Conseil national du travail : rétablir le dialogue social sur la confiance

Il se tiendra à Kinshasa, du 16 au 21 mars prochain, la 36è réunion de la tripartite gouvernement-patronat- syndicat en RDC. De quoi va-t-on parler, après la tension sur l’élargissement de l’IPR à l’ensemble des fonctionnaires et agents de l’État, après la tension sur l’application du Smig dans le secteur du commerce ?

BEAUCOUP de sujets restent encore en suspens. Il s’agit du décret fixant les taux de cotisations dues à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et des deux arrêtés ministériels fixant les modalités d’assujettissement des travailleurs affiliés à la branche des risques professionnels, d’une part, et les modalités d’évaluation des avantages en nature, d’autre part. La 35è session ordinaire du Conseil national du travail (CNT) convoquée en urgence en juillet 2018 se devait de valider leurs mesures d’application, mais également celles adoptées lors de la 34è session pour la mise en œuvre effective de la loi fixant les règles relatives au régime général de la sécurité sociale.

Interrogés, des syndicalistes pensent qu’il est nécessaire aujourd’hui de rétablir le dialogue social sur la confiance mutuelle au sein de la tripartite gouvernement-patronat-syndicat. D’après eux, la protection sociale de la population doit être au centre des préoccupations des dirigeants du pays et des entreprises. C’est en tout cas le vœu exprimé par l’Organisation internationale du travail (OIT), qui exhorte le gouvernement à s’impliquer à fond dans les initiatives innovantes pour le bien- être des Congolais. L’OIT rappelle qu’elle tient à relever le défi de l’amélioration des conditions de vie et de travail des personnes à travers le monde. 

À l’issue de la 34è session en mai 2018, le CNT a recommandé l’implication de la tripartite dans la fixation des taux des prestations sociales, en se référant au résultat de l’étude menée par le Bureau international du travail (BIT). Cette recommandation est en soi l’une des mesures d’application de la loi sur les règles relatives au régime général de sécurité sociale. Dans le même ordre, les arrêtés ministériels devraient fixer notamment les modalités d’assujettissement des employeurs et des travailleurs ainsi que le montant et les modalités de paiement des allocations prénatales, la périodicité et les conditions de suspension. 

Il a été aussi recommandé la création de la Commission nationale de certification professionnelle (CNCP) et d’un centre privé de formation professionnelle. Par ailleurs, le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Prévoyance sociale devrait prendre un arrêté d’actualisation de la liste des maladies professionnelles, avant l’établissement du répertoire national des postes de travail en RDC, travail commencé par l’Office national de l’emploi (ONEM). Les syndicalistes interrogés soulignent également que la question du nouveau salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), relevé de 1 500 FC à 7 000 FC pour le manœuvre ordinaire lors de la 33ème session du CNT, va s’inviter aux débats car non appliqué par tous. Ce sont les syndicats qui ont pris l’initiative de la 35è session du CNT. Les syndicats proposaient, entre autres, l’augmentation du Smig net à 15 dollars par jour ; l’abandon de la réforme de l’Administration publique en cours ; et le rétablissement des allocations supprimées sans motif. Mais le gouvernement a fait la sourde, jusqu’au moment où la menace d’une grève générale et radicale s’est précisée.

La revendication des syndicats d’augmenter le Smig à 15 dollars par jour n’a pas abouti. Car le gouvernement s’est montré réticent et le patronat frileux. À l’issue des discussions lors de la 33è session du CNT, le Smig a été réajusté à 5 dollars, applicable à partir de janvier 2018. Précision : le nouveau Smig devra être appliqué en 4 paliers tous les 6 mois, en raison de 25 % par palier, notamment dans le secteur agro-industriel et pastoral. Il est conditionné par la prise des mesures d’allègement. Par ailleurs, le CNT a décidé de la mise en place des commissions tripartites, chargées d’examiner et statuer sur le taux journalier des allocations familiales par enfant, la quotité saisissable par l’employeur de la contrevaleur du logement et d’annuité ; de faire le lobbying auprès du gouvernement pour la réduction des impôts professionnels sur les revenus (IPR) ; et d’étudier les mécanismes de fonctionnement du nouveau cadre permanent du dialogue social. 

Les syndicats ont toujours considéré que le CNT est un cadre de concertation, mais ce cadre est absent. Les syndicats de la Fonction publique rappellent que leurs revendications sociales ne sont jamais prises compte par le gouvernement. Ce dernier fait preuve de bonnes intentions mais ne va pas au-delà, dénoncent-ils. Pour l’INAP, ce n’est pas par des mesures de plâtrage et des coups de communication que l’on va construire l’avenir. Mais c’est avec un revenu décent car le salaire a avant tout un caractère alimentaire. 

Le réajustement du Smig

Du côté des employeurs, on a estimé que l’augmentation du Smig risque d’entraîner une baisse de la consommation. On redoute « une évolution vers le haut de l’ensemble des rémunérations », ce qui va entraîner « évidemment une augmentation des prix, explique un chef d’entreprise. « On ne peut pas imaginer que si le Smig augmente, l’ensemble n’augmente pas. On va avoir une évolution vers le haut de l’ensemble des rémunérations, la tension salariale étant de l’ordre de 10. Cette augmentation du Smig va obligatoirement générer un déséquilibre du compte d’exploitation », souligne-t-il.

Dans d’autres entreprises, les syndicats devaient se concerter avec les employeurs, après qu’une commission tripartite créée par le ministre de l’Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale a certifié que telle ou telle société est en difficulté économique et doit bénéficier d’une réduction de taxes. Un membre de l’Union nationale des travailleurs du Congo (UNTC) explique que les conventions collectives prévoient des négociations dans chaque entreprise. 

De toute évidence, le marché du travail congolais est dominé par le secteur privé informel. Un marché du travail fonctionnant de façon concurrentielle permettra d’allouer le capital humain aux activités les plus propices à la croissance ainsi que de réaliser des gains de productivité de chaque travailleur. Ce surplus de richesse permettra aux employeurs d’investir davantage et aux travailleurs d’avoir plus de pouvoir d’achat, améliorant ainsi leur niveau de vie.