GRANDES INTERVIEWS: Didier Mukoma Mwenze parle des taxes illégales

Le président des Armateurs à la Fédération des entreprises du Congo (FEC)
Le président des Armateurs à la Fédération des entreprises du Congo (FEC)

« Dans le transport fluvial, il se crée des nouvelles taxes chaque année. Et même les taxes dénoncées comme étant illégales parviennent à se faire légaliser »

Business et Finances: C’est de la fiscalité qu’il sera question dans nos échanges. Qu’en est-il dans votre secteur d’activités?

Didier Mukoma: La fiscalité est, en effet, un grand problème dans le transport fluvial. Commençons par la TVA, qui est une taxe qui remplace l’ICA. Dans le transport fluvial, la marchandise en était exemptée. Alors qu’aujourd’hui que nous sommes assujettis à la TVA, il nous est exigé d’inclure dans nos factures les 16% de la TVA. Mais vous remarquerez aujourd’hui qu’en les prenant en compte, nous n’arrivons pas à convaincre nos clients. Et donc, nous sommes obligés de garder les prix tels que nous les facturions à l’époque de l’ICA; c’est-à-dire avec ICA égale 0. Et en gardant les mêmes prix, les 16% de la TVA rentrent dans nos bénéfices. Ce qui nous inflige des pertes dans nos bénéfices. A cet égard, je pense qu’il est du devoir du gouvernement de voir dans quelle mesure la TVA peut être exemptée pour le transport de marchandises.
BEF – Le carburant est cette autre question qui a toujours été un sérieux casse-tête pour le transporteur fluvial. Aujourd’hui vous payez une taxe FONER (Fond national pour l’entretien routier) du fait du carburant dont le transporteur fluvial est l’un des plus gros consommateurs. Et pourtant votre secteur n’en est pas bénéficiaire.

D.M: La TVA nous pose un autre problème au niveau du carburant. Vous savez que la TVA sur le carburant n’est pas récupérable. Et bien que nos prix de vente restent toujours les mêmes, nous sommes cependant obligés d’acheter notre carburant au prix de la pompe avec TVA comprise. Donc il y a encore quelque part 16%, non récupérables, dans notre chiffre d’affaires qui partent tout simplement. C’est un manque à gagner car ces 16% là font partie du bénéfice. De la taxe FONER, parlons-en. C’est une taxe du fonds routier que nous payons à travers l’achat du carburant. Et pourtant, la Régie des voies fluviales (RVF) qui s’occupe des travaux de balisage et d’entretiens des voies navigables n’en est pas bénéficiaire. Ainsi nous nous retrouvons alors en train de payer cette taxe sans aucun service en contrepartie. Il en est de même de la taxe de navigabilité que nous sommes contraints à payer trimestriellement à la RVF quand bien même elle ne fait toujours pas correctement la tâche que l’armateur attend d’elle.

BEF – Il y a évidemment ces inévitables tracasseries que subi l’armateur du fait de la présence de la multitude des services « percepteurs » des taxes de tout acabit dans la filière fluviale.

D.M : Mais c’est la conséquence logique du non-respect du décret-loi qui limite à quatre le nombre des services œuvrant dans les ports et aéroports. C’est ainsi que nous nous retrouvons avec plus 90 services dans chaque port en RDC. Et auprès de chacun de ces services nous payons toujours quelque chose. En termes de dépenses, il arrive qu’un armateur débourse pour un voyage 2.000 ou 3.000 Usd à distribuer entre tous ces services dont, par ailleurs, la présence est illégale dans les ports. Voilà, ça aussi c’est un problème.

BEF : Dans d’autres circonstances, c’est parfois l’armateur qui prête le flanc aux désagréments qui lui arrivent en ne respectant pas certaines directives.

D.M: – Mais qu’est-ce qui fait qu’il y ait beaucoup d’armateurs qui ne soient pas apparemment en règle? Je vais vous donner un exemple pour ce qui est de la réparation ou bien du carrelage des bateaux. Vous devez savoir que beaucoup de gens font le carrelage et l’entretien de leurs bateaux. Mais savez-vous pourquoi ils n’en informent pas la Direction de la marine? C’est simple: une note circulaire, sortie en 2002, donne pouvoir aux agents de la Direction de la marine de percevoir 1 Usd la tonne sur la barge et 1,8 Usd sur cheval vapeur pour le pousseur. C’est-à-dire que si vous avez votre bateau qui est en panne et que vous voulez peut-être souder quelque chose, vous devez d’abord payer les frais de visite de ses « agents-experts » avant que vous puissiez commencer à faire vos travaux. Vous vous rendez compte. A titre d’exemple, j’ai une barge de 500 tonnes, ça fait 800$ Usd que je dois payer à la Direction de la marine pour que j’effectue un petit travail qui ne demande pas même 500$ Usd. Cela n’a pas de sens. C’est pourquoi beaucoup d’armateurs font des travaux sans signaler à la Direction de la marine. Ils évitent de payer tous ces frais qui sont illégaux. Nous avons un arrêté qui détermine tous les frais que nous devons payer auprès du Ministère des Transports à travers la Direction de la marine. Mais nulle part dans cet arrêté, on ne parle des émoluments à payer à ses agents-experts. Ils sont payés pour ce travail-là par l’Etat qui est leur employeur. Ce n’est pas aux armateurs de les payer quand ils viennent sur terrain pour faire les visites des bateaux. Nous payons déjà des taxes et autres impôts. C’est, ni plus ni moins, illégal ce qui nous est exigé par la Direction de la marine. A cet égard, il y a la loi 015 dans son p

lan B qui stipule que le service de l’Etat est gratuit. On ne va tout de même pas commencer à payer tout le monde comme ça. Non !

BEF – Didier Mukoma, nous touchons à la fin de nos échanges.

D.M: Je ne souhaiterais pas que nous nous en arrêtions-là sans que nous ne touchions un mot sur certaines autres taxes toutes aussi irrégulières ou illégales telles que la Taxe de la manutention; la Taxe agriculture; la Taxe Salongo; la Taxe d’accostage et la Taxe d’embarquement et de débarquement des marchandises qui sont exigées par l’Hôtel de Ville de Kinshasa; la Taxe sécurité; les Taxes Dgm, Occ, Ofida et Recouvrement, sans compter les multiples autres frais illégaux.