Des recettes en baisse, des patrons qui réclament un nouveau moratoire

Selon des sources proches des services de la DGDA, les recettes douanières accusent une baisse des 20 % à mi-parcours de l’année. Entretemps, les opérateurs économiques disent n’avoir pas vraiment bénéficié de mesures de l’état d’urgence sanitaire. Ils en demandent. Quatre mois, c’est vite passé !

C’EST à se demander si la devise de la Direction générale des douanes et accises (DGDA) : « Toujours faire plus et mieux aujourd’hui plus qu’hier et demain plus qu’aujourd’hui » est encore de mise. La loi de finances (LOFIP) de l’exercice 2020 a fixé comme objectif : 2,675 milliards dollars, au taux de change moyen de 1 684,41 FC/1 USD, soit un accroissement de 70 % par rapport à l’exercice 2019. Au cours de l’année précédente, les réalisations probables ont été projetées à environ 1,203 milliard de dollars. 

À mi-parcours donc de l’exécution du budget, le constat est que cet objectif sera difficile à atteindre, pour plusieurs raisons. Néanmoins, le management de la douane ne veut pas encore capituler. Il admet qu’avec un peu plus d’efforts, la DGDA pourra réaliser plus de recettes au second semestre de 2020. Les prévisions de 2020 ont été tricotées en fonction de réalisations probables  de 2019 mais aussi en tenant compte de plusieurs hypothèses : l’accroissement du volume et de la valeur des importations à hauteur de 150 % ; la renonciation par l’État de la prise en charge d’une partie de la fiscalité pétrolière ; l’accroissement des recettes des accises grâce à la mise en application du nouveau code des accises ; la suppression de la pratique de nouvelles compensations autres que celles prévues par la loi douanière ; et la suppression des exonérations dérogatoires et celles accordées au gouvernement et autres institutions étatiques.

L’article 4 du code des douanes ne retient que l’exonération du matériel de guerre destiné à la défense nationale et à la sécurité du territoire. 

Providence divine

Par ailleurs, les prévisions de l’exercice 2020 ont pris en compte l’effort de service de 5 % pour toutes les rubriques à l’exercice de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des droits de douane auxquels est appliqué un taux de 15 %. 

Et last but not the least, pour maximiser les recettes de l’État, la DGDA a prévu une série de mesures allant de l’augmentation de certaines taxes au renforcement du dispositif de lutte contre la fraude en passant par la suppression des exonérations.Les nouvelles mesures préconisées par la douane portent essentiellement sur l’imposition des articles et ouvrages en matière plastiques, conformément à l’ordonnance-loi n°18/002 du 13 mars 2018 relative au code des accises, ainsi que des véhicules automobiles au taux de 10 %, au lieu de 5 %, le taux prévu dans cette ordonnance-loi. 

Elles concernent aussi la comptabilisation dans la LOFIP du stock de sécurité émargeant dans la structure des prix  des  produits pétroliers ; le marquage et la traçabilité des produits soumis aux droits d’accises ; le renforcement du dispositif de lutte contre la fraude, notamment par l’implantation des bureaux de douane dans tous les postes frontaliers ; la construction et la modernisation des infrastructures pour une bonne prise en charge et la sécurisation des frontières (entrepôts, routes, etc.) ; l’aménagement des plates-formes logistiques de prise en charge des marchandises. 

Ces mesures visent également la création et l’équipement de nouvelles unités de la brigade douanière pour renforcer la surveillance des frontières, la recherche et la répression des infractions ; la ratification des accords d’assistance mutuelle administrative ; la lutte contre la contrebande par l’implication d’autres services étatiques (Intérieur et Sécurité, Économie, Commerce, etc.) ; la suppression de la pratique des nouvelles compensations autres que celles prévues par la loi douanière ainsi que des exonérations dérogatoires et de celles accordées au gouvernement et aux autres institutions étatiques ; et enfin le respect strict du nombre des services habilités à œuvrer aux frontières.

Mais c’était sans compter avec la pandémie de coronavirus dont les effets sont pervers sur le plan économique. Pour nombre d’observateurs, il est encore prématuré de faire maintenant une projection sur l’ensemble de l’année, même s’il y a des indices persistants qui montrent que la situation va se détériorer davantage. Mais la tendance pourrait se renverser grâce à la Providence divine. Cela est déjà arrivé plusieurs fois. Si jamais la conjoncture actuelle perdure, il va y avoir un problème. Cela veut dire que le budget actuel ne sera jamais exécuté tel qu’il aura été voté au Parlement en décembre 2019. 

D’ores et déjà, on attend que Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre, dépose à l’Assemblée un collectif budgétaire pour rectifier la LOFIP de l’exercice 2020. Pour rappel, celle-ci a prévu un budget de 10,59 milliards de dollars, tandis que le plan de trésorerie présenté à la mi-février par José Sele Yalaghuli, le ministre des Finances, prévoit quelque 5,45 milliards de dollars de dépenses pour des recettes légèrement moindres. 

Afin de faire face à la crise sanitaire, le ministre des Finances a donné de nouvelles orientations aux trois régies financières : Direction générale des impôts (DGI), Direction générale des douanes et accises (DGDA) et Direction des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations (DGRAD), pour la mobilisation des recettes de l’État, tout en tenant compte de la pandémie de Covid-19 déclarée chez nous depuis le 10 mars. 

Dans une correspondance adressée au DG de la DGDA, le ministre des Finances a relayé les instructions du 1ER Ministre sur la stricte observance des mesures édictées. Il s’agit de l’exonération, pendant une période de six mois, des droits, taxes et redevances à l’importation des intrants et produits pharmaceutiques ainsi que des matériels et équipements médicaux liés à cette pandémie ; la suspension, durant une période de trois mois, de la perception de la TVA à l’importation des produits de première nécessité ; la suspension, pour une période de trois mois, de l’application des pénalités en cas de retard dans le dédouanement des marchandises de première nécessité.

Mais également le gel, durant une période de trois mois, des missions de contrôle douanier, sauf pour des cas de flagrance avérée touchant aux intérêts du Trésor public et avec autorisation préalable du ministre des Finances ; la surséance des actions en recouvrement forcé. 

Tout comme le report, pendant cette période, du délai de paiement sans pénalités en faveur des entreprises qui en feraient la demande ; la facilitation de la procédure d’enlèvement des intrants et produits pharmaceutiques sous douane…

La taxe Covid-19

Quant à eux, les opérateurs économiques maugréent : « Nous n’avons pas vraiment bénéficié de ce moratoire. À cause de la fermeture des frontières et de certaines mesures restrictives à l’international, l’acheminement des marchandises a mis plus de temps que prévu. » Et comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement a instauré la taxe Covid-19 : 25 dollars sur chaque container de marchandise. 

Face donc aux difficultés qui sont les leurs en cette période, les opérateurs économiques ont bien l’intention de demander au gouvernement un nouveau moratoire. Mais rien n’est si sûr que le gouvernement va les suivre dans cette voie. En tout cas, pour l’instant, l’exécutif pense déjà à lever l’état d’urgence, sinon à abandonner certaines mesures. Par exemple, la suspension de l’application des pénalités en cas de retard dans le dédouanement des marchandises ; la gratuité de la consommation d’eau et d’électricité ; la suspension de l’imposition à l’impôt professionnel sur le revenu (IPR) ; la suspension de la perception de la TVA ; etc. Le gouvernement a déjà prévenu que le coronavirus va coûter 3 points de croissance à l’économie nationale. De 4,1% prévus initialement, la RDC ne pouvait espérer que 1,1 % si la crise sanitaire s’arrêtait à juin. Ce qui n’est pas le cas.