Kinshasa : une gestion encombrante de l’urbanisme et de la démographie (suite)

Il est des questions qui touchent à la gestion des déchets urbains et, par extension, la planification et la gestion de l’environnement urbain comptent parmi les plus complexes auxquelles doivent répondre les gestionnaires urbains en raison de leurs effets sur la santé humaine, le développement durable et la situation financière des villes.

SI LA GESTION des déchets à Kinshasa apparaissait autrefois comme une activité de nature purement technique, organisationnelle et financière, on se rend compte aujourd’hui qu’elle comporte une dimension culturelle marquée et qu’elle constitue un très important levier du pouvoir.

Cette ville connaît une croissance rapide de la population dû à la fois à la natalité élevée : l’enfant considéré comme une richesse, considérant les us et coutumes de certaines personnes et à l’exode rural, conséquence de la détérioration des conditions d’existence dans les campagnes, de l’absence des routes des dessertes agricoles et de l’attrait de la ville. L’augmentation de la population a comme conséquence la multiplicité des déchets.

À Kinshasa, les déchets sont des sous-produits de l’activité urbaine. Les activités industrielles, commerciales, culturelles, politique et sociales engendrent des déchets importants. Leur résorption nécessite des dépenses qui relèvent en quelque sorte de la consommation, comme l’alimentation ou le logement.

Il va de même avec certaines constructions anarchiques qu’on y trouve dans la capitale congolaise qui ne suivent aucunes normes de lotissement ou de construction.

La faiblesse des pouvoirs publiques et la pauvreté

L’état du sous-développement est en grande partie responsable de la carence du pouvoir publique, incapable de gérer les déchets, de maîtriser la croissance urbaine, de l’organiser, d’assurer les emplois, les infrastructures et les équipements nécessaires à la vie de la population. Les réseaux d’assainissement, à la charge de la collectivité publique, laissent aussi grandement à désirer, tant pour l’évacuation des eaux pluviales et usées que pour le ramassage des ordures.

La pauvreté financière des citadins a des grandes conséquences sur la gestion des déchets. D’une part, le salaire est bas où irrégulier. Le manque d’emplois et la maladie chronique de cette ville. La majorité des citadins ne vivent que des revenus aléatoires. La pratique d’une agriculture intra-urbaine et péri-urbaine, le recours aux « petits métiers » permet tant bien que mal d’assurer la subsistance. Absence d’équipements

La population a une seule préoccupation : la recherche du pain quotidien.

Pour l’Agence Environews, le surpeuplement est à la base des déchets en grand nombre sur les avenues, aux coins des parcelles, dans les caniveaux, les lieux non habités et les marchés. 

Ces endroits constituent les lieux de prédilection des tous les déchets ménagers, industriels, manufacturiers, agricoles, et de boues d’égouts. La ville parallèle, extension des pauvres ou bidonvilles, est constituée des quartiers dont l’absence des infrastructures ou/et des équipements font que les déchets soient en grand nombre dans cette partie de la capitale.

Selon cette Agence de presse spécialisée en environnement, les Kinois vivent avec un indéfectible sens de l’humour, mais même l’ironie bravache finit par céder devant le caractère sinistre du terrain social : le revenu moyen est tombé à moins de 100 dollars par an ; les deux tiers de la population souffrent de malnutrition ; la classe moyenne a disparu ; et un adulte sur cinq est séropositif. Les trois quarts des habitants sont trop pauvres pour avoir accès aux soins et doivent s’en remettre à des guérisseurs spirituels ou à des tradipraticiens. 

À la place des usines désaffectées et des magasins pillés, apparaissent de minuscules églises et groupes de prière, sous des enseignes frustes mais hautes en couleur. Dans les immenses bidonvilles comme Masina (appelé localement la « République de Chine » à cause de sa densité), les églises de réveil ont connu une croissance vertigineuse sans précédent.

Les érosions et les constructions anarchiques

Les érosions sont un risque majeur à Kinshasa, surtout le long des quartiers périphériques de la commune de Lemba, Matete, Kinseso, Il s’agit ici de glissements de terrain qui se produisent de façon régulière dans les zones argileuses, dans lesquelles beaucoup de villes ont été bâties. Elles grandissent lorsque, en l’absence de drainage, elles sont minées par les eaux pluviales.

« Ces glissements entraînent couramment des pertes de vies humaines, ainsi que la destruction d’infrastructures urbaines : routes, ponts, voire bâtiments publics, décharges pour déchets et autres », précise Thierry Kodi, expert en environnement. Souvent ces glissements de terrains font le transport des déchets, c’est-à-dire le transfert des déchets d’un coin à un autre.

Pire, les constructions anarchiques dans la ville de Kinshasa ne permettent pas de choisir un emplacement judicieux pour construire des lieux pour l’accueil des déchets, car elles se font de manière semi légale. Certaines de ces constructions se font dans des endroits prévus pour les déchets et le passage des collecteurs pour la canalisation des eaux usées.

Problèmes d’évacuation des déchets

Kinshasa est une ville que ses propres habitants décrivent universellement comme « un cadavre, une épave » ou qu’ils surnomment « Kin-la-poubelle ». 

On estime aujourd’hui, écrit l’anthropologue René Devisch, que moins de 5 % des habitants de Kinshasa ont un salaire régulier. Les résidents survivent « grâce à leurs potagers omniprésents et grâce à leur débrouillardise ils achètent, revendent, trafiquent et marchandent ». L’article 15 qui punit le vol dans le code pénal, est devenu la charte de la ville, et « se débrouiller » en est le slogan officieux.

L’organisation de la gestion des déchets urbains à Kinshasa a connu de nombreux changements au cours des dernières décennies, notamment en raison de l’instabilité du gouvernement et de la volatilité des organismes d’exécution. 

En effet, chaque réduction ou élargissement de l’équipe gouvernementale a entraîné une redéfinition des compétences et des organigrammes ministériels, et très souvent la nomination de nouveaux responsables. 

La gestion des déchets liquides a contribué à l’instauration de changements semblables à ceux qu’ont causés les projets de la Banque mondiale dans les années 70 et 80. A la fin des années 80, au moment où la gestion des déchets liquides était en voie de surmonter ses difficultés grâce à des structures de gestion efficaces, la gestion des déchets solides connaissait, à son tour, une crise qui persiste aujourd’hui.

Selon une enquête réalisée en RDC sur la situation des femmes et des enfants en 2001, il était démontré que généralement les kinois en particulier utilisent deux types d’évacuation des déchets, à savoir : les évacuations hygiéniques et non hygiéniques.

L’Office des Voiries et Drainages (OVD), est l’entreprise publique, chargée de préparer et de conduire ou superviser les travaux de voiries et de drainage. Cette institution, qui avait de bons cadres techniques avant-guerre, est aujourd’hui très affaiblie, en termes à la fois d’équipement, y compris engins de chantier et de personnel. Les salaires sont trop faibles pour être attractifs, et les arriérés importants. La structure-même de l’entreprise est peu claire, dans la mesure où, après les années de division durant le conflit, la réunification est difficile, certaines autorités provinciales souhaitant garder leur contrôle sur les capacités techniques. Les difficultés de fonctionnement de l’OVD, si elles ne sont pas résolues, pourraient devenir une contrainte majeure à la réalisation de programme conséquent de travaux de voiries.