De nombreux défis pour l’action publique du fait du ralentissement

Cette année, l’économie mondiale pourrait enregistrer un léger rebond après avoir connu sa plus faible performance depuis la crise financière mondiale de 2008-2009. Si tout va bien, nuancent pour autant des experts. D’après eux, deux phénomènes pèsent sur cette reprise léthargique, faisant planer des doutes sur la trajectoire de la croissance économique. Lesquels ?

IL S’AGIT du gonflement sans précédent de la dette dans le monde et du ralentissement prolongé de la croissance de la productivité, dont la progression est indispensable à l’amélioration du niveau de vie et à l’élimination de la pauvreté. Selon les perspectives économiques de la Banque mondiale, la croissance mondiale devrait s’établir à 2,5 % en 2020, soit une légère hausse par rapport aux 2,4 % de 2019, à la faveur de la reprise progressive des échanges commerciaux et des investissements. Elle devrait marquer le pas dans les économies avancées, et passer de 1,6 % à 1,4 %, principalement en raison de la faiblesse persistante du secteur manufacturier. Les économies émergentes et en développement verront, quant à elles, la croissance s’accélérer à 4,1 %, contre 3,5 % en 2019. 

Afrique subsaharienne

Toutefois, la reprise devrait venir en grande partie de quelques grands marchés émergents qui sortent d’une période de marasme économique ou qui se stabilisent après une récession ou des turbulences. 

Pour de nombreuses autres économies, la croissance devrait ralentir car les exportations et les investissements restent faibles.

La Banque mondiale fait remarquer que même si la reprise dans les économies émergentes et en développement est conforme aux prévisions, le taux de croissance par habitant restera inférieur aux moyennes à long terme et progressera trop lentement pour atteindre les objectifs d’élimination de la pauvreté. C’est en Afrique subsaharienne, où vivent 56 % des pauvres de la planète, que la croissance du revenu devrait être la plus lente.

Qui plus est, cette reprise poussive est exposée à toutes sortes de menaces. Les différends commerciaux pourraient connaître une nouvelle escalade. Un ralentissement de la croissance plus marqué que prévu dans les grandes économies telles que la Chine, les États-Unis ou la zone euro aurait également de vastes répercussions. Une résurgence des tensions financières sur les grands marchés émergents (comme ce fut le cas en Argentine et en Turquie en 2018), une intensification des tensions géopolitiques ou une série d’événements climatiques extrêmes pourraient tous avoir des conséquences délétères sur l’activité économique dans le monde entier.

Dans les économies émergentes et en développement, la dette s’accumule avec une ampleur et un rythme sans précédent depuis 50 ans, assombrissant les perspectives de croissance. La dette totale de ces économies a grimpé à environ 170 % du PIB en 2018, contre 115 % en 2010. La dette des pays à faible revenu s’est en particulier accrue après avoir fortement diminué au cours de la période 2000-2010.

La vague d’endettement actuelle diffère des précédentes du fait de l’augmentation de la part de la dette publique détenue par des non-résidents et de la hausse de la dette privée libellée en devises dans les économies émergentes et en développement, et, pour les pays à faible revenu, de l’accroissement des emprunts sur les marchés financiers et auprès des créanciers bilatéraux non membres du Club de Paris. Cette situation suscite des inquiétudes en ce qui concerne la transparence de la dette et la collatéralisation.

Lorsqu’ils servent à financer des investissements favorisant la croissance, par exemple dans les infrastructures, les soins de santé et l’éducation, les emprunts publics peuvent être bénéfiques et stimuler le développement économique. Le gonflement de la dette peut également s’avérer utile en période de ralentissement comme moyen de stabiliser l’activité économique.

Expériences du passé

Toutefois, les vagues précédentes d’accumulation de la dette se sont mal terminées : défauts souverains au début des années 1980, crises financières de la fin des années 1990, nécessité d’un allégement de la dette massif dans les années 2000 et crise financière mondiale en 2008-2009. Et bien que les faibles taux d’intérêt actuels atténuent certaines menaces, une dette élevée comporte des risques importants. Elle peut rendre les pays vulnérables aux chocs extérieurs, limiter la capacité des gouvernements à contrer les ralentissements par des mesures de relance budgétaire et freiner la croissance à long terme en évinçant des investissements privés qui améliorent la productivité.

Les pouvoirs publics doivent donc prendre des mesures pour atténuer les risques associés au gonflement de la dette. Une gestion saine et transparente de la dette peut permettre de limiter les coûts d’emprunt, d’améliorer la soutenabilité de l’endettement et d’atténuer les risques budgétaires. De solides régimes de réglementation et de surveillance, une bonne gouvernance et des normes internationales communes peuvent contribuer à contenir les risques, à faire en sorte que la dette soit utilisée de manière productive et à cerner rapidement les faiblesses.