Goma : que va devenir la collaboration entre Mercy Corps et Congo Maji après le 31 décembre 2020 ?

Le programme Imagine, financé pour 7 ans par DFID (UKaid), arrive à son terme à la fin de cette année. Bâti sur le projet d’Extension Goma Nord, ce projet intégré vise à améliorer la disponibilité, l’accès, la gestion et l’utilisation rationnelle des ressources en eau, l’hygiène et l’assainissement dans les centres urbains de Goma et Bukavu.

LE protocole d’accord de transfert de droits et obligations de Mercy Corps vers Congo Maji se réfère exclusivement à la déclaration de Goma du 7 avril 2018, aux lettres d’intention du 14 mai 2018 et à la déclaration de Bangkok du 11 juin 2018, signées entre Mercy Corps et la REGIDESO. Les droits et les obligations de Mercy Corps sont ceux qui sont repris dans les deux lettres d’intention et leurs annexes, signées entre Mercy Corps et la REGIDESO et approuvées par les gouverneurs du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, le 14 mai 2018.

Que dit le protocole d’accord ? Mercy Corps transfère toutes ses responsabilités à Congo Maji, à l’exception de celle « d’introduire le dossier de substitution de ses droits et devoirs pour approbation de la REGIDESO ». De l’accompagnement de la composante fourniture de service, il est dit que « le projet Imagine, financé par DFID-UKaid, et sa composante ‘fourniture de service’ constituent un budget pour établir des bornes fontaines et d’autres matériaux et infrastructures nécessaires pour connecter les clients au service d’eau dans les villes de Goma et Bukavu. D’autres fonds, tels que les mesures d’accompagnement pour l’amélioration du service, font également partie de ce budget ».

Congo Maji et E4i

Afin de garantir que Congo Maji atteindra les performances envisagées par Mercy Corps dans l’exécution du contrat de collaboration en négociation avec la REGIDESO, il est dit que Mercy Corps s’engage à « financer » les investissements nécessaires et les autres activités de Congo Maji, « transférer » son personnel national de la composante fourniture de service, et « donner accès » à Congo Maji à toutes les informations relatives au projet qui lui sont nécessaires pour l’exécution de ses contrats avec la REGIDESO.De l’engagement de Congo Maji, il est dit que cette société « accepte » les droits et obligations qui lui sont dévolus par Mercy Corps, « s’engage » à poursuivre le processus de contractualisation puis de gestion avec la REGIDESO, « s’engage » aussi à gérer et affecter le financement reçu de Mercy Corps dans le strict respect des termes et conditions, et règlement de Mercy Corps et son bailleur, et « s’engage » enfin à communiquer à la REGIDESO tout changement dans ses statuts, notamment l’augmentation de son capital social conformément à la déclaration de Bangkok, le transfert de ses actions à E4i, société sans but lucratif, de droit britannique à l’initiative de Mercy Corps.

Par ailleurs, Mercy Corps/Europe et Congo Maji ont convenu de « se conformer » à toutes les lois anticorruption applicables, notamment à la législation de la RDC sur la lutte contre la corruption, à la loi britannique de 2010 (UK Bribery Act), à la loi fédérale des États-Unis sur les pratiques de corruption à l’étranger (Foreign Corrupt Practices Act ou FCPA), et à toutes les mesures multilatérales applicables, par exemple, la convention de l’OCDE sur la lutte contre corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, la convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC) ainsi que les principes contenus dans la politique anticorruption de Mercy Corps/Europe ou équivalent (notamment ne pas accepter ou offrir de pot-de-vin ou de paiement de facilitation et signaler à Mercy Corps).

Ce qui est intéressant dans ce protocole d’accord, c’est l’engagement de Congo Maji à « communiquer à la REGIDESO tout changement dans ses statuts, notamment l’augmentation de son capital social, conformément à la déclaration de Bangkok, le transfert de ses actions à E4i, société sans but lucratif, de droit britannique à l’initiative de Mercy Corps ». 

Nous n’avons pas pu, malheureusement, mettre la main sur cette déclaration de Bangkok. Par contre, nos sources ont révélé que la société Enterprise for impact ou E4i a été régulièrement constituée, comme en témoigne son Certificate of Incorporation of a Private Company Limited bay Guarantee exempt under section 60 (Company Number 11536010), délivré à Cardiff le 24 août 2018.

C’est une société de droit britannique ayant son siège social à 2nd Floor West Wing, The HOP Exchange, 24 Saouthwaerk Street, London SE1 ITY, United Kingdom. Les associés sont Michael John McKean (de nationalité britannique et résident au Royaume-Uni), Abdul-Jalil Ali (de nationalité britannique et résident au Royaune-Uni), Adrienne Elizabeth Karecki (de nationalité américaine et résidente aux États-Unis), Jean-Philippe Marcoux (de nationalité canadienne et résident au Canada) et Stephen Tomas Mosquera (de nationalité britannique et résident en Australie). Tous les cinq associés ont apporté des parts égales au capital de la société E4i, soit £ 1.00, chacun. Et les statuts de cette société ont été approuvés et adoptés, conformément à The Companies Act 2006, comme une Charity… 

Ce n’est que le 31 août 2018, que la REGIDESO (représentée par le DG Mubiayi), Congo Maji (représentée par le directeur exécutif Byamungu) et la province du Nord-Kivu (représentée par le gouverneur Paluku, comme témoin) vont signer le contrat de collaboration à Kinshasa. Ce contrat souligne que la REGIDESO et Congo Maji s’engagent pour « l’exécution d’activités commerciales, et éventuellement la gestion technique d’une partie du réseau de distribution de la ville de Goma dans la province du Nord-Kivu ». Bref, le contrat définit l’objet de la collaboration, les matières et les dispositions générales…

Agissant, en vertu des dispositions de l’acte constitutif de la société et du protocole d’accord entre Mercy Corps/Europe et Congo Maji, les cinq associés (administrateurs fiduciaires) d’E4i vont donner, le 27 novembre 2018, « pouvoirs, avec possibilités de subdélégation, à Mark James Dwyer de négocier, transiger, acheter toutes les parts sociales offertes par la société Congo Maji Sarl au profit de la société Enterprise for Impact qui devra en devenir associé unique ; obtenir tout appui légal en vue de modifier les statuts de cette dernière en conformité avec les lois du pays, et procéder à toutes les formalités notariales et administratives requises ». 

Délégation des pouvoirs

L’acte de délégation des pouvoirs est établi à Edinburgh et signé par les cinq associés. Il a été certifié (APO-1215529) à Londres (par J. Payne, Her Majesty’s Principal Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs), le 11 décembre 2018, et légalisé à l’ambassade de la RDC près le Royaume-Uni (section consulaire), le 22 février 2019. Après le rachat des 100 % des parts (59 % pour Mark James Dwyer, « initiateur et concepteur d’E4i » et 49 % pour Byamungu Saïdi) dans Congo Maji, E4i (représentée par le même Mark James Dwyer, porteur d’une procuration lui délivrée par les fiduciaires de la société) décide de modifier les statuts de Congo Maji. 

Les nouveaux statuts sont signés le 20 décembre à Goma. Entreprise à but social et non lucratif (Charity), E4i crée ainsi unilatéralement une société unipersonnelle (Congo Maji Sarl) régie par les lois en vigueur en RDC, notamment par l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales, tel qu’issu du traité du 17 octobre 1993 relatif à l’OHADA ainsi qu’aux textes ultérieurs modificatifs… La société ayant son siège à Goma a pour objet principal, la production, la distribution et la commercialisation de l’eau potable. Elle pourra aussi s’intéresser par voie d’apports, souscription, fusion, participation financière, ou sous toute autre forme, dans des sociétés ou entreprises ayant un objet similaire ou connexe au sien, ou de nature à faciliter, développer directement ou indirectement son activité. Et son objet social peut être étendu ou restreint en tout temps par voie de modification aux statuts. E4i va alors injecter 325 000 dollars comme apport dans la nouvelle société, représentant les 100 % des parts. Selon des indiscrétions, ce sont quelque 3 millions de dollars qui étaient promis à Congo Maji pour son capital.