La SNEL s’essouffle-t-elle ?

Autrefois exportatrice d’électricité, la RDC est devenue, en partie, importatrice. En même temps, les plaintes des clients sur la mauvaise fourniture en électricité ne cessent d’augmenter. L’entreprise nationale semble à bout de souffle.

Éric Mbala Musanda, administrateur délégué de la Société nationale d’électricité.
Éric Mbala Musanda, administrateur délégué de la Société nationale d’électricité.

Le secteur de l’énergie en République démocratique du Congo éprouve d’énormes difficultés. Malgré les capacités du barrage d’Inga, dont les potentialités peuvent servir une bonne partie de l’Afrique, plusieurs coins du territoire congolais ont toujours du mal à être desservis. Loin de garantir une bonne qualité du service à ses abonnés, la Société nationale d’électricité (SNEL) s’engage à continuer d’assumer sa mission « selon ses capacités financières ». C’est ce qu’a laissé entendre, le 24 octobre, son administrateur délégué, éric Mbala. Il l’a affirmé à l’Assemblée nationale, alors qu’il répondait à une question orale sur le déficit observé dans la fourniture d’électricité. Ces insuffisances sont notamment caractérisées par la vétusté des câbles, la carence de cabines de décharge, la saturation de la ligne de transport ou encore l’étiage. Ce qui fait que la SNEL n’est pas en mesure d’offrir un service de qualité à ses clients, bien qu’elle n’hésite pas toujours à les facturer même s’ils n’ont rien consommé, chose que beaucoup d’abonnés n’admettent plus. « C’est une arnaque de la part de la SNEL », résume un client. « Nous sommes à notre niveau victimes de difficultés qui touchent la moyenne tension. Si, à ce niveau, l’on ne parvient pas à fournir normalement du courant électrique, nous qui assurons le relais de la basse tension au niveau de la cabine vers les logettes des clients sommes aussi pénalisés au même titre que les abonnés », d’après le chef de bureau de la direction de desserte de Delvaux, dans la commune de Ngaliema. D’après le député Clément Kanku, l’auteur de la question orale, les abonnés refusent de payer les factures de la SNEL parce que son service n’est pas approprié. « Comment un abonné peut-il vouloir payer une facture pour un service dont il n’a pas bénéficié ? A une facture correspond un service », a-t-il indiqué. Selon lui, après trois ans de gestion, l’équipe actuelle n’a toujours pas convaincu.

Comment un abonné peut-il vouloir payer une facture d’un service dont il n’a pas bénéficié ? A une facture correspond un service. 

Clément Kanku 

« Hier, vous aviez comme prétexte l’étiage. Aujourd’hui, c’est la croissance démographique ou encore le boom immobilier.Qu’est-ce que vous allez nous dire demain ?», a-t-il demandé à éric Mbala.  Pour résoudre le problème de cette facturation quasiment forfaitaire, Éric Mbala a promis d’impliquer les délégués des quartiers dans les calculs des factures mensuelles et de publier les plans de délestages pour chaque quartier. Des engagements qui n’ont pas convaincu l’auteur de la question orale qui, à son tour, a demandé la constitution d’une commission parlementaire en vue d’enquêter également sur la problématique des factures préférentielles. Le potentiel énergétique du pays ne sert plus à grand-chose, aujourd’hui. La RDC est incapable de satisfaire à la fois ses besoins internes et externes en électricité. La SNEL est obligée de faire face à une forte demande pendant que la capacité de production du courant électrique reste limitée. Son transport également. Jadis, réputée comme une grande exportatrice d’électricité vers certains pays voisins et même en Afrique australe, la RDC n’a plus cette capacité depuis 2009. Bien au contraire, elle importe aujourd’hui de l’électricité de Zambie, entre autres, au prix fort, sans aucune exonération douanière. Cette importation est faite pour répondre à la demande de l’industrie minière du Katanga. En attendant la réalisation des grands travaux sur le barrage d’Inga, principalement la construction d’Inga III avec l’Afrique du Sud, la RDC va se contenter de cette faible fourniture. L’administrateur de la SNEL estime que son entreprise pratique les prix les plus bas d’Afrique en termes de facturation. Mais les assignations du gouvernement ont été atteintes : plus de 500 millions de francs. Quant au problème du délestage, le bout du tunnel reste encore loin. Pour que la situation change totalement, il faudra encore attendre que les capacités de la SNEL soient renforcées sur tous les plans.


Faut-il privatiser la SNEL ?

D.N.  

Parmi les solutions qui sont envisagées pour tirer la SNEL du gouffre figure celle de sa privatisation. Il y a plus d’une année, le Parlement avait évoqué ce sujet. Mais les avis restent partagés quant à la concrétisation de cette idée. Pour le député Kambu Kabangu, le temps où l’état doit tout prendre en charge est révolu. Du côté de la société civile, la privatisation de cette société paraît dangereuse. Justin Mobomi, membre de la plate-forme Cohabitation de la société civile pour le suivi des réformes et de l’action publique, a indiqué que les habitants de Tshikapa savent que ce n’est pas la SNEL qui distribue l’électricité, mais une autre société. « C’est un secret de polichinelle: la SNEL est en train d’être privatisée en pièces détachées », constate-t-il. Les membres de cette plate-forme s’étaient opposés, en juin 2013, à la proposition de loi relative à la libéralisation du secteur de l’électricité en RDC. Ils avaient même déposé au bureau du Sénat un memo reprenant leurs revendications. Pour eux, le gouvernement devrait d’abord commencer par améliorer sa gouvernance vis-à-vis de la SNEL avant d’entreprendre sa privatisation. Aujourd’hui, dans plusieurs administrations publiques, moisissent des factures de la SNEL que l’État ne paye pas.