pour exercice de poser un diagnostic objectif sur les faiblesses qui tirent le pays vers le bas et de rechercher les solutions possibles, en vue de la migration numérique. En se projetant dans l’avenir, le gouvernement a opté pour une stratégie à deux piliers : le développement des infrastructures, socle de développement du numérique, et la modernisation de la Poste au centre de l’essor du numérique.

En ce qui concerne les infrastructures, a souligné Augustin Kibassa, le ministre des Postes, des Télécommunications et des Nouvelles technologies de l’information et de la communication (PT&NTIC), la République démocratique du Congo a une position géostratégique au centre de l’Afrique. Elle a donc le statut d’un « carrefour naturel des échanges entre le Nord et le Sud de l’Afrique ainsi que l’Est et l’Ouest ». Du fait de cette position, a-t-il indiqué, la RDC devrait être « l’un des plus grands transitaires des télécommunications et des données numériques du monde, pouvant relier la Méditerranée et le Cap de bonne espérance, l’Océan Atlantique et l’Océan Indien ».

Cependant, la RDC ne peut jouer ce rôle d’envergure panafricaine par manque d’infrastructures numériques adéquates. C’est pourquoi, conscient de ce défi et des opportunités que présente cette position géostratégique, le ministère des PT&NTIC initié un projet pour le déploiement d’un réseau national large bande intégrant un système national de transmission par fibre optique. Mais aussi d’un réseau modernisé du système satellitaire, qui  assurera le maillage complet du pays et permettra à la population d’accéder aux services universels de meilleure qualité à un coût abordable. Il comptera aussi sept centres des données (Data Center), répartis stratégiquement à travers le pays.

La partie câblée de ce projet portera l’existant à un total  de près de 48 000 km : 18 000 km de fibre déployés à travers les voies naturelles (fleuve Congo et ses affluents) et 30 000 km de fibre souterraine suivant le tracé des routes nationales. Avec une capacité de transmission initiale de 1 Térabit par seconde, l’objectif est d’atteindre 15 Térabits par seconde en 5 ans.

Quant à la partie satellitaire du projet, elle vise trois objectifs : construire un téléport moderne pour assurer la distribution du signal satellitaire dans les 26 provinces ; moderniser 53 stations terriennes du réseau national satellitaire ; et acquérir un transpondeur important dédié, qui permettra la consolidation progressive du segment spatial congolais.

Dans l’optique d’interopérabilité  des deux réseaux, a dit le ministre Kibassa, le système câblé reliera toutes les stations terriennes satellitaires et s’appuiera sur celles-ci dans le but de couvrir les zones non desservies par la fibre, d’assurer la redondance et de pourvoir à la connectivité pour le dernier km.

En ce qui concerne la Poste moderne, a fait remarquer le ministre des PT&NTIC, la RDC dispose « du plus grand réseau de proximité, de par son patrimoine important et son empreinte nationale, qui permettrait d’atteindre la population congolaise entière, une fois interconnectée ». L’objectif est donc de « réhabiliter, d’équiper et de moderniser tous les bureaux de la Poste, afin de les transformer en points d’accès aux services numérisés de l’État, créant ainsi l’un des plus grands réseaux de messagerie numérique en Afrique ».

Avec l’appui des partenaires techniques et financiers, le gouvernement envisage de fournir des services financiers qui seront présents sur toute l’étendue de la RDC à travers plus de 350 sites existants de la Poste. L’ambition est de créer une banque postale. « Cette banque postale permettra notamment de prendre en charge, de manière progressive, la paie des agents et fonctionnaires de l’État. En outre, elle permettra de percevoir au fur et à mesure les factures d’électricité, d’eau, les différentes taxes et redevances dues à l’État, les paiements des différents services offerts aux usagers, ainsi que de recevoir les dépôts et l’épargne du public », a déclaré Augustin Kibassa. 

D’après lui, la modernisation des bureaux de la Poste facilitera également l’installation des réceptacles des services numérisés de l’Administration publique. « En effet, des terminaux à rendre disponibles dans les bureaux des grandes villes faciliteront les services au public, les demandes numériques des passeports, des permis de conduire, des actes et attestations diverses. Ainsi donc, le Congolais de Boende, de Bunia, de Tshikapa ou de Kalemie ne sera pas tenu de venir à Kinshasa pour recevoir son passeport. Le but ici est d’offrir l’accès aux services au même prix à toute la population, peu importe sa localisation », a-t-il fait remarquer.

La dématérialisation

Et de poursuivre : « La dématérialisation des services fournis par l’Administration publique engendrera un flux important de données, faisant ainsi de l’État congolais le premier consommateur de ce réseau fédérateur. Parmi les effets d’entraînement,  nous pouvons noter la promotion de la messagerie postale qui permettra de redynamiser la logistique d’appoint aux commerces électroniques. » Toutefois, cette dématérialisation ne sera rendue possible que « par la connectivité de tous les sites de la Poste et par la décentralisation des services ci-haut énumérés avec le concours de tous les décideurs impliqués ».

C’est dire que le ministère des PT&NTIC a un « caractère transversal », en tant que vecteur de transformation numérique au sein des organes étatiques et de l’écosystème national. Il envisage également de mettre en œuvre des incubateurs dans les bureaux de la Poste via un projet dénommé « Centre d’innovation digitale ». 

Ces centres auront pour vocation de faciliter l’accès à l’outil informatique aux populations rurales et semi-urbaines ; de découvrir et encadrer les compétences dans le secteur du numérique ; de promouvoir la culture du numérique au sein de la jeunesse ; et de stimuler la création du contenu et de solutions locales via les concours d’excellence des jeunes congolais pour répondre aux besoins des Congolais. Les entreprises locales et d’autres acteurs industriels pourront aussi utiliser ces incubateurs afin de faire développer des solutions répondant à leurs besoins. 

Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, a réitéré, à cette occasion, son engagement à s’impliquer personnellement dans la réussite des partenariats techniques et financiers à construire un cadre normatif. Invitant ainsi à « réfléchir ensemble de manière active sur les mécanismes pour la mise en place d’un développement porteur de croissance ». Il a déjà validé le plan national du numérique à l’horizon 2025. Et une Agence de développement du numérique sera créée pour contacter les investisseurs qui souhaitent accompagner l’État.