Indésirable aux États-Unis, le chinois Huawei contre-attaque en justice

Soupçonné d’espionnage potentiel par les Américains, le groupe chinois a décidé de réagir en annonçant une plainte contre Washington pour avoir interdit l’achat de ses équipements télécoms par l’administration américaine.

LE GÉANT mondial des smartphones porte ainsi la bataille dans les prétoires. Il avait déjà lancé une campagne médiatique pour contrer les accusations de Washington, selon qui les équipements de l’entreprise pour les futurs réseaux 5G pourraient être infiltrés par Pékin. Selon l’AFP, Huawei a indiqué que la plainte avait été déposée à Plano, au Texas. Elle vise l’interdiction faite aux administrations américaines d’acheter les équipements et services du groupe chinois, ou de travailler avec des entreprises tierces qui sont ses clientes.

« Le Congrès américain n’a jamais pu fournir la moindre preuve pour justifier ses restrictions visant les produits Huawei. Nous sommes contraints de prendre cette action en justice en dernier recours », a indiqué à l’AFP Guo Ping, l’un des présidents tournants de l’entreprise. Il a précisé que le groupe privé chinois allait demander des dommages et intérêts en raison des restrictions « inconstitutionnelles » le visant. « Le gouvernement américain ne ménage aucun effort pour salir l’entreprise », a-t-il dénoncé lors d’une conférence de presse organisée au siège de Huawei à Shenzhen. Guo Ping a accusé les États-Unis d’avoir piraté des serveurs de l’entreprise et d’avoir volé courriels et codes sources. Washington considère depuis longtemps Huawei comme une menace en raison du passé de son fondateur Ren Zhengfei, 74 ans, ingénieur de l’armée chinoise à ses débuts. Les inquiétudes américaines se sont renforcées avec l’essor du groupe, devenu leader mondial des équipements télécoms, et l’un des trois plus grands fabricants de smartphones avec Samsung et Apple. Une récente loi chinoise oblige les groupes dont le siège social est en Chine à apporter une aide technique aux services de renseignement, avivant encore les peurs des États-Unis, selon qui Pékin pourrait utiliser les équipements Huawei afin d’espionner d’autres pays.

Les pressions us

Washington a interdit à l’entreprise de participer au déploiement de la 5G sur son sol. Et pousse ses alliés à prendre des mesures similaires. « Nous pensons qu’il est parfaitement justifié et compréhensible pour des entreprises de protéger leurs droits et intérêts légitimes par des moyens légaux », a déclaré Lu Kang, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, en réaction à la plainte de Huawei.  Dans son offensive contre Huawei, Washington entend également juger sa directrice financière, Meng Wanzhou, pour violation des sanctions contre l’Iran. Arrêtée début décembre au Canada et actuellement en liberté surveillée, c’est aussi la fille du fondateur du groupe. La prochaine comparution de Meng aura lieu le 8 mai à Vancouver, où elle avait été arrêtée début décembre 2018 lors d’une escale entre deux vols.

Dans la foulée, deux Canadiens avaient été interpellés en Chine, dans ce qui est largement perçu en Occident comme une mesure de représailles. Ils sont soupçonnés d’avoir mis en danger la sécurité nationale. Les dirigeants de Huawei ont déclaré que l’entreprise, active dans 170 pays, n’avait jamais reçu de demande de Pékin pour installer de « backdoors » – ces portes d’entrée dans les équipements permettant d’espionner les communications. Song Liuping, le responsable juridique de l’entreprise, a toutefois reconnu que la loi chinoise pourrait obliger le groupe à aider le gouvernement, mais seulement pour les affaires de terrorisme ou les activités criminelles. « Si cela allait au-delà des stipulations expresses mentionnées par la loi, nous rejetterions une telle demande », a-t-il affirmé. Quel effet aura la plainte de Huawei? Difficile à dire pour l’instant, le président américain Donald Trump ayant de toute façon la possibilité d’émettre un décret pour bloquer l’entreprise aux États-Unis. 

Guo Ping a laissé entendre que l’offensive de Washington était davantage motivée par la peur de voir le groupe surpasser les technologies américaines que par des questions sécuritaires.  Les équipements de Huawei sont réputés plus avancés que ceux de ses rivaux suédois Ericsson ou finlandais Nokia et aucune entreprise américaine n’oppose une concurrence sérieuse au géant chinois. « Les États-Unis craigneraient-ils que d’autres pays ne les rattrapent et ne les dépassent en matière d’utilisation des technologies 5G? », s’est faussement interrogé Guo Ping.

Plainte contre le Canada

La directrice financière du géant chinois des télécoms a entamé une procédure judiciaire contre les autorités canadiennes qu’elle accuse d’avoir violé ses droits constitutionnels lors de son arrestation à Vancouver début décembre. Elle sonne la risposte. La directrice financière du géant chinois des télécoms Huawei, Meng Wanzhou, a entamé une procédure judiciaire contre les autorités canadiennes qu’elle accuse d’avoir violé ses droits constitutionnels lors de son arrestation à Vancouver début décembre, a-t-on appris auprès de ses avocats. Ses avocats ont déposé, vendredi, une procédure au civil devant la cour suprême de Colombie-Britannique à Vancouver visant des membres du gouvernement canadien, des services des Douanes et de la police fédérale, afin d’obtenir des dommages et intérêts, selon la plainte obtenue par l’AFP.

Meng dénonce des « violations graves de ses droits constitutionnels » lors de son arrestation et de son interrogatoire à l’occasion d’une escale à l’aéroport de Vancouver le 1er décembre dernier. Cette arrestation, à la demande des États-Unis qui réclament son extradition, a déclenché une crise diplomatique sans précédent entre Ottawa et Pékin. Ses avocats contestent notamment les conditions dans lesquelles Meng aurait été interrogée pendant trois heures par les douaniers, officiellement dans le cadre d’une inspection de routine, avant de se voir signifier son arrestation officielle.