La plainte de Luzolo secoue la République

Depuis le 22 juin, le microcosme politique est secoué par la plainte déposée par le conseiller spécial du président Kabila, chargé de la lutte contre la corruption. Dans cette plainte, on relève 11 cas documentés de faits impliquant plusieurs personnalités, parmi lesquelles des responsables politiques, des chefs d’administration et des dirigeants d’entreprise. 

Les faits qui leur sont reprochés sont gravissimes : importation frauduleuse de devises étrangères, transferts frauduleux de capitaux, fraudes douanières et fiscales, détournements de deniers publics et corruption dans la passation des marchés publics… Une note technique explique que de 2010 à ce jour, il a été constaté la pratique d’un mouvement frauduleux continu d’importation de devises étrangères qui ne sont pas signalés à la Banque centrale du Congo, une pratique qui viole les dispositions légales relatives aux pouvoirs réglementaires de la banque en matière de réglementation de change. Plusieurs milliards de dollars ainsi que des banques commerciales, des transitaires, des convoyeurs de fonds, la direction des Douanes et Bivac sont concernés.

Des transferts frauduleux de fonds sont également épinglés. Ils mettent en cause une fois encore des banques commerciales, des importateurs et …Bivac. La pratique consiste à souscrire des licences d’importation des biens pour un montant donné et de n’importer que des marchandises pour un montant inférieur ou rien du tout sans justification. Les dirigeants de la DGDA sont aussi accusés de fraude douanière et fiscale dans des cas liés aux enlèvements d’urgence non régularisés, l’utilisation de prête-noms, de faux transits internationaux, la minoration des valeurs, etc. Ils sont soupçonnés d’avoir « oublié » de faire exécuter les décisions contentieuses de l’administration douanière dans des cas de fraude avérée.

Les deux autres administrations fiscales ne sont pas en reste. Les redressements de complaisance, les dégrèvements fantaisistes, faux en écriture sont monnaie courante. Des sources indiquent que sur instruction de la direction, sont ouverts des sous-comptes suspects en provinces où sont orientés tous les paiements des recettes du cadastre minier et du ministère de l’Intérieur. Ces sous-comptes ne sont pas des comptes transitoires habituels. Ils existent depuis quelques années et ont permis le détournement des montants importants.

Des directeurs généraux de grandes entreprises sont également dans le collimateur. À la SCTP (ex-Onatra), on parle de la surfacturation intervenue lors de la réhabilitation de l’ITB Kokolo ou de l’achat de locomotives reconditionnées et partiellement livrées, en lieu et place de locomotives neuves. Le même grief est retenu contre la Régie des voies aériennes (RVA) pour les travaux de réhabilitation de la piste de l’aéroport de N’djili. Pour 400 m de travaux d’excavation, le Trésor public a décaissé 11 millions de dollars en faveur de la sociétaire attributaire SOGEA SATOM. Au regard de cette somme, le détournement de 650 000 dollars effectué aux Lignes maritimes congolaises apparaît comme un vol de bétail. Ainsi que la conclusion d’un marché de gré à gré pour l’achat de 300 bus destinés au transport public. Tous les cas cités posent un problème de conscience.