La loi de 2015 et les usages de l’eau en RDC

La RDC regorge d’importantes potentialités en ressources en eau et en écosystèmes aquatiques dont la gestion, la protection et la mise en valeur sont tributaires de nouveaux défis qu’imposent le développement durable, la lutte contre la pauvreté et le changement climatique.

L’EAU donne lieu à plusieurs usages. La loi n°15/026 du 31 décembre 2015 met en exergue un principe : valoriser l’eau, comme ressource économique mais aussi comme bien social, pour la préservation de la vie. L’esprit qui a prévalu à l’élaboration de cette loi est que le secteur de l’eau était régi avant par des textes réglementaires disparates se rapportant la gestion des eaux, des lacs et des cours d’eau, à la protection des sources, des cours d’eau, des lacs et à la délimitation de la mer territoriale. Ces textes étaient difficiles à appliquer en rapport avec la constitution de février 2006. 

En fait, pour le législateur, il a été question entre autres de fixer les règles de gestion durable et équitable des ressources en eau, déterminer les instruments nécessaires de gestion rationnelle et équilibrée du patrimoine hydrique, en fonction des besoins présents et à venir, protéger la ressource en eau et réglementer son utilisation, rendre performant le secteur pour attirer, à travers des mesures de sécurisation, les investisseurs (partenariats public-privé).

Grosso modo, la loi met l’accent sur les usages prioritaires de l’eau, la couverture de tous les besoins de consommation d’eau, les règles tarifaires claires selon les principes de vérité de prix, d’égalité, d’équité et de non-transférabilité des charges, le mécanisme de règlement des différends (infractions pénales spéciales), la protection des consommateurs et de l’environnement pour tous les projets du développement du secteur…

Champ d’application

Selon le premier article, la loi a pour objet la gestion durable et équitable des ressources en eau (eaux souterraines et de source, eaux de surface, eaux continentales, eaux maritimes et eaux transfrontalières). La loi en définit la nature, les régimes de mise en valeur, de protection et de leur utilisation comme ressource économique ainsi que de coopération interétatique pour les lacs et les cours d’eau transfrontaliers.

D’après plusieurs études recoupées, les eaux de surface de la RDC représentent environ 52 % des réserves en eau de l’Afrique, tandis que les réserves du pays représentent 23 % des ressources hydriques renouvelables du continent. Bref, la RDC est de fait le pays ayant le plus de ressources hydriques en Afrique. Malgré l’existence de points de pollution localisés autour des centres urbains et des mines, la qualité de ces eaux de surface est appréciable, grâce à la capacité de dilution élevée des grands volumes d’eau du vaste réseau de rivières et des zones marécageuses…

Malgré l’abondance des eaux de surface, la grande majorité de la population dépend encore des nappes phréatiques et des sources pour l’eau potable. Selon des études, les nappes phréatiques représentent presque 47 % des ressources hydriques renouvelables du pays. L’eau potable provient en majeure partie des sources (90 % de la population rurale). 

La loi s’applique aux ressources en eau situées à l’intérieur des limites territoriales de la République démocratique du Congo ainsi qu’aux aménagements et ouvrages hydrauliques se rapportant à leur gestion (article 2).

Il s’agit des fleuves, rivières, ruisseaux et leurs lits naturels ou modifiés; des sources d’eau à écoulement ou débit permanent ou intermittent ainsi que leurs lits ; des lacs, lagunes, étangs naturels et artificiels. Il s’agit aussi de l’eau fluviale non captée dans un domaine privé, de l’eau souterraine et des nappes aquifères, des rejets d’eaux usées, des terres émergées des cours d’eau et des lacs, des zones humides et des espaces où la présence de l’eau, sans être permanente, est régulière.

Il s’agit également des sources, puits, forages, abreuvoirs et autres points d’eau affectés à l’usage public ou à un service public ainsi que leurs périmètres de protection immédiats, des ouvrages hydrauliques (digues, barrages, écluses et leurs dépendances), des canaux d’irrigation, d’assainissement, de drainage, des aqueducs, des canalisations, des dérivations et des conduites d’eau, des réservoirs, des stations d’épuration des eaux usées et, d’une manière générale, des ouvrages hydrauliques affectés à l’usage public ou à un service public ainsi que les installations et les terrains qui en dépendent, des eaux maritimes.

Il va de soi que l’État doit exercer sa souveraineté permanente sur les ressources en eau. Selon l’article 15, un établissement public devra être créé par décret. On parle de l’Office congolais de l’eau (OCE) dont les missions seront entre autres d’élaborer les schémas d’aménagement et de gestion des eaux, collecter et analyser les informations hydrométriques et hydrologiques ; planifier, mettre en œuvre, gérer et suivre les aménagements et les installations relatifs à la gestion et à la mise en en valeur des ressources en eau.

Il aura aussi pour tâche de valoriser l’eau comme ressource économique, déterminer les standards de qualité des eaux naturelles, produire, gérer et diffuser l’information sur les ressources en eau et les aménagements hydrauliques, préparer les outils de gestion des ressources en eau, appuyer les comités locaux et les organes de gestion en provinces et dans les entités territoriales décentralisées.

Les usages de l’eau

Selon l’article 58, l’utilisation de l’eau obéit à un ordre de priorités, sans préjudice des exigences essentielles de l’environnement : usages domestiques (consommation, hygiène et besoins des ménages) ; usage par les municipalités et les communautés à des fins liées à la santé publique, l’hygiène et l’assainissement ; usage pour la production d’énergie (centrales hydro-électriques) ; usages industriels ; usage à des fins de navigation et de transport ; usage à des fins sportives, récréatives et touristiques.

L’eau produite, transportée et distribuée devra être conforme aux normes de potabilité (article 59). Les titulaires d’un droit d’exploitation des eaux du domaine public sur les terres agricoles, y compris l’élevage, procèdent à une mise en valeur rationnelle et optimale des ressources en eau faisant l’objet de ce droit (article 64). Les normes techniques et les conditions de la réalisation, de l’exploitation et de l’entretien des aménagements, des ouvrages et des installations d’irrigation ainsi que de drainage qui y sont liées, sont fixées par voie réglementaire par l’administration en charge de l’agriculture, après avis de l’administration en charge de la gestion des ressources en eau (article 65).

Sans préjudice des lois et règlements relatifs aux installations hydroélectriques, l’administration en charge de la gestion des ressources en eau donne son avis sur toute autorisation d’implantation ou d’extension des sites hydroélectriques et géothermiques (article 66).

Dans les eaux du domaine public, la pêche et la pisciculture, y compris les concessions de droits exclusifs de pêche et de pisciculture, sont régis par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Les administrations en charge, d’une part, de la pêche et de la pisciculture et, d’autre part, de l’environnement et de la gestion des ressources en eau assurent la tutelle de ces activités (article 67).

Par ailleurs, sans préjudice des lois et règlements de l’environnement et des installations industrielles, toute autorisation d’implantation ou d’extension d’unités industrielles utilisant les eaux du domaine public requiert l’avis préalable de l’administration en charge de la gestion des ressources en eau (article 68). Sans préjudice de la réglementation de la navigation, du tourisme et des loisirs sur les cours d’eau et les lacs, toute utilisation de l’eau du domaine public à ces fins requiert l’avis préalable de l’administration en charge de la gestion des ressources en eau (article 69)…

Les données sur l’utilisation de l’eau dans le pays ne sont pas régulièrement mises à jour. Néanmoins, la consommation domestique prédomine, environ 52 % du prélèvement total, alors que dans la plupart des pays africains, l’eau est destinée prioritairement à l’usage agricole par l’irrigation. En RDC, le secteur agricole consomme pour 32 % du prélèvement en eau, suivi par l’industrie (16 %). La production hydraulique, la pêche et la navigation ne sont généralement pas prises en compte dans l’utilisation de l’eau.