De l’excédent au déficit en 15 ans seulement !

Dans le secteur, les délocalisations se poursuivent et des pans entiers de l’industrie disparaissent. Après Volkswagen, Audi, Mercedes, Fiat… c’est le tour de Renault et PSA d’emboîter le pas.

LES DEUX firmes françaises ont délocalisé leurs petites voitures hors de l’Hexagone. Mais elles sont loin d’être les seuls. Volkswagen produit ses Polo, T Cross, T Roc dans la péninsule ibérique. Audi fabrique beaucoup en Espagne et Hongrie, au Mexique. Mercedes assemble une partie de son entrée de gamme aussi en Hongrie. La Fiat 500 est polonaise et le dernier 4×4 Land Rover Defender slovaque. 

Indépendance, relocalisation. Des maîtres mots qu’Emmanuel Macron, le président français, répète depuis un mois. Une vieille antienne? Nicolas Sarkozy, le prédécesseur de son prédécesseur à l’Elysée, les avait déjà martelés lors de la crise de 2008-2009. En vain. Et, sous le quinquennat de François Hollande, un ministère dit du Redressement productif avait même été créé en 2012 pour Arnaud Montebourg. Sans plus de succès. 

Le coût horaire

Les délocalisations ont continué et des pans entiers de l’industrie ont disparu. Dans l’automobile, la balance commerciale est ainsi passée en quinze ans d’une dizaine de milliards d’euros d’excédent à un déficit de 15,3. Les constructeurs tricolores ont délocalisé quasiment toutes leurs petites voitures hors de France. 

Certes, l’internationalisation des ventes des constructeurs explique en partie le phénomène. Mais pas seulement. Car la production destinée au seul marché européen a aussi largement migré hors des frontières de la France. 

Renault ne fabrique plus que 18 % de ses véhicules dans l’Hexagone, PSA 30 %. Le groupe Volkswagen ne fabrique plus ainsi que… 19,5 % de ses modèles en Allemagne aujourd’hui. Pour les mêmes raisons de… coûts que ses concurrents français. Le coût horaire dans l’industrie est en effet de 41,8 euros en Allemagne (selon Rexecode), 38,7 euros en France, 29 en Italie, 28,2 en Grande-Bretagne. Il chute à 23,6 euros en Espagne, 18,9 en Slovénie, 13,2 en Slovaquie et carrément 10,6 en Hongrie, 10 en Pologne, 6,7 en Roumanie. Du coup, à l’instar des Renault Clio ou Peugeot 208, les petites voitures de Volkswagen sont toutes fabriquées… hors d’Allemagne. Même si le constructeur de Wolfsburg reste discret là-dessus. La Polo, concurrente des Clio et 208, est produite à Pampelune en Espagne, aux côtés du nouveau mini-SUV T Cross (rival du Renaut Captur). La cousine de la Polo, la Seat Ibiza, est pour sa part assemblée à Martorell (banlieue de Barcelone).

Le groupe de Basse-Saxe fabrique par ailleurs quasiment tous les modèles de sa filiale espagnole Seat dans la péninsule ibérique ou en République tchèque. Les voitures de la filiale tchèque Skoda sont pour, leur part, produites en République tchèque et en Slovaquie. Certes, les Seat et Skoda sont des modèles à vocation démocratique. Il n’empêche. Le groupe Volkswagen ne fabrique pas seulement hors d’Allemagne ses petites voitures, les Seat ou Skoda. La marque Volkswagen construit aussi son SUV compact T Roc à Palmela au Portugal et son énorme SUV Touareg (dont le tarif va de 65 700 à 110 000 euros) à Bratislava, la capitale slovaque.

Audi, la filiale haut de gamme du premier constructeur auto mondial, a largement délocalisé aussi. Malgré ses prix de vente élevés. La petite Audi A1, très proche des Polo et Seat Ibiza mais censément plus raffinée et donc plus onéreuse, est montée à Martorell, en Espagne, sur les mêmes chaînes que l’Ibiza. Le SUV compact Audi Q3 est assemblé à Györ, en Hongrie, tout comme la berline compacte A3 quatre portes, les coupés et cabriolets sportifs TT. 

Le site de Györ, situé près de la frontière autrichienne, est devenu par ailleurs la plus grosse usine de moteurs d’Audi. Le SUV de gamme moyenne supérieure Audi Q5 est-il au moins « made in Germany »? Non. Il provient du Mexique. Et les gros 4×4 de très haut de gamme Q7 et Q8 (70 000 à 155 000 euros pièce)? Pas davantage. Ils sont construits aux côtés du Volkswagen Touareg en Slovaquie!

Grosses économies

Mercedes a engagé aussi le processus de délocalisation. La prestigieuse firme à l’étoile produit dorénavant (en partie) son entrée de gamme Classe A et son dérivé monospace Classe B, ainsi que les coupés CLA, à Kecskemet en Hongrie. Avec un coût horaire du travail quatre fois moins élevé qu’en Allemagne, Mercedes fait ainsi des grosses économies, sur des modèles pourtant vendus de 28 400… à 73 000 euros! Seul BMW n’a pas cédé aux sirènes de la production en Europe de l’Est. Mais le bavarois réalise toutefois, traditionnellement, tous ses SUV (à l’exception de X1 et X2)… en Caroline du Sud (États-Unis). Acheter des voitures de marque allemande n’est donc en aucun cas une garantie de « made in Germany ».

Le mouvement est suivi par d’autres constructeurs haut de gamme. Le « so British » se délocalise aussi. La firme automobile britannique Jaguar Land Rover (JLR, propriété de l’indien Tata) a inauguré ainsi en 2018 son usine slovaque de Nitra. Les 4×4 Land Rover Discovery et nouveau Defender, quintessence du savoir-faire anglais en matière de tout-terrains huppés, y sont fabriqués. Le suédois Volvo (groupe chinois Geely) ose quant à lui importer en Europe ses limousines haut de gamme S90… « made in China », même s’il ne le crie pas sur les toits. Ses berlines de gamme moyenne S60 sont de leur côté américaines.

Les constructeurs allemands, les britanniques, les suédois délocalisent indéniablement. Et l’italo-américain FCA (Fiat Chrysler Automobiles) alors? Le groupe héritier de l’empire Fiat n’est nullement en reste. La célèbre petite 500, qui symbolise la « Dolce Vita » à l’italienne, est de facto très peu transalpine dans ses gènes… puisque intégralement produite à Tychy, en Pologne. Tychy est même considérée comme une des meilleures usines de FCA! La berline compacte à bas coûts Fiat Tipo n’est pas davantage italienne. Elle provient de Turquie, comme les fourgonnettes et ludospaces Qubo et Doblo.