La Banque centrale se préoccupe de l’éducation financière

Le secteur de la microfinance est à la croisée des chemins. L’avenir des institutions qui y opèrent dépend de ce qu’on aura fait de la sensibilisation de la population à garder son argent dans des comptes bancaires.  

 

En célébrant, le 31 octobre de chaque année, la journée internationale de l’épargne, le gouverne-autorités veut marquer les esprits. Depuis 2011, autour d’un thème annuel, des manifestations de sensibilisation des populations aux vertus de l’épargne, sont organisées. Cette année, un thème était à l’honneur : « Épargner en RDC pour mon avenir, oui, c’est possible ». Pendant quatre jours (28-31 octobre), les institutions de microfinance ont exposé leurs différents produits au Jardin botanique de Kinshasa à l’intention du grand public. Objectif: inciter les congolais à épargner. Un enseignement a été tiré de tout cela : d’importantes sommes d’argent continuent d’être thésaurisées. D’où pour les organisateurs, le bien-fondé de l’épargne. Public ciblé : les jeunes et les femmes.

Au Congo, le taux de bancarisation est passé de 7 % en 2002 à 22 % en 2014, même s’il reste encore beaucoup à faire. D’après le ministre des Finances,  Henri Yav Mulang, il y a de la place pour tout le monde dans le système financier national. Si les services et les produits que proposent les banques ne correspondent pas toujours et nécessairement aux besoins de toutes les catégories sociales, les institutions de microfinance ont pour mission de développer des produits attractifs, particulièrement en faveur des enfants et des jeunes. La Bank of Africa (BOA), par exemple, a mis en place « Futuris », un compte destiné à apprendre aux enfants mineurs  à épargner. Dans le cadre de l’inclusion financière et de l’élimination des barrières qui les empêchent d’épargner, les femmes sont souvent regroupées par les institutions financières en vue d’être formées.

L’importance de la formation

Constant Ngala, un encadreur, pense que ne pas assurer de formation aux femmes c’est leur rendre un mauvais service. « Le suivi et l’accompagnement leur permettent d’avoir l’épargne pour objectif », souligne-t-il. Des nombreuses femmes qui ne savent pas répartir le bénéfice entre la consommation et l’épargne. C’est pourquoi, les institutions de microfinance encouragent les femmes pauvres et maraichères à mettre toujours quelque chose de côté. La question de la formation sur l’épargne préoccupe au plus haut point la Banque centrale. Jules Bondombe, le vice-gouverneur, affirme que l’Institut d’émission va bientôt élaborer un programme national d’éducation financière, en collaboration avec le gouvernement, les institutions financières, les associations des consommateurs et la coopération allemande. Les institutions financières elles-mêmes mettent déjà un accent particulier sur la formation pour un entrepreunariat responsable.

D’après Patient Kambere, cadre à la Mutuelle d’épargne et de crédit du Congo (MECRECO), dans les milieux ruraux, la formation nécessite parfois de recourir à beaucoup de stratégies à cause du bas niveau d’études des populations. Entre autres, les formateurs doivent utiliser des modules illustrés (photos-langages), s’exprimer dans les langues vernaculaires… Mais cette formation a l’avantage d’effacer, des esprits, les préjugés, et les idées reçues… Dans les milieux féminins, par exemple, on entend souvent : « Épargner c’est pour les riches et les femmes en voitures ». Mamie Kalonda, la directrice générale de FINCA, estime que les femmes qui ne réussissent pas faute de connaissances, n’hésitent pas à qualifier l’argent venant des institutions de microfinance d’« argent magique ».

Ce que font les IMF pour s’attirer la clientèle

En quelques années, les institutions de microfinance sont parvenues à attirer les gagne-petit vers leurs guichets. Les femmes sont leurs privilégiées. Certaines institutions leur sont réservées exclusivement. C’est le cas de la Mutuelle d’épargne et de crédits des femmes sages de Kinshasa (MUFESAKIN). Créée et dirigée par des femmes, cette structure s’est assigné un objectif : lutter contre la pauvreté en améliorant la vie de ses membres. Pour sa part, FINCA a commencé ses activités en 2003 avec zéro client. Aujourd’hui, elle en compte environ 260 000 dont 100 000 femmes. Pour attirer du monde, certaines IMF ne demandent pas des frais d’entretien de compte (retrait et versement). Quant à la sécurité des comptes, elles donnent aux épargnants la possibilité d’utiliser leurs empreintes digitales pour le retrait d’argent, outre le numéro vert mis à leur disposition. Chaque fois qu’une activité financière se fait en faveur du compte d’un client, ce dernier reçoit un SMS. Des services en ligne facilitant la gestion quotidienne des comptes existent aussi. Cela donne la possibilité de consulter le solde via Internet partout où on se trouve.

Les services et les produits offerts

La démocratisation de l’ouverture de comptes aide aussi.  Actuellement, pour ouvrir un compte, la procédure est simple : juste une pièce d’identité suffit pour une personne physique (carte d’électeur, permis de conduire ou passeport). À la FBN Bank, le dépôt minimum est de 20 dollars ou son équivalent en francs pour les personnes physiques et de cent dollars ou son équivalent en francs pour les personnes morales. On laisse au client le choix entre plusieurs sortes de comptes que les institutions financières proposent.

Contrairement aux banques, les institutions de microfinance et les coopératives d’épargne mettent à la disposition des clients divers produits et services qui correspondent à leur situation sociale.

L’épargne commence à partir de 500 francs. La Mutuelle Bomoko organise ce qu’elle appelle « l’épargne quotidienne », c’est-à-dire l’agent se rend sur le lieu d’activité des membres pour récolter les sommes à déposer sur les comptes. Les banques commerciales ont du mal à se prêter à ce jeu car leur charge financière ne leur permet pas de descendre au niveau des petites sommes.

La Rawbank, par exemple, travaille avec la catégorie des femmes entrepreneurs. Selon Patience Barandenge, responsable de Lady’s First, un produit bancaire, sa banque ne peut pas proposer d’épargne de petites sommes comme 500 ou 1 000 francs, sinon elle fermerait. « Nous orientons cette catégorie de personnes vers les institutions de microfinance qui travaillent en collaboration avec nous », indique-t-elle.

Quelques difficultés

À l’instar des banques commerciales qui sont regroupées en une plate-forme, les IMF échangent entre eux à travers l’Association nationale des institutions de micro finance (ANIMF). La coopération entre les institutions de microfinance et les banques n’est pas assez forte. Les crédits octroyés par les IMF ont un plafond, c’est-à-dire qu’à un certain seuil il faut aller frapper à la porte des banques. Par ailleurs, les épargnants n’ont pas la facilité d’obtenir des crédits parce que leurs activités sont considérées par les institutions financières comme à haut risque.