La RDC face aux défis de la gouvernance responsable

Avant, les gens disaient que le pays allait bien, mais aujourd’hui ils disent que le pays va mal et il est sur le point d’atteindre le fond du gouffre. Comment aborder cette dérive ? Pendant quatre jours (21-24 septembre), la CCM, l’APCL et l’ACAJ ont réuni près de 250 délégués des provinces pour produire des recommandations à soumettre au président de la République.

OÙ VA LA RDC ? Il y a eu des congrès, des conclaves, des séminaires, des ateliers, des conférences et tout ce que vous voulez… Le pays est toujours dans le désordre et la crise malgré tout. La maladie qui frappe la République démocratique du Congo depuis des lustres est une crise de gouvernance de la nation. D’aucuns pensent qu’elle est entrée dans sa phase finale.  

L’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ), l’Agence de prévention et de lutte contre la corruption (APLC), la Coordination pour le changement des mentalités (CCM) ont réuni pour quatre jours (21-24 septembre) à Kinshasa au Fleuve Congo Hotel près de 250 personnes venues des provinces du pays pour participer au Forum sur la performance dans la gouvernance de la nation. À l’ouverture comme à la clôture de ce forum, c’est Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre, qui a présidé la cérémonie au nom de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République en présence de plusieurs personnalités : sénateurs, députes, ministres et vice-ministres, officiers supérieurs de l’armée et de la police, diplomates… 

Le Forum sur la performance dans la gouvernance de la nation a été convoqué en vue de « conclure un pacte républicain » pour accroître le budget du pays mais il a été inscrit dans le cadre du changement de mentalités et de la lutte contre la corruption en contexte d’État de droits. Les participants se sont penchés sur quatre thèmes : la reconstruction de l’État et le profil des dirigeants ; la mobilisation des ressources publiques, la gestion et la redevabilité ; les mécanismes de lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le détournement de deniers publics ; et le règlement des arriérés fiscaux et non fiscaux : amnistie ou transactions. Voilà ce que doit retenir l’opinion de ce qui s’est passé au Fleuve Congo Hotel, et que les journaux quotidiens et en ligne n’ont pas manqué de relater dans les moindres détails. 

Le PM ouvre le bal

Quitte à bousculer les évidences, on nous permettra de revenir sur les propos du 1ER Ministre à ce forum, lui, qui croit en l’avenir de la RDC. C’était donc l’occasion pour Sylvestre Ilunga d’en appeler à la conscience collective pour l’instauration d’une réelle performance dans la gouvernance de la nation.

D’abord, il a rappelé que lors de son discours d’investiture, le président de la République avait annoncé « une ère nouvelle marquée par la restauration de l’État de droit, par la bonne gouvernance, afin de garantir, sans aucune distinction, la protection de l’État aux citoyens ». Pour le 1ER Ministre, c’était un appel à tous les Congolais à « se donner la main pour assurer leur marche vers la réalisation d’un destin commun : sortir notre cher pays de la pauvreté et du sous-développement et l’engager sur le chemin de l’émergence économique et sociale ».

Premier défi à relever : « Pour réussir ce pari, le chef de l’État a, d’abord et avant tout, mis en avant le renforcement de la démocratie et de l’État de droit.  En effet, rien de grand et de vraiment pérenne ne peut se construire sans la démocratie car elle est garante de la sécurité, de la paix et du développement. Avec elle, tous les progrès sont possible. » C’est pourquoi, le gouvernement s’est engagé à encourager toutes les initiatives allant dans le sens de l’amélioration de la gouvernance publique. La bonne gouvernance constitue donc le premier pilier de notre développement. Pour le 1ER Ministre, elle détermine notre aptitude à inscrire notre action dans la durabilité et l’irréversibilité. C’est pour cette raison, a-t-il déclaré, que l’amélioration de la gouvernance et les réformes institutionnelles subséquentes sont au cœur de la vision du président de la République. « En effet, la bonne gouvernance conduit à des meilleures politiques publiques développées de manière ouverte, transparente et responsable ; elle demande aux décideurs publics de se poser la question : ‘quelle est la meilleure chose à faire ?’ au moment de la prise de décision ; elle promeut la confiance des citoyens en leur gouvernement ; ce qui consolide les institutions démocratiques et stabilise le pays. La bonne gouvernance a vocation d’être le travail de tous les membres de notre tissu social. » 

De ce point de vue, a-t-il poursuivi, les gouvernants et les gouvernés doivent tous intervenir et avoir une voix pour préserver la démocratie participative, « car une démocratie en réalité, c’est le produit de petites décisions constantes prises par toutes ses différentes composantes ». Pour Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le Forum sur la performance dans la gouvernance de la nation est arrivé à point nommé parce qu’il s’inscrit dans le cadre d’« un dialogue citoyen entre gouvernants et gouvernés » qu’il espère toujours « constructif et bénéfique pour l’intérêt général ». Le 1ER Ministre a ainsi déclaré : « Je suis d’autant plus heureux qu’il se tienne à « un moment historique où le gouvernement de la République démocratique du Congo s’emploie, sous l’impulsion du président de la République à faire de la performance dans la gouvernance publique son leitmotiv permanent. » 

Deuxième défi à relever : la probité ou le rôle du gouvernement et de toutes les composantes de la société, dans une articulation renouvelée des fondements de notre philosophie de gestion de l’État basée sur la performance et la bonne gouvernance. Dans une approche pédagogique, Sylvestre Ilunga a comparé la démocratie au journaliste qui rapporte une information vraie et objective, après avoir vérifié sa véracité. « La démocratie, c’est quand un membre de la société civile peut librement exprimer ses critiques. La démocratie, c’est quand un commis de l’État, quel que soit son rang, place l’intérêt général au-dessus de toute autre considération personnelle. Cela s’appelle tout simplement le respect de l’éthique de responsabilité », a-t-il déclaré aux participants.

Et de trancher dans le vif : « La répartition des compétences ne se décrète pas une fois pour toutes, elle s’apprécie et se négocie par l’implication de tous les acteurs. Cela suppose, il ne faut pas se le cacher, un changement de comportement de la part des responsables politiques et administratifs pour accepter une logique de partenariat et tout particulièrement, avec les associations de la société civile, qui doivent être non seulement reconnues mais plus encore soutenues. »

Pour tout dire: « Les citoyens demandent que l’on tienne mieux compte de leurs intérêts particuliers. Cette évolution a contribué à désacraliser l’État et son fonctionnement. Il s’est produit un changement dans la nature de la représentation. La légitimité de l’État ne tient plus dans l’incarnation d’un principe supérieur, mais, pour l’essentiel, dans sa capacité à bien représenter la diversité de la société.  C’est la dynamique de ce phénomène économique et social autant que politique qui explique la montée en puissance du dialogue citoyen entre la société politique et la société civile qui ont désormais en charge la transformation qualitative de notre société. »

Le pari de la confiance

Sylvestre Ilunga préconise de « faire le pari de la confiance vis-à-vis des citoyens », en promouvant la transparence et la concertation pour une évaluation exacte de la qualité et de la performance des services publics. « Les réformes actuelles demandent un engagement politique fort du gouvernement qui doit les expliciter et dégager les moyens nécessaires pour leur succès. » Au niveau du gouvernement et de toutes les autres structures étatiques, a-t-il souligné, l’exigence de la performance dans la gouvernance de la nation ne se négocie guère. « Elle se décline en la responsabilisation des ministres ainsi que des animateurs des institutions publiques, et dans le suivi proactif de leur performance dans la mise en œuvre de la politique définie par le gouvernement.

Leh 1ER Ministre est bien conscient que « la vocation du gouvernement », et sa seule raison d’être, « c’est uniquement de trouver la réponse la plus satisfaisante possible à la fois à la demande citoyenne d’une meilleure gouvernance et à la demande sociale d’un bien-être chaque jour amélioré des Congolaises et Congolais ». Pour maintenir ce cap et éviter les erreurs du passé, a rappelé Sylvestre Ilunga, le président de la République a mis en place l’Agence nationale de prévention et de lutte contre la corruption et la Coordination en charge du climat des affaires pour créer et renforcer les conditions favorables à l’investissement et à l’initiative privée. 

Dans le même ordre d’idées, ll a instruit l’Inspection générale des finances de lui soumettre une lettre des missions à travers laquelle elle s’engage à débusquer toutes les malversations qui avaient malheureusement élu domicile au sein de nos différentes administrations. Cela, quels qu’en soient les auteurs ou l’origine. « La mise en place de ces mécanismes et/ou le renforcement de leurs capacités constitue désormais le socle de la bonne gouvernance dans notre pays. »

Mais toutes ces mesures ne peuvent être mises en œuvre que sous le contrôle étroit de la loi : « C’est pourquoi, nous nous employons à créer les conditions pour rétablir graduellement la confiance de la population à l’égard de la justice par une lutte acharnée contre la corruption et l’impunité qui ont longtemps affecté le développement de notre pays. Je suis plus que jamais convaincu que sans une justice indépendante, équitable et professionnelle, nous ne pourrons pas lutter efficacement contre la corruption. »

Troisième défi à relever : l’État de droit. Le 1ER Ministre aspire à la construction d’un État de droit reconstitué dans toute sa plénitude, aligné sur les standards internationaux et une justice indépendante et équitable, avec une garantie d’effectivité des normes adoptées et leur compréhension par l’ensemble de la population. « C’est en améliorant le climat juridique et judiciaire des affaires que nous parviendrons à rassurer les investisseurs et à sécuriser les investissements indispensables à l’essor économique et social de notre pays. »

Il a réitéré son engagement à poursuivre la lutte contre l’impunité aux fins de « construire un Congo où les citoyens sont pleinement conscients de leurs devoirs et contribuent activement au développement national », tout en bénéficiant pleinement de tous les droits humains tels que garantis par la constitution. « Je crois en l’avenir du Congo et en la détermination de tous les Congolais à vouloir accélérer leur marche vers le progrès et le développement. Je ne doute, aucun instant, qu’ils sont prêts à se mobiliser autour de leur gouvernement pour engager un vaste chantier de réformes et infléchir le cours de l’histoire pour placer la République démocratique du Congo parmi les nations résolument engagées sur la voie de la modernisation. »

Les attentes du peuple

Compte tenu des attentes populaires sur la conduite des affaires de l’État, Sylvestre Ilunga a formulé le vœu que le forum débouche sur des préconisations susceptibles d’aider le gouvernement à accroître les ressources publiques. 

Qu’il produise de l’intelligence économique et le dialogue citoyen qui seront des instruments stratégiques de pilotage de l’action publique. « Ceci permettra à la République démocratique du Congo de disposer des informations pertinentes permettant de comprendre et d’anticiper les mutations de l’environnement national et international, facteurs d’opportunités et de menaces, tout en favorisant l’innovation et la créativité. »

Jeudi 24 septembre, c’était le temps de la clôture des assises. À l’ouverture, le chef du gouvernement avait placé la barre très haut, a reconnu un participant venu de l’Équateur. « Normal que les interventions lors de ces assises soient solides, brillantes, à la fois rigoureuses et nuancées dénotant une conscience politique aiguë, bref, ce qui fait le capital unique qui manque en RDC », a laissé entendre ce participant.  

Qu’est-ce que les orateurs (professeurs et scientifiques congolais) ont dit ? En tout cas, les participants ont fait des recommandations dont les plus importantes sont le respect strict de la constitution ; la promotion de l’État visionnaire, stratégique et protecteur de droits de l’homme ; la promotion des dirigeants répondant aux critères de patriotisme et respectueux des biens publics ; la digitalisation de la chaîne de recettes publiques ; la diversification des sources de recettes publiques.

Mais aussi l’installation des directions des régies financières dans toutes les nouvelles provinces ; l’adoption de la loi sur la lutte contre la corruption ; l’intégration des enseignements d’éthique et de bonne gouvernance dans les cycles scolaires et académiques ; la restructuration de la Banque centrale du Congo (BCC) ; l’amélioration des conditions socio-professionnelles des fonctionnaires et agents de l’État ; la réforme de la Direction générale des douanes et accises (DGDA) ; le vote d’une loi déterminant les conditions de l’amnistie… 

Le 1ER Ministre a accueilli favorablement ces recommandations et s’est engagé à les transmettre au chef de l’État. « L’organisation de ce forum constitue en effet l’acte inaugural d’une coopération étroite, dynamique et fructueuse que le chef de l’État a toujours voulue entre la société civile et la société politique, visant à rompre les chaînes de méfiance, parfois de haine et de suspicion qui ont longtemps rongé les rapports entre ces deux segments essentiels de la société congolaise », a-t-il déclaré à la clôture des assises. 

Et d’ajouter : « Le pacte républicain ainsi scellé, traduit, dans les faits, son engagement de faire du partenariat gouvernants-gouvernés, l’épine dorsale sur laquelle doit se greffer toute quête des solutions durables et bénéfiques en faveur du peuple. La détermination dont tous, vous avez fait preuve, démontre à suffisance votre degré de conscientisation face aux enjeux de la lutte en faveur de la bonne gouvernance en République démocratique du Congo et la nécessité, pour chaque Congolaise et chaque Congolais d’y contribuer activement, car il en va de la survie de notre pays. » 

Sylvestre Ilunga Ilunkamba se réjouit des recommandations pertinentes : « En effet, ce sont vos valeurs partagées qui ont permis un consensus autour de vos délibérations. 

Vous avez su prouver que c’est dans la pluridisciplinarité, la confiance et la solidarité que la bonne gouvernance, gage de la démocratie se construit. Travailler ensemble apparaît dès lors comme la meilleure des garanties d’un épanouissement collectif. » Étant donné le caractère transversal et multisectoriel de ces recommandations, il s’engage à les transmettre au président de la République, pour « des instructions conséquentes en ce qui concerne leurs analyse et appropriation progressives au sein des différentes structures étatiques », surtout pour permettre à la RDC de « ne jamais baisser la garde face à la corruption qui compromet tout développement ». 

C’est donc sur une note d’espoir que Sylvestre Ilunga Ilunkamba, au nom du chef de l’État, a clôturé le Forum national sur la performance dans la gouvernance de la nation.