Enfants dans les mines : un rapport de Save The Children ternit encore l’image de la RDC

La BAD veut aider la RDC à promouvoir son secteur minier. Elle a notamment prévu une enveloppe en don et en prêt de près de 84 millions de dollars, à condition que la RDC s’emploie effectivement à sortir les enfants et les femmes enceintes des carrières et des mines.

L’ÉTAT congolais s’est fixé, pour la période 2019-2021, l’objectif de développer un secteur minier compétitif, propice aux investissements miniers et favorisant un environnement durable. Mais investisseurs et ONG déplorent une certaine banalisation du phénomène des mineurs et des femmes enceintes dans les mines. Il y a encore quelques semaines, le constructeur BMW avait levé l’option de ne plus acheter du cobalt en RDC à la suite de la présence des enfants dans les mines. L’on estime à 40 000 le nombre des enfants travaillant dans les mines en RDC. Le pays se retrouve d’ailleurs au bas du tableau continental pour ce qui est de l’amélioration des conditions des enfants, ces 20 dernières années, selon Save The Chidren. 

L’ONG a, en effet, effectué une vaste étude sur l’évolution de la condition des enfants dans le monde entre 2000 et 2019. Les critères retenus par l’organisation comprennent l’alimentation, l’accès aux soins et à l’éducation, la sécurité, l’intégrité physique, mais aussi l’égalité des chances, l’accès aux TIC, etc. Des  ONG locales font remarquer que la scolarisation des enfants est en baisse continue dans les grandes régions d’extraction minière alors que le taux de  l’abandon inopiné des études va crescendo.  

Selon Save The Children, les progrès les plus notables ont été enregistrés en Afrique. La Sierra Leone, le Rwanda, l’Ethiopie, le Niger et le Burkina Faso sont les pays où la condition des enfants s’est le plus améliorée dans le monde. Le rapport n’a pas pris en compte la Somalie et la Libye. Et la RDC est à la 45è position sur les 52 pays du continent cotés. Le pays de Félix Tshisekedi Tshilombo ne devance que le Mali, le Tchad, le Niger et la République centrafricaine ; pays en proie en l’insécurité islamiste. La RDC se place également juste devant le Nigeria, qui compte pourtant parmi les grandes puissances économiques du continent, mais, nombre des PMI et PME recourent à la main d’œuvre infantile. Aujourd’hui, les pays africains où les enfants bénéficient des meilleures conditions de vie sont la Tunisie, Maurice et l’Algérie, dont les scores sont proches de ceux des pays développés (les USA sont à 94, la Tunisie à 929).

Les mines de cobalt 

La RDC aurait dû sévir depuis longtemps contre le phénomène enfants et notamment femmes main-d’œuvre dans les mines, estime cet expert du ministère des Mines. Lors du séminaire d’orientation budgétaire portant sur la loi de finances 2019, Alexis Makiashi, expert au Secrétariat général des Mines a, en effet, rappelé que dans le Plan stratégique du secteur minier 2017-2021, les experts de ce ministère ont recommandé au gouvernement d’allouer un budget conséquent aux services techniques notamment au Service d’Assistance et d’Encadrement de l’Exploitation Minière à Petite échelle (SAEMAPE) pour un meilleur suivi et contrôle de l’activité extractive, la réduction des impacts socio-environnemental et l’interdiction dans les ZEA (Zone d’exploitation artisanale) des femmes enceintes et des enfants. Hélas, ce document n’a pas été validé en conseil des ministres. 

En 2016, le ministère des Mines avait, déjà, identifié 200 zones d’exploitation artisanale et 1 364 sites d’exploitation avec plus ou moins 2 millions d’exploitants miniers  dont des enfants et des femmes enceintes et recensé 392 coopératives agréées. Comme le code minier révisé exclut de l’exploitation artisanale des initiatives individuelles au profit des coopératives, le budget 2019 prévoit pour le SAEMAPE ex – SAESSCAM) un montant de 629 dollars par site d’exploitation pour encadrer techniquement et financièrement les exploitants du secteur de la petite mine et lutter contre la fraude en canalisant les productions dans le circuit officiel de commercialisation. 

De 600 millions de FC en 2018 à 3,9 milliards de FC pour 2019, les prévisions des  crédits de l’ex-SAESCAM ont connu une considérable de près de 600 % ! Pour autant, cela suffirait-il à faire aux préoccupations essentielles des artisanaux et des populations de base sur toute l’étendue du territoire national ? Il sied, en effet, de rappeler, que toutes les provinces dont Kinshasa la capitale ont été déclarées zones minières depuis plus de 10 ans. « L’une de principales préoccupations de SAEMAPE demeure également la croisade contre l’utilisation des enfants et des femmes enceintes  dans les sites miniers. Cette situation est plus  préoccupante que celle des enfants qu’on enrôle dans les groupes armés », fait remarquer Me Gabrielle Pero, activiste de la société civile. 

Mais hélas, SAESSCAM peine à se déployer dans toutes les 26 provinces du pays alors que l’exploitation illicite des minerais comme la cassitérite, le coltan et le wolframite, l’or et le diamant par des exploitants artisanaux a tendance à devenir une activité normale, lit-on dans un rapport de la Banque mondiale. Le gouvernement a plutôt préféré poursuivre le déploiement du Cadastre minier à travers le pays que l’ex-SAESCAM dans l’optique de gagner gros avec de grandes entreprises. Il est pourtant établi, selon les chiffres fournis par la DGRAD que les artisanaux rapportent plus que les industriels dans le domaine du diamant. Inspecteur au ministère des Mines, Alexis Makashi, note que, dans le Code minier révisé, il est prévu la participation d’au moins 10%, au profit des personnes physiques de nationalité congolaise, dans le capital social des sociétés minières, la participation des Congolais dans le capital des comptoirs d’achat et de vente des matières précieuses et de traitement. 

Dans la pratique, l’État devrait encourager les communautés de base à devenir actionnaires dans ces entreprises. Par ailleurs, la loi minière révisée fait obligation de  l’introduction du cahier des charges pour les sociétés minières en rapport avec leur responsabilité sociale vis-à-vis des populations locales. La RDC a produit 82 000 t de cobalt en 2017 au prix de 9 600 dollars la tonne. Ce qui a rapporté quelque 227 068 960 dollars ou 480 437 576 640 FC au titre de redevance minière en appliquant le taux révisé de 3,5 %, selon la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations (DGRAD). 

En 2018, le cobalt sera déclaré minerai stratégique et son taux d’imposition passe de 3,5 à 10 %. Selon la FEC/Mines, la production 2018 du cobalt a augmenté de 43,8 % par à 2017 et a atteint 106 439 tonnes dont quelque 250 t pour Gécamines.