De fortes indemnisations pour les victimes de la chirurgie esthétique

Un arrêté du ministre des Finances établit un barème sur les préjudices subis. Selon la réglementation, c’est au médecin de dire s’il y a eu bel et bien préjudice esthétique accompagné ou non d’une souffrance physique.

LA MÉDECINE esthétique (chirurgie, nutrition, etc.) rapporte gros à l’échelle mondiale. Le chiffre d’affaires de ce marché s’élève à plus de 8 milliards de dollars et pourrait même atteindre plus de 9 milliards en 2020, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les États Unis concentrent presque la moitié du marché, suivis par l’Asie-Pacifique, l’Europe et l’Amérique latine. Mais de plus en plus, l’Afrique, le Nigeria et la République démocratique du Congo en tête, tirent le plus de la croissance de ce marché.

Phénomène de société, les interventions esthétiques concernent désormais toutes les classes sociales et toutes les tranches d’âge. Callipyge, avoir des chutes de reins prononcées fait de nouveau tendance dans la gent féminine à Kinshasa. Et des charlatans s’improvisent dans la médecine esthétique, à coups de pub, pour lesquels le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) et la Commission nationale de la censure se contentent plutôt de s’entre-arracher les droits de diffusion au lieu d’en scruter le contenu. 

Beauté chinoise

Il y a encore quelque temps, la capitale était envahie par « l’épidémie » des « cliniques de beauté chinoise », qui consistaient essentiellement à brider les yeux des filles. Une dame qui s’était autoproclamée à la fois « prophétesse et docteur » en médecine esthétique, a, elle, ciblé le phallus qu’elle s’estime à même d’en élargir la taille. Des médicaments, des suppléments alimentaires, des opérations chirurgicales ont été appliqués, tels à des cobayes, à des personnes qui ignoraient tout de leurs compositions, effets secondaires ou probables ratés. Régulièrement, une chaîne de télé de la place avide du sensationnel rapporte, images à l’appui, des cas de ces femmes dont la beauté esthétique recherchée a plutôt tourné au cauchemar : poitrine largement gavé et en berne, postérieurs déformés, démarche dégingandée, vue réduite, stérilité, fortes douleurs musculaires… 

Pourtant, lors du dernier congrès national de la chirurgie plastique, placé sous le thème « Chirurgie plastique d’ici et chirurgie plastique d’ailleurs », la faculté de médecine de l’Université de Kinshasa (UNIKIN) et l’Ordre national des médecins ont sollicité de l’État des mesures efficaces pour mettre terme au charlatanisme dans le secteur et la ruée des aventuriers chinois. Hélas, rien n’est venu. 

À travers la libéralisation des assurances, l’État semble, cette fois, avoir pris des mesures pécuniaires plus dissuasives, voilà 18 mois. Les victimes des ratés de la médecine esthétique le savent-ils ? En RDC, pour le commun des mortels, les assurances ne concernent que les véhicules terrestres. Et rien ne rassure que tous les officines qui s’essaient dans la manipulation du corps humain à des fins esthétiques ont souscrit à l’assurance santé. 

Barème des indemnisations

L’Autorité de régulation et de contrôle des assurances (ARCA) a déjà fixé le barème d’indemnisation de la souffrance physique et du préjudice esthétique… séparément. D’abord, il revient à un médecin de déterminer s’il y a bel et bien lieu un préjudice esthétique accompagné ou non d’une souffrance physique. Intervient ensuite l’ARCA qui établit le montant des indemnisations selon le barème exprimé en pourcentage du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) annuel. 

Depuis le 1er janvier 2018, le SMIG en RDC est chiffré à 7 075 FC. Ce SMIG était censé s’appliquer en quatre paliers tous les 6 mois, à raison de 25 % par palier, en l’occurrence, dans le secteur agro-industriel et pastoral. Lambert Matuku Memas, le ministre d’État et ministre sortant de l’Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale, a d’ailleurs assuré que le gouvernement s’est engagé à mettre tout en œuvre pour faciliter l’accès aux mesures d’accompagnement pour une application efficace et efficiente du SMIG. Il a, au nom du gouvernement, pris l’engagement de mettre tous les moyens à la disposition de la commission nationale tripartite chargée du suivi et de l’application du SMIG. 

Ainsi sur proposition d’Henri Yav Mulang, le ministre des Finances, l’ARCA a établi des indemnisations des préjudices esthétiques comme suit : lorsque le médecin estime que le dommage est « très léger », la valeur des indemnisations  est de 5 % du SMIG annuel, soit 90 dollars. Lorsque les préjudices causés sont jugés « légers » par un médecin spécialiste, les indemnisations équivalent à 10 % du SMIG annuel, soit environ 200 dollars. 

Les indemnisations pour des préjudices jugés « modérés » équivalent  à 20 % du SMIG annuel. Elles grimpent à 40 % lorsque le médecin établit que les dommages sont plutôt «moyens », puis à 60 % lorsque les dégâts causés sont « assez importants » et à 100 % du SMIG, lorsque les torts sont qualifiés « d’importants ». En numéraires, les indemnisations oscillent autour de 2 000 dollars alors que pour les dégâts dits « très importants », la barre de 2 500 dollars serait franchie. 

L’ARCA et le ministère des Finances ont même introduit un niveau plus élevé des dommages dits « exceptionnels », avec des indemnisations représentant 300 % du SMIG annuel, donc au-delà de 5 000 dollars. À noter que ces indemnisations peuvent passer du simple au double, lorsque le médecin atteste que les préjudices esthétiques sont accompagnés des douleurs physiques.