Controverse autour de la reconversion des créances des pétroliers en crédits d’impôts

a Direction générale des impôts vise l’objectif de réaliser 3 528,1 milliards de nos francs à fin décembre, dépassant ainsi ses assignations annuelles de 30 %. Mais pour des « raisons d’État », certaines décisions prises par le gouvernement refroidissent ses ambitions.

LES RECETTES des impôts collectés à fin juin se chiffrent à 1 982.9 milliards de nos francs. Comparées aux prévisions linéaires du premier semestre 2018, soit 1 350 440 513 059 FC, ces recettes représentent un taux de réalisation de 146,8 %. Mais à la Direction générale des impôts (DGI), on estime que les réalisations auraient dû « plus significatives, n’eussent été les difficultés rencontrées, notamment la conversion des créances des pétroliers distributeurs sur l’État en crédits d’impôts », lit-on dans le projet de loi de finances 2019 déposé par Bruno Tshibala Nzenzhe, le 1ER Ministre, au Parlement. 

Un expert de la DGI, nous explique qu’un crédit d’impôt est une somme soustraite du montant de l’impôt qu’une entreprise ou qu’un particulier doit payer. En fonction du système fiscal ou du pays, un crédit d’impôt peut être accordé pour différents types d’impôts, comme un impôt sur le revenu, l’impôt foncier, ou la TVA (taxe sur la valeur ajoutée). 

Mais le fisc n’avance pas des chiffres sur lesdits crédits d’impôts. La DGI déplore derechef la poursuite de la prise en charge de la fiscalité pétrolière par l’État, laissant ainsi échapper de substantiels revenus à la DGI. Il sied, toutefois, de rappeler que les rapports entre les pétroliers distributeurs, Engen, Total, etc., et le gouvernement s’étaient détériorés en mi-septembre. Les sociétés commerciales menaçaient, en effet, de ne plus desservir le pays. Business et Finances avait d’ailleurs repris dans ses précédentes livraisons une correspondance adressée à Aimé Ngoy Mukena, le ministre des Hydrocarbures, dont une copie a été transmise à Joseph Kabila Kabange, le chef l’État ; et à Bruno Tshibala Nzenzhe, le 1ER Ministre ; Jean Madebu Bunga Madrandele, l’administrateur directeur général adjoint du Service des entreprises pétrolières (SEP) et Célestin Beya, le directeur du département d’exploitation, écrivent : « Cette situation va rapidement se traduire par la rupture des produits pétroliers dans les stations-services vraisemblablement d’ici la fin de la semaine, si les stocks ne sont pas reconstitués ». 

Alors que la douane déplore « la non perception du montant du stock de sécurité émergeant dans la structure des prix des produits pétroliers comme droits d’accises », le gouvernement va capituler devant le lobbying des sociétés commerciales en admettant une nième hausse du prix à la pompe. Le litre du carburant, gasoil ou super, à la pompe a dépassé la barre fatidique de 2 000 FC. L’effet immédiat tant redouté n’a pas cependant eu lieu : les transporteurs, taxis et taxi-bus, n’ont pas augmenté le prix de la course ni versé dans la pratique du demi-terrain. Selon certains milieux, la révision à la hausse du prix des pétroliers producteurs à la pompe n’aura été qu’une revendication secondaire par les sociétés commerciales pour poursuivre l’achat des produits pétroliers. La reconversion des créances des pétroliers distributeurs sur l’État en crédits d’impôts aura sans doute permis à ces sociétés privées d’épargner des centaines des milliers de francs qu’elles devraient au fisc, laisse-t-on entendre. En tout état de cause, les stocks des sociétés commerciales tant en essence qu’en gazole sont en effet en-deçà de 30 % du stock, apprend-on. En d’autres termes, la RDC ne disposera même plus du « stock stratégique » que doivent obligatoirement conserver les entreprises commerciales. 

« SEP Congo SA gère les stocks disponibles en tolérant ponctuellement un stock négatif pour une Socom [Société commerciale, Ndlr] sous réserve que le stock disponible globale de toutes les Socoms soit positif, et ce, pour ne pas perturber la distribution nationale en produits pétroliers. Or, cette tolérance ne saurait s’appliquer dès que le stock disponible de toutes les Socoms devient négatif », lit-on dans la correspondance adressée au ministre des Hydrocarbures par deux hauts cadres de SEP précités. À ce jour, SEP Congo ne tournerait plus qu’à 40 % de sa capacité de stockage, les nouveaux opérateurs dans le secteur lui ayant ravi la grande part du marché intérieur des produits pétroliers. Le prix du litre d’essence se négocie autour de 0.7 dollar, contre 1.25 chez SEP Congo.