La société civile fait fort dans la revendication des mesures d’application

LA LOI 010/10 du 27 avril 2010 relative aux marchés publics a totalisé neuf ans depuis qu’elle a été promulguée par le chef de l’État, à l’époque Joseph Kabila Kabange. Le même a promulgation une autre loi, la loi 18/016 du 9 juillet 2018 relative au partenariat public-privé. Profitant de la date anniversaire de la loi du 27 avril 2010 sur les marchés publics, le Groupe de réflexion et d’échange sur les marchés publics en RDC (GREM ASBL), en partenariat avec le cabinet d’avocats KMG, a organisé une journée de réflexion ayant pour thème « L’incidence de la loi relative au partenariat public privé (PPP) sur la commande publique ». 

À cet échange, ont participé plusieurs délégués des entreprises publiques et privées ainsi que ceux de la société civile. Les participants ont suivi quatre communications faites par Me Kabeya Muana Kalala, le secrétaire exécutif du GREM ASBL ; Me Lisette Bewa ; Calixte Tuzolana, chef du service juridique du COPIREP ; et Etienne Abeli Jafari, le directeur administratif et financier du Bureau central de coordination (BCECO). 

Selon les organisateurs, cette journée est une contribution à la sensibilisation des spécialistes en passation des marchés sur leur place dans le partenariat public-privé. L’atelier a consisté à un échange sur les principaux aspects de la nouvelle loi relative au partenariat public-privé (PPP) ainsi qu’à une analyse des incidences procédurales, administratives, juridiques, institutionnelles et techniques du PPP sur le secteur des marchés publics. Mais aussi à circonscrire les rôles des spécialistes en passation des marchés dans le processus de mise en œuvre des PPP sur les plans institutionnel, professionnel et éthique. 

Les intervenants ont rappelé qu’avant la loi du 9 juillet 2018 sur le PPP, il y avait des textes sectoriels et connexes. Il s’agit notamment de la loi 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marchés publics et le décret 10/22 du 2 juin 2010 portant manuel de procédures de la loi sur les marchés publics ; la loi 13/005 du 11 février 2014 sur les régimes fiscal, douanier, parafiscal et des recettes non fiscales et de change applicables aux conventions de collaboration et aux projets de coopération. Il y a aussi la loi 14/011 du 17 juin 2014 relative au secteur de l’électricité, la loi 08/008 du 7 juillet 2008 portant dispositions générales relatives au désengagement de l’État… 

Le secteur privé a un rôle moteur

D’après eux, la pertinence d’une loi sur les PPP en RDC n’est plus à démontrer, ont expliqué les quatre intervenants. Depuis quelques années, en effet, la RDC s’est engagée dans la voie des réformes importantes visant à rendre son économie plus compétitive et amorcer ainsi sa relance. Cette volonté de relance repose notamment sur la libéralisation de l’économie, la construction et la modernisation des infrastructures de base en vue de promouvoir son développement et de rendre des services de qualité à la population.

D’après Me Guy Kabeya Muana Kalala, les besoins du pays en termes d’infrastructures et d’équipements, l’impact de ces derniers sur son développement et les coûts importants qu’exigent leur construction, leur réhabilitation et/ou leur acquisition ont amené le gouvernement à solliciter la participation du secteur privé à leur conception, leur financement et/ou leur exploitation. Le secteur privé est donc appelé à jouer un rôle moteur dans le développement du pays, celui de la création de richesses nationales et de l’emploi. Et cela passe, outre les marchés publics, par les PPP. 

Le partenariat public-privé, souligne-t-il, réduit sensiblement le recours aux ressources budgétaires pour le financement des infrastructures et équipements, et a l’avantage de mobiliser celles provenant du secteur privé en profitant également de la culture de performance de ce dernier. Il est évident que le partenariat public privé intéresse au plus haut point les spécialistes en passation des marchés publics (SPM), étant donné les liens étroits qui existent entre ces deux camps tant du point de vue institutionnel (d’une manière générale, ce sont les mêmes autorités qui sont chargées de passer types de contrats) que normatif (la réglementation sur les PPP exerce une grande influence sur celle relative au marchés publics et les deux corpus juridiques instituent ou reprennent des concepts et des procédure similaires : appel d’offre, délégation de service public, etc.) 

Eu égard à cette imbrication structurelle, et compte tenu de la complexité du processus de conclusion des PPP et des montages juridiques et institutionnels y afférents, il est indispensable de sensibiliser les principaux acteurs aux enjeux et incidences de la nouvelle loi, en l’occurrence les SPM. Ces acteurs sont issus des pouvoirs publics les plus concernés, d’entreprises privées et d’organisations de la société civile.

Défaut d’application 

Dès lors, on comprend l’objectif de cette rencontre de réflexion : « Favoriser les échanges et partages sur toutes les questions relevant des marchés publics et des contrats connexes ». Promulguée juillet 2018, la loi sur le partenariat public-privé souffre encore d’application. Pourtant, cette loi définit le régime juridique applicable aux contrats de partenariat public-privé. Ces contrats concernent la réalisation d’infrastructures publiques majeures à travers des projets complexes financés à long terme par le secteur privé. 

Guy Kabeya estime qu’il faut respecter les compétences des autorités qui sont censées passer les marchés et les partenariats publics-privés. Surtout les autorités des entités décentralisées parce que le constat est qu’il y a parfois des conflits de compétences entre les autorités.  « Il faut que le gouvernement qui sera bientôt mis en place puisse avoir une politique avec une vision claire sur le partenariat public-privé. Cela ne suffit pas. Il faut en plus qu’il y ait un relais entre le gouvernement et les administrations. Il faut que l’administration ait des outils, et qu’en définitive, elle mette en œuvre la politique. Donc, les politiques décident de la politique, indiquent le cap, et les techniciens, les administratifs se chargent de la mise en œuvre de la politique », a-t-il souligné.

Pour sa part, Calixte Tuzolana, le chef du service juridique du Comité de pilotage de la réforme des entreprises publiques (COPIREP), a expliqué les procédures de conclusion et les types de PPP. Alors que Lisette Bewa a apporté un éclairage sur les principales clauses contractuelles. À propos de l’incidence de la loi relative au PPP sur le système de la commande publique en RDC, on retiendra utilement que la commande publique est l’ensemble des contrats passés par les personnes politiques pour satisfaire leurs besoins (acquisition des biens et services, et investissement).

Guy Kabeya s’est appesanti sur les incidences institutionnelles et professionnelles, en dégageant les principes tels que la nécessité d’un climat gagnant-gagnant entre les partenaires public et privé, le caractère obligatoire de la négociation dans les PPP, et un grand impact politique… D’après lui, l’État manque de politique (écrite), de programmation et de vision en matière de PPP. C’est aussi anormal que dans la plupart des contrats en RDC, les études de faisabilité n’existent pas, et que beaucoup de marchés soient conclus de gré à gré.