Gaylord et Premier arrachent un alléchant marché des fournitures à la REGIDESO

La régie des eaux va décaisser près de 1.5 million de dollars pour s’approvisionner en tuyaux, robinets, vannes ou encore en compteurs d’eau froide.

L’ENTREPRISE publique veut non seulement améliorer la qualité de la desserte mais surtout en finir avec le phénomène des raccordements frauduleux qui la privent de la moitié  de ses recettes. C’est ce que fait savoir Clément Mubiayi Nkashama, le directeur général de la REGIDESO. Une brigade spéciale a été même créée au sein de la société pour dénicher tous les raccordements illicites à son réseau ainsi que les abonnés. À en croire le directeur général de cette entreprise publique, les raccordements frauduleux privent la REGIDESO de la moitié des recettes de sa production et le non-paiement des factures par les abonnés ne permet pas à la société de gérer l’autre moitié de la production.

Dans un premier temps, la fameuse brigade anti-fraude sera épaulée par la police nationale congolaise ainsi que des officiers de police judicaire. La Régie de distribution d’eau a accusé un déficit d’environ 8,5 millions de dollars, selon Jean-Bosco Mwaka, le président de l’intersyndical de cette entreprise. D’après le bureau syndical de la REGIDESO SA, le déficit chronique que connaît l’entreprise est notamment occasionné par l’insolvabilité de l’État congolais. 

Créances de 100 millions

Au 31 décembre 2017, l’État devait à la REGIDESO SA quelque 103 milliards de nos francs, soit près de 100 millions de dollars cumulés depuis plusieurs années. Il s’agit ici des factures certifiées, approuvées et validées, précise-t-on à la REGIDESO SA. Il va sans dire que l’État et ses institutions publiques seraient aux premières loges des insolvables que la REGIDESO SA pourrait traduire en justice. Il sied de rappeler qu’à une certaine période les factures de consommation d’eau des institutions publiques étaient prises en charge par la BAD, Banque africaine de développement, dans l’espoir que l’État en profiterait pour redresser ses finances et honorer par la suite ses factures. Il y a près de 3 ans, Almadou Moustapha Ndiaye, le représentant de la Banque mondiale en République démocratique du Congo, a déploré le manque de volonté politique pour redresser la REGIDESO SA. Pourtant, sur financement de la Banque mondiale, la REGIDESO  SA a entrepris non seulement de renforcer sa capacité de desserte en eau, dans un premier temps, dans 4 villes de la RDC (Kinshasa, Matadi, Lubumbashi et Kindu) à travers le Projet eau en milieu urbain (PEMU). 

Grâce à d’autres partenaires dont la Belgique et le PNUD, la Régie de distribution d’eau devrait acquérir, à court terme, pour plus de 7 millions de dollars (7 335 871,16 dollars) près de 6 000 tonnes de sulfate d’alumine, 2 000  tonnes de chaux hydratée, de plus de 200 tonnes d’hypochlorite de calcium. Mais de l’avis du bureau syndical, cette assistance extérieure n’est que cautère sur jambe de bois. La REGIDESO SA ne survit que des prêts qu’elle obtient auprès des banques commerciales. L’entreprise a en vain sollicité une avance sur les créances qu’elle détient sur l’État. 

Nouvelle tarification

« Nous avons besoin aujourd’hui d’au moins 20 millions de dollars. Même si l’État accepte de nous payer les 20 millions de dollars en quatre tranches, ça permet à l’entreprise d’abord d’honorer ses engagements vis-à-vis des banques, de penser à commander les produits chimiques pour la couverture de juillet 2017 à juin 2019 », confie le syndicaliste Jean-Bosco Mwaka. La situation financière de l’entreprise a atteint un seuil critique à tel point que le conseil d’administration présidé par le MSR/MP Yoko Yakembe a sollicité et obtenu du gouvernement, courant janvier 2018, revoir à la hausse son tarif moyen de 0.75 dollars à 0.89 dollars le m3, dans l’espoir de ramener la REGIDESO SA à un certain équilibre financier. 

En pratique, le m3 d’eau en RDC coûte désormais autant qu’au Sénégal ou au Burkina-Faso, des États aux ressources en eau plutôt limitées du fait de l’influence du climat sahélien. Selon des sources, le taux d’accès à l’eau dans la capitale est d’environ 35 %, 18% à Matadi et 22 % à Lubumbashi. La capacité nominale de production d’eau sur toute l’étendue de la RDC est de 36,6 millions de m3/mois, selon les statistiques fournies par la REDIDESO, début août 2015. 

Mais cette production ne cesse de décroître à  tel point, lors de la saison sèche, la production globale se situe à 25,1 million de m3/mois alors que la capacité fonctionnelle requise est de 30,6 millions de m3. Ce qui représente un taux de desserte de 46 % en milieu urbain et 23 % en milieu rural, soit un taux de desserte global de 29 %. Côté distribution, la REGIDESO SA a un réseau primaire, secondaire et tertiaire  confondus de 9 998 km, pour quelque 3 567 km de branchements.

Créée en 1939, la REGIDESO est implantée dans toutes les 26 provinces du pays. Transformée en société anonyme, bien que l’État soit l’actionnaire unique, elle compte 97 centres d’exploitation, dont 77 sont encore en service. De ses 37 unités de production qui exploitent l’eau de surface, 9 usines captent directement l’eau du fleuve Congo. Ce sont elles qui subissent sèchement les effets de l’étiage au niveau des captages de l’eau brute suite au retrait des eaux ou à la  forte baisse du débit d’étiage du cours d’eau capté, nécessitant parfois le transfert d’eau provenant d’un bassin voisin, explique le directeur général de la REGIDESO SA. Quelque 103 unités de production exploitent l’eau souterraine,  dont 43 forages et 30 sources. Vingt-huit centres utilisent l’énergie hydraulique produite par la SNEL, 61 autres utilisent l’énergie thermique produite par les groupes électrogènes de la REGIDESO et 8 centres ont été dotés d’un système gravitaire.

La REGIDESO SA cherche une firme capable de lui doter d’un Plan directeur d’alimentation en eau potable des villes de Boma et Kinshasa à l’horizon 2035. L’élaboration du Plan directeur fait, en effet, partie intégrante du projet PEMU, Projet d’alimentation en eau potable en milieu urbain (PEMU), qui a bénéficié d’un financement additionnel de la Banque mondiale sous forme de don, il y a pratiquement deux ans. 

Libéralisation

L’an dernier, au terme de la  29è session de l’assemblée générale qui a notamment regroupé les mandataires de l’État, les délégués des syndicats, les directeurs provinciaux à Kinshasa, la REGIDESO SA s’est doté d’un business plan pour l’horizon 2020. Ce business plan consiste à faire de la REGIDESO SA,  une société à gestion davantage tournée vers l’atteinte des objectifs de son redressement. Il s’agit en pratique d’améliorer le taux d’accès à l’eau potable, les services de qualité à rendre à la clientèle et d’accroître les performances en vue de rétablir l’équilibre financier de la société, lit-on dans un document sur la gestion de l’entreprise en 2017. La REGIDESO SA aurait dû atteindre un certain équilibre financier, début second semestre 2016, selon un vade-mecum du Comité de pilotage de la réforme des entreprises publiques (COPIREP) mis en marche en juillet 2011. L’on se souviendra que l’option levée par le gouvernement, à l‘époque était de faire de la REGIDESO, une simple entreprise des placements. Mais avec le nouveau code de l’eau – qui peine à entrer en application faute de mesure d’encadrement -, qui libéralise la production et la distribution de l’eau, la REGIDESO SA ne saurait plus se prévaloir d’un quelconque monopole dans le secteur. 

L’État qui est toujours actionnaire unique de l’entreprise commerciale avait conclu avec la REGIDESO deux contrats de performance à cause desquels, de nouveaux gestionnaires, des expatriés ont été placés aux postes-clés de la société. Mais de l’avis de la mouvance syndicale, les experts ouest-africains d’ERANOVE/SDE n’ont guère apporté les recettes escomptées. Bien au contraire, un rapport interne souligne que la société a brillé par l’amenuisement des ressources financières, le faible taux de rendement réseau et la précarité de la couverture en produits chimiques. Cependant, la nouvelle vision de la REGIDESO SA consiste également à accompagner le processus de décentralisation, à renforcer l’implication des provinces dans le développement des infrastructures d’addiction d’eau potable, le partenariat et la confiance des bailleurs de fonds pour augmenter la mobilisation des ressources nécessaires aux investissements.