Fonds de garantie : comment sauver les PME

Les problèmes de financement liés aux très petites, aux petites et aux moyennes entreprises et leur difficulté de s’insérer dans le système financier classique affectent surtout les plus jeunes entrepreneurs qui se retrouvent en difficulté à obtenir des financements. Le gouvernement semble faire le choix du recours au fonds de garantie.

EN FINANCE, le fonds de garantie est une réserve de valeurs (titres, actions, obligations, etc.) constituée pour compenser l’insolvabilité d’un débiteur. Il ne s’agit encore que d’un projet en République démocratique du Congo. Justin Kalumba Mwana Ngongo, le ministre des Classes moyennes, des Petites et moyennes entreprises et de l’Artisanat, a présenté le vendredi 11 septembre au Conseil des ministres un projet de décret relatif à la création d’un établissement public dénommé « Fonds de garantie de l’entrepreneuriat au Congo » (FOGEC).

Le projet a été déjà validé par la commission Ecofin du gouvernement le 12 août dernier et par la commission des lois du gouvernement quinze jours après.

On rappelle également que le projet a fait l’objet d’une réflexion mûrie entre le ministre des Classes moyennes, des Petites et moyennes entreprises et de l’Artisanat et la cellule Climat des affaires de la présidence de la République sous la coordination d’Elysée Munembwe Tamukumwe, la vice-1ER Ministre, ministre du Plan. Par ailleurs, la création du FOGEC est l’une des réformes envisagées dans le cadre du Programme national de développement de l’entrepreneuriat en RDC (PRONADEC) déjà adopté en Conseil des ministres. 

Une précision de taille : ce sont les agences et les organismes privés et spécialisés qui vont gérer les sommes préalablement collectées par le FOGEC pour servir de garantie à l’emprunt des PME, suivant les conditions, les modalités, les us et coutumes de la profession concernée. D’ores et déjà, l’accès aux prêts sur base de « considérations subjectives ou complaisantes » ne sera pas possible car le respect des règles de bonne gouvernance par les sociétés gestionnaires sera strict et sans concession.

« Une nécessité impérieuse »

Rien à faire, la promotion de l’entrepreneuriat et de la classe moyenne est une « nécessité impérieuse » pour Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre et chef du gouvernement. C’est dans cette optique qu’il a engagé son gouvernement à susciter la culture entrepreneuriale pour permettre l’émergence d’une classe moyenne congolaise. À ce sujet, par exemple, il a engagé son gouvernement à veiller particulièrement à « l’application rigoureuse » de la loi relative aux activités de sous-traitance, afin d’« amener les sociétés minières et autres grandes entreprises à conclure des contrats de prestation de services et d’exécution de travaux avec des petites et moyennes entreprises congolaises ».  Sylvestre Ilunga est convaincu que c’est par ce biais que « le gouvernement peut les aider à s’affirmer compétitivement sur le marché, et ainsi contribuer à l’élargissement de la base d’une classe moyenne nationale ». 

Pour le moment, c’est encore le silence absolu après l’annonce de la création d’un fonds de garantie pour soutenir les entrepreneurs locaux. Sans doute parce que les gens sont un peu perdu quand il s’agit d’aborder le sujet des fonds, quels fonds ?, qui commencent de débarquer dans l’économie nationale. Cependant, il y a longtemps que des milieux d’affaires congolais réclament la présence d’un fonds de garantie pour les entrepreneurs nationaux.

Dans tous les pays, l’activité économique a toujours été au centre de la croissance, et les PME représentent un acteur important dans la croissance économique nationale. Le contexte congolais n’est pas très différent de celui des autres pays qui aspirent à l’émergence. Est-ce qu’en RDC, les PME disposent-elles d’une importance significative, comme dans les autres pays, dans le tissu économique dans lequel elles représentent plus de 90 % selon les statistiques recoupées des fédérations des PME nationales ? 

Il est attesté que le développement des économies nationales passe nécessairement par le développement du tissu des PME. Celles-ci contribuent fortement à la création de richesse, à l’emploi et à la cohésion sociale dans les pays quel que soit leur niveau de développement. 

Jean Koni Batubenga est patron de PME depuis plus de 30 ans. « Pour toutes les PME, la recherche de ressources financières reste une préoccupation principale », déclare-t-il. Jean Koni ajoute que la très grande majorité des PME en RDC ne possèdent pas suffisamment de ressources internes ou de capacité d’autofinancement pour couvrir leurs besoins d’investissement et de fonctionnement. 

L’emprunt bancaire

Par conséquent, elles s’orientent vers des sources de financement à l’extérieur de l’entreprise. « À ce niveau, l’emprunt bancaire demeure de loin le mode de financement privilégié des entreprises en général et des PME en particulier. Les banques constituent donc les principaux partenaires financiers des PME et, malgré ceci, leurs relations sont souvent critiquées d’insatisfaction et d’incompréhension de part et d’autre », fait-il remarquer. 

D’une part, souligne Isabelle Muleka, femme entrepreneur, les PME se plaignent que leurs conditions de financement ne correspondent pas à la réalité de leur entreprise et, d’autre part, les banques reprochent aux entrepreneurs leur manque de transparence dans la diffusion des informations nécessaires pour l’évaluation adéquate et complète de l’entreprise. Dans ce contexte, nous déclare Isabelle Muleka, il est intéressant de voir si les conditions de financement bancaire reflètent le niveau de risque total des emprunteurs, ou montreraient une certaine discrimination à l’égard des PME. 

Raison pour laquelle, cette femme entrepreneur qui évolue dans le secteur de la restauration estime qu’il faudrait « mettre en évidence les points de convergences situés, d’un côté, entre l’accessibilité des PME au financement bancaire, de par  leur situation micro-économique actuelle, quant à leur taille, structure financière et activité, à leur compétitivité et leur puissance d’évolution et de survie sur leur marché ; et de l’autre côté, de la vision risque-rentabilité adoptées par les banques commerciales, traduite par leur degré de réticence envers leurs offres de financement des activités des PME. 

Pour sa part, Cédric Lutandila Luwawa qui gère les affaires familiales dans le Kongo-Central, le crédit est inséparable du risque. « Au sein des banques, la maîtrise du risque, sa gestion, la spécialisation dans les activités et l’anticipation sont des mots clés sur lesquels les responsables doivent agir pour ne pas se heurter à la cessation des activités ». D’où la nécessité de maîtriser de la gestion du risque s’explique selon lui. Et de renchérir : « Les difficultés d’accès au financement que rencontrent les PME contrastent avec les efforts déployés par l’État pour soutenir cette catégorie d’entreprises. » 

Elvis Kaba, analyste économique, pense que le risque de crédit est soumis à la fois aux cycles économiques, à la conjoncture du secteur d’activité, au risque-pays et aux événements propres à la vie de l’entreprise. « En nous intéressant à l’étude de la problématique de financement des PME par la banque, cela nous amène à nous poser la question suivante : qu’est ce qui explique la réticence de la banque à financer les PME ? » Plus précisément : quels sont les conditions d’octroi de crédit accordé aux PME en RDC ? Comment la fonction du risque crédit constitue une étape primordiale pour le refus ou la validation de la demande de crédit ? Comment promouvoir l’accès des PME au financement bancaire ? 

Aujourd’hui, il y a un vrai débat sur ce qu’il faut entendre par PME. Mais tous sont à peu près d’accord sur la définition de la Commission européenne : « La PME est une entité économique dotée d’un capital détenu en totalité ou en majorité par l’entrepreneur. » Cette définition met l’accent sur l’entrepreneur et la place qu’il occupe dans l’entreprise. Il en est le gestionnaire effectif et supporte l’entière responsabilité des résultats. Il s’engage personnellement en investissant et en apportant les garanties demandées ou en les mobilisant dans son entourage ».

Chez nous, la notion même de PME pose encore problème, à en croire la Fédération des entreprises du Congo (FEC), qui a recommandé à l’État d’« établir une définition claire et réaliste de la PME et une nomenclature des taxes fiscales légales », en vue d’éradiquer les taxes redondantes ou illégales et d’assurer la réduction du taux d’imposition actuel pour le ramener à des proportions acceptables. Bref, il faut mettre en place un guichet unique d’informations. 

Selon l’ordonnance-loi n°13/06 du 23 février 2013 portant régime fiscal applicable aux entreprises de petite taille en matière d’impôt sur les bénéfices et les profits, il faut entendre, au plan fiscal, par petite entreprise, toute entreprise, quelle que soit sa forme juridique, qui réalise un chiffre d’affaires annuel supérieur à 10 millions de nos francs et inférieur à 80 millions. Cette ordonnance-loi abroge non seulement la loi n° 06/004 du 27 février 2006 portant régime fiscal applicable aux PME en matière d’impôt sur les revenus professionnels et d’impôt sur le chiffre d’affaires à l’intérieur, mais aussi l’ordonnance-loi n° 003/2012 du 21 septembre 2012 relative au régime fiscal applicable aux entreprises de petite taille en matière d’impôt sur les bénéfices et les profits.

La Charte des PME

Cependant, selon la Charte des PME et de l’artisanat en RDC promulguée le 24 août 2009 et encore en vigueur, il faut entendre par PME, « toute unité économique dont la propriété revient à une ou plusieurs personnes physiques ou morales » et qui présente les caractéristiques suivantes : 1 à 200 employés permanents par an ; un chiffre d’affaires, hors taxes, compris entre 1 et 400 000 dollars ; une valeur des investissements nécessaires mis en place pour les activités de l’entreprise inférieure ou égale à 350 000 dollars ; et un mode de gestion concentrée.

Pour ce qui est de l’artisanat, la Charte de 2009 définit une entreprise artisanale comme « toute unité économique dont la propriété revient à une personne physique exerçant une activité de production, de services ou d’arts à caractère manuel et/ou mécanique ». Par contre, le mono-emploi, pour être éligible à la loi sur les PME, doit se fonder sur  un chiffre d’affaires annuel hors taxes variant de 1 à 10 000 dollars (dix mille dollars) et les valeurs des investissements nécessaires mis en place pour les activités de l’entreprise inférieure ou égale à 5 000 dollars.  Toutefois, concernant l’artisanat minier et forestier, les critères de chiffre d’affaires et d’investissement restent illimités.

La PME est donc une entité de production et de prestations de services, qui respecte un nombre de normes et de mesures dont l’effectif ne dépasse pas un certain niveau et réalise un chiffre d’affaires plafonné. « Au regard de la Charte des PME, il demeure complexe d’avoir une estimation correcte de la proportion d’entreprises qui peuvent être qualifiées de PME en RDC », fait remarquer un expert du ministère des Classes moyennes, des PME et de l’Artisanat. 

Les PME sont présentes dans presque tous les secteurs économiques. Ces mêmes entreprises, qu’elles soient des micros, très petites entreprises ou PME, se caractérisent généralement par une faiblesse des actifs immobilisés, avec une dominance de l’actif circulant, ce qui explique clairement la fragilité de leur structure de l’actif. « Cette nature pourrait être une conséquence des difficultés de financements auxquels font face les PME », poursuit-il. 

L’autre nature des PME en Afrique en général, c’est la faiblesse des actifs incorporels. Alors que dans les pays développés, la source de la compétitivité entre les entreprises réside dans les formes immatérielles de l’investissement, telles que le R&D, les brevets et licences… De plus, les PME africaines ont souvent un niveau excessif de stocks, ce qui immobilise des liquidités, crée des besoins de fonds de roulement ce qui augmente les besoins de financements, ajoute le même expert. 

Les difficultés des PME

Malgré leur dominance en nombre dans le tissu économique, la contribution des 

PME nationales à la croissance réelle du pays demeure en deçà de celle des pays industrialisés. « En effet, beaucoup de contraintes se dressent devant l’évolution des PME congolaises. Ces contraintes pourraient être classées en facteurs intrinsèques à l’entreprise elle-même et en facteurs externes », note Elvis Kaba. 

D’après lui, plusieurs facteurs intrinsèques n’encouragent pas le développent des PME locales : « Il s’agit en premier lieux de la fragilité de leurs structures et d’une sous-capitalisation presque généralisée. De plus, les PME manquent de moyens techniques et financiers et elles ont souvent un capital humain en manque d’encadrement, de formation et de compétences. Ceci se traduit le plus souvent par une sous-performance des PME congolaises, un manque de compétitivité et un taux d’échec élevé. » 

Concernant, les facteurs externes, il souligne que les faiblesses des PME pourraient également être dues aux lourdeurs administratives et à la fiscalité désavantageuse dont elles souffrent. Les problématiques liées aux financements sont aussi très importantes et souvent citées parmi les premiers challenges face aux développements des PME en RDC. « Ces défis rendent le développement des PME et leur évolution très difficiles, et les poussent à se focaliser sur la survie à la place de l’innovation contrairement aux pays développés », explique cet analyste économique. 

D’après lui, le problème de financement constitue « la contrainte la plus visible des PME congolaises », et « un important élément de blocage de leur croissance ». Les difficultés que rencontrent les PME par rapport à l’offre de financement, sont dues à plusieurs facteurs : la prudence des banques à financer les PME dans un contexte de concurrence pour les crédits, surtout s’il s’agit de financer les PME lors de la phase de création ou d’expansion ; la méconnaissance des entrepreneurs et des dirigeants de PME de la palette des produits financiers disponible dans notre pays ; et le manque d’adaptation de ces produits financiers aux besoins d’une grande population de PME, d’autant plus que dans leur grande majorité, les PME sont en effet des TPE. 

Un autre facteur qui contribuerait négativement aux financements des PME serait, c’est l’existence d’une forte asymétrie d’information entre l’investisseur et la PME et le manque de transparence souvent lié à la fragilité de la structure de la PME. « Si les PME rencontrent des problèmes de financement c’est parce que leurs besoins ne sont couverts », souligne Elvis Kaba. 

Les besoins de financement 

Les besoins financiers des PME sont divers. Ils varient en fonction de leurs activités, de leurs ambitions et de leur cycle de vie. Mais ils peuvent être regroupés en besoins en capitaux d’investissement et en besoins liés au financement du fonds de roulement. Les besoins en capitaux nécessitent des ressources de moyen ou long termes tandis que les besoins liés au financement du fonds de roulement fait souvent recours à des ressources de court terme. 

Un investissement est souvent « une dépense ayant pour but de modifier durablement le cycle d’exploitation de l’entreprise ». L’investissement est donc un processus fondamental dans la vie de l’entreprise qui engage durablement celle-ci. « Si dans un premier temps, l’investissement grève fréquemment les états financiers de l’entreprise, lui seul lui permet d’assurer la croissance de l’entreprise à long terme. C’est pourquoi, on dit qu’une entreprise ne peut atteindre sa croissance à long et moyen terme que dans la mesure où elle investit en permanence », explique Elvis Kaba. 

On distingue les investissements immatériels qui recouvrent toutes les dépenses à long terme (autres que les achats d’actifs fixes) des investissements matériels qui augmentent le stock de capital technique (l’ensemble des actifs physiques tels que les machines, le matériel du bureau, l’outillage, et les investissements financiers ou épargne sous forme de prêt et de dépôt à long terme, achat de titres de participation…)