La production nationale va pâtir des effets de la décision des géants d’Asie

Le Conseil international tripartite du caoutchouc qui regroupe l’Indonésie, la Thaïlande et la Malaisie, réduira ses expéditions de 240 000 tonnes sur 4 mois à partir du mois d’avril 2019. La RDC qui comptait parmi les grands producteurs jusque dans les années 1970, n’est plus que l’ombre de sa gloire d’antan.

LES ÉTATS membres du Conseil international tripartite du caoutchouc (ITRC) représentent près de 70 % du marché mondial du caoutchouc. La République démocratique du Congo en a fourni jusqu’à 35 % de l’offre mondiale. Hélas, ce n’est plus que du jadis. Le pays devrait subir les effets de l’ukase de trois États de l’Asie du Sud-Est à l’image de la Côte d’Ivoire qui en a déjà fait les frais. Août-septembre 2018, cinquième fournisseur de caoutchouc naturel de la Chine, la Côte d’Ivoire a peiné à trouver un navire pour évacuer sa production. 

La plupart des navires qui transportent du caoutchouc africain appartiennent, en effet, à des entreprises liées des États de l’ITRC. Quelque 20 000 tonnes de caoutchouc naturel brut issu d’hévéas resteront longtemps bloquées dans les ports ivoiriens de San Pedro et Abidjan au motif fallacieux trouvé par des armateurs, le caoutchouc ivoirien est trop sale. La Côte d’Ivoire est le premier producteur africain de caoutchouc et selon les estimations, le secteur fait vivre plus de 160 000 planteurs. Qui ont dit se plier au diktat de l’ITRC pour survivre et sauver leur boulot. 

D’après les experts, le trio Indonésie, Malaisie et Thaïlande aurait unilatéralement, en février dernier, fixé un programme de tonnage d’exportation convenu (AETS), en pratique, une stratégie à court terme visant à faire remonter le prix du caoutchouc naturel à la suite de la dégringolade intervenue en novembre 2018 à la Tokyo Commodity Exchange (TOCOM), place de référence de négoce du caoutchouc. Pour l’ITRC, le caoutchouc était à son niveau le plus bas en plus de deux ans en raison du trop-plein du marché mondial.

Désengagement de l’État

En RDC, la production du caoutchouc a repris dans les anciennes provinces de l’Équateur et de la Province Orientale, quelques années après le désengagement total de l’État de toutes les entreprises du secteur sans toutefois se rassurer des repreneurs. Une vingtaine de milliers d’hectares de plantations d’hévéa se retrouvent à ces jours envahis par la brousse dans le territoire d’Opala, à environ 260 kmilomètres au Sud-ouest de Kisangani (Province Orientale). 

Plusieurs autres hectares de plantations sont aujourd’hui enfouis dans la brousse à Mayoko, Likiri, Lefera et Senga, etc. Cette situation résulte notamment du manque d’investisseurs et aussi des moyens d’évacuation du produit de cette culture, qui constituait l’ossature économique de la région pendant la période coloniale. La production de la Société industrielle et agricole au Congo (SIAC) dans la province du Sud-Ubangi est en partie expédiée vers Kinshasa et une autre partie est exportée via le Cameroun. 

À Ikela, dans l’ex-province Équateur, c’est la voie d’évacuation du caoutchouc qui pose problème surtout lors de la longue saison des pluies. Bien souvent, les producteurs proposent un lieu de vente qui n’arrange pas toujours les acheteurs. Toutefois, des exploitants, regroupés en coopératives, ont tenté, sans succès, de relancer leurs activités avec le concours de l’entreprise Lobi Congo. La région connaît actuellement une ruée d’exploitants chinois, apparemment méconnus des services publics. 

Il sied de noter que le prix des caoutchoucs africains est moins cher que la moyenne du prix payé par la Chine, toutes origines confondues. Selon la Commission nationale des mercuriales du ministère du Commerce extérieur, le cours du caoutchouc devrait rester sur le marché international, au prix de 1,62 dollars le kilo, grâce à la demande chinoise. En dépit de la demande accrue de la Chine en caoutchouc naturel, il s’observe une certaine tendance au recours au  caoutchouc synthétique à travers le monde. 

En RDC, l’absence des prévisions des recettes des articles et ouvrages en caoutchouc  synthétiques,  en régime intérieur, dans le budget  2019, voudrait tout simplement signifier qu’il n’existe plus d’entreprise qui exploite le caoutchouc. Pourtant en 2016 et 2017, les réalisations ont respectivement été de 17 599 951 FC et 36 362 486 FC et la projection à fin 2018, à 1 132 214 FC. Les prévisions desdits articles mais importés se chiffrent à 271 031 707 FC, contre 482 777 352 FC en 2016, 429 294 067 FC en 2017, et 374 398 078 FC réalisations projetées à fin décembre 2018. Depuis, tous les articles et ouvrages en caoutchouc synthétique proviennent de l’étranger, particulièrement de la Chine pour des produits neufs ainsi que de la France et de la Belgique pour des occases. Caoutchouc synthétique

Mais les produits chinois ne sont pas toujours de bonne qualité et sont de moins en moins préférés aux occases européennes. Il s’agit particulièrement des pneumatiques. Le secteur dépend, pour trois quarts de sa production, de l’industrie automobile. Le reste est utilisé pour des demi-produits (mélanges, feuilles, plaques…) et des produits finis (tuyaux, joints, bottes, tétines…). La Direction générale des douanes et accises (DGDA) compte réaliser près de 10 milliards de nos francs sur les importations d’ouvrages en caoutchouc synthétique en 2019.  

Mais la douane n’a pas cependant pu atteindre ses assignations globales pour 2017, soit quelque 7 milliards de francs (7 008 300 547 FC). Ces recettes en baisse continue sont notamment la conséquence de graves défaillances dans la prise en charge des marchandises, ont relevé des experts de la DGDA, lors de la dernière conférence des directeurs généraux et provinciaux de la douane en vue de mûrir les stratégies pour atteindre, sinon dépasser les assignations de 2018. Parmi les stratégies retenues, il y a le renforcement du contrôle a posteriori et de régularité des opérations de dédouanement, le contrôle de la destination et de la mise en œuvre des marchandises exonérées. Mais le plus dur reste à faire, d’après les observateurs, la gestion des postes frontaliers et des postes frontières où, les services de l’État autorisés à y prester ont, en permanence, maille à partir avec des éléments des forces armées et de services de renseignement.

Le gouvernement congolais a, d’ailleurs, reconnu, en 2018, que « des résistances ont été observées ici et là dans l’application de l’ordre opérationnel limitant à 4 le nombre des services pouvant intervenir aux postes frontaliers ». Cependant, Lambert Mende Omalanga, le ministre sortant de la Communication et des Médias et porte-parole du gouvernement, a soutenu que des « mesures réglementaires et pratiques ont été adoptées par le Conseil des ministres pour y pallier ». L’application intégrale du décret n°036/2002 du 28 mars 2002 désignant les services habiletés à œuvrer aux frontières a déjà fait l’objet d’une question orale avec débat à l’Assemblée nationale.

Les recommandations des élus qui en sont découlées, plus de trois ans après,  n’ont guère connu un début d’exécution. Des éléments des forces armées, par exemple, se retrouvent toujours aux postes frontaliers. 

Il nous revient qu’à Lufu, par exemple, des cargaisons des pneus entrent frauduleusement… sous bonne escorte. Autres zones d’entrée des articles et ouvrages en caoutchouc synthétique, ce sont des villes frontalières avec l’Ouganda, à l’Est de la RDC, Mahaghi-Port, Aru, Kasindi, etc. Au pays cependant, la transformation locale du caoutchouc n’est plus que de l’histoire ancienne. Les succursales de Goodyear, Michelin, etc. ont toutes fermé, victimes des pillages de triste mémoire des années 1991 et 1993.