Encore du sang sur les minerais congolais vendus sur le marché américain ?

Le nouveau président américain vient de prendre une décision aux conséquences incalculables sur l’économie congolaise. Il remet en question la partie qui interdisait aux entreprises de son pays d’acheter les minerais de sang provenant de l’Est de la RDC.

Ce n’est pas une prophétie, mais une évaluation assise sur des techniques de recherche moderne dans le secteur minier. Le gisement d’or dans tout l’Est de la République démocratique du Congo vaudrait, selon les experts de haut vol, 28 milliards de dollars. Si on y ajoute le tantale, le tungstène ou l’étain, on comprend vite pourquoi les groupes armés pullulent et pourquoi les bonnes consciences s’émeuvent. L’esquisse d’une solution provient de la très puritaine Amérique. Elle revêt la forme légale d’une loi. Voilà, donc née, la Financial Reform Act, promulguée le 16 juillet 2010 et entrée en vigueur le 1er janvier 2011. On l’appelle aussi, du nom de son initiateur, loi Dodd Franck, ou encore la loi Obama. Cette loi a le mérite de viser à rompre « le lien entre l’exploitation illégale des ressources minières et le financement des conflits armés dans la région des Grands Lacs. » Pour y parvenir, un institut américain descend sur le terrain. L’Institut international de recherche (siglé ITRI en anglais) apporte dix millions de dollars pour procéder à l’étiquetage des colis de minerais depuis les puits d’exploitation jusqu’aux points d’exportation.

Le 23 février 2012, le ministère congolais des Mines signe un contrat de partenariat avec ITRI, consacré par un arrêté ministériel. Le même arrêté fixe les procédures de qualification et de validation des sites miniers dans les provinces du Katanga, du Maniema, du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et Orientale.

Business to business

Deux services publics travaillent avec ITRI : le Service d’assistance et d’encadrement Small, Squale Mining (SAESSCAM) au niveau des puits et le Centre d’expertise, d’évaluation et de certification des substances minérales précieuses et semi-précieuses (CEEC) dans l’accompagnement tout au long du processus d’exportation de minerais.La loi Dodd Franck n’a pas que des partisans. Ses adversaires les plus déterminés se recrutent tant en Afrique qu’aux États-Unis d’Amérique. Dès son entrée en vigueur, elle impose un embargo de fait sur les produits miniers congolais. Au Nord-Kivu, les creuseurs artisanaux détiendraient, à cette époque, des colis d’or évalués à plus ou moins 30 millions de dollars, alors demeurés invendus parce que les sites de provenance de leurs produits n’étaient pas certifiés et validés conformément au protocole d’accord entre la RDC et l’Institut international de recherche. Jusqu’à ce jour, les sites miniers, contrôlés ou pas par les groupes armés, n’ont pas tous été formellement validés et certifiés. Les 11 millions de l’ITRI n’ont pas totalement résolu le fonds du problème. Les groupes armés essaiment encore dans bon nombre de villages et la fraude se porte bien. Très bien même, selon des sources très officielles.

Les États-Unis eux-mêmes torpillent leur propre loi. La première estocade est décrochée par trois grands industriels, soutenus par la Chambre de commerce américaine. Au nom de Business to business, ils portent l’affaire devant la justice. Et Donald Trump donne le coup de grâce. Cet homme d’affaires devenu locataire à la Maison Blanche remet en question la section 1502 de la loi Dodd Franck.

Échec et impuissance

La section 1502 oblige justement les entreprises américaines à déclarer si elles utilisent du tantale, du tungstène, de l’étain et de l’or importés de la RDC et si ces minerais proviennent des mines de conflit. L’abrogation de cette section vide la Financial Reform Act de toute sa substance. Elle frise la catastrophe. Du moins pour la RDC. Peu avant l’entrée en vigueur de la loi Obama, douze pays membres de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) avaient, en 2010, mis en œuvre un mécanisme régional de certification des minerais. C’était l’un des dix outils de l’initiative régionale de lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles. Les résultats sont certes mitigés, mais c’est un bon pas dans la bonne direction. Le secrétariat de cette structure régionale, basé à Bujumbura, capitale du Burundi, tire la première salve de protestations. Dans une récente déclaration publique, la CIRGL craint que l’abrogation de la section 1502 de la loi Dodd Franck n’affaiblisse le Mécanisme régional de certification et ne contribue, en fin de compte, à une prolifération généralisée des groupes terroristes, de blanchiments transfrontaliers et de flux financiers illicites dans la région.

On attend la réaction de l’Office de coopération et de développement économique (OCDE) qui, jadis, avait formulé des directives sur le devoir de diligence concernant l’approvisionnement responsable en minerais. La Chine, elle aussi, est très attendue sur ce sujet parce que certains de ses ressortissants avaient été mis en cause dans l’achat des minerais provenant des mines contrôlées par des groupes armés. L’ONG Global Withness est la plus malheureuse partie perdante dans cette bataille. Elle était la seule ONG internationale en première ligne pour faire aboutir, après plusieurs requêtes, la loi dont Donald Trump veut abroger la partie la plus importante pour l’économie de la RDC. Qui, jusque-là, est sans voix, tellement la brutalité de l’acte est immense et immonde.