La volonté politique du gouvernement mise à rude épreuve

L’économie nationale se porte mal. La cause ? Une dégringolade persistante de la monnaie nationale consécutive à la chute des cours mondiaux des principales matières premières. Le gouvernement a pris un train de mesures destinées à maintenir la stabilité du cadre macroéconomique.

Confronté encore aux conséquences de la crise financière internationale de 2015-2016, le gouvernement a décidé – sans vraiment décider, disent certains – de prendre le taureau par les cornes. Comment traduire dans le concret les dernières « mesures économiques urgentes » afin de se sortir de l’infernale pro-cyclicité de l’économie nationale ? Grosso modo, la crise du franc se livrant à lui-même, ces mesures gouvernementales (cinq au total) visent « l’amélioration du niveau de collecte des recettes publiques et la lutte contre la fraude douanière et fiscale », selon le compte-rendu du conseil des ministres du 11 août présidé par le président de la République, Joseph Kabila Kabange, lui-même.

En guise de « mesures urgentes », il s’agit pour le gouvernement de : primo, restaurer l’autorité de l’État et assainir l’environnement douanier à travers la suppression de toutes les taxes et frais administratifs illégaux aux frontières, faire observer strictement le décret limitant à quatre le nombre des services publics aux frontières et des heures d’ouverture et de fermeture des postes frontaliers ainsi que supprimer les barrières irrégulières.

Secundo, instaurer des mesures de transparence et de lutte contre toute forme de tracasseries et la corruption à travers l’imposition d’un taux unique des taxes à répartir entre différentes structures prestataires des services, ouvrir un numéro téléphonique vert d’alerte sur les tentatives de corruption et de violation des mesures, afficher obligatoirement les frais de douane et taxes légaux et réglementaires aux frontières et inclure tous les services étatiques concernés dans le Guichet unique, sanctionner les agents de l’État indélicats et les personnes physiques ou morales qui violent ces dispositions au niveau de tous les postes frontaliers du pays est en élaboration, car il s’agit manifestement de « criminels économiques récidivistes ».

Tertio, en vue de lutter contre la dépréciation monétaire, encadrer rigoureusement les dépenses publiques et le processus de rapatriement des 40 % des recettes d’exportation des produits miniers et leur injection réelle dans l’économie nationale ainsi qu’encadrer efficacement les changeurs de monnaie à travers leur regroupement au sein d’associations ou coopératives d’intérêt économique.

Quarto, au plan structurel, pour éradiquer la fraude et la contrebande, ériger systématiquement des plateformes logistiques dans tous les postes frontaliers, informatiser et interconnecter l’ensemble de services, encourager le secteur bancaire à étendre le réseau financier et bancaires aux postes frontaliers, conclure rapidement des accords bilatéraux et régionaux d’actualisation de la nature et du contenu du commerce transfrontalier, notamment avec l’Angola sur l’importation du carburant.

Et quinto, dans le but de relancer la production et de diversifier l’économie, octroyer des crédits aux structures publiques de production agricole, comme le DAIPN et Bukanga-Lonzo, et aux structures agro-pastorales privées développant des projets rentables. Un « Comité stratégique » est en charge de l’application de ces mesures. Il est composé entre autres des ministres ayant comme attributions l’économie, les Finances, le commerce, le plan… Avant la tenue de ce conseil des ministres, les membres du Comité stratégique ont effectué une visite d’inspection dans le Haut-Katanga et le Kongo-Central, où ils se sont rendus aux postes frontaliers de Kasumbalesa et Lufu, ainsi qu’au port de Matadi, à l’effet d’améliorer le niveau de collecte des recettes publiques. Le constat est que « la porosité constante des neuf frontières de la République démocratique du Congo favorise la contrebande, de même que le non respect du décret présidentiel de 2002 fixant à quatre le nombre des services habilités à œuvrer aux frontières ainsi que de trop nombreux cas de fraude et de trafic d’influence contribuent à une multiplication illégale des taxes et des services percepteurs, à la délocalisation des unités de production vers des pays voisins et à la criminalisation du commerce frontalier. »

À l’analyse, techniquement et politiquement, l’application de ces mesures économiques urgentes nécessite des « actions courageuses » de la part du gouvernement. D’aucuns pensent, avec raison, que le gouvernement joue au matamore en criant sur tous les toits que « plus rien ne sera comme avant ». Il est néanmoins conscient que la population demande à voir. Par le passé, ce genre de mesures spectaculaires ont fini dans les tiroirs, faute d’exemple venant d’en haut.

Cependant, le gouvernement demande à être jugé à l’acte et non en fonction du passé. Et pour se donner bonne conscience et montrer sa volonté politique de changer les choses, il multiplie les initiatives car le mal est si profond. Parmi ces initiatives, la conférence sur l’amélioration du climat des affaires et des investissements en République démocratique du Congo convoquée par le 1ER Ministre et placée sous le patronage du président de la République. Organisée à Kempiski Hôtel Fleuve Congo, du 29 août au 1er septembre, la conférence a été voulue comme un moment de réflexion : identifier les obstacles à l’exercice et à la réussite des activités économiques en RDC à l’effet de créer un environnement attractif et propice à l’investissement privé, a laissé entendre Bruno Tshibala Nzenzhe à l’ouverture de la conférence.

La FEC veille au grain

La survie des entreprises et la préservation de la paix sociale ont été en jeu lors de cette conférence. La Fédération des entreprises du Congo (FEC) a réaffirmé sa préoccupation, celle de voir le gouvernement prendre des mesures drastiques pour stopper l’hémorragie de l’économie nationale. « La puissance de l’État ne se discute pas, elle s’impose », a lancé le premier vice-président de la FEC, Jean-Pierre Kiwakana. Les participants à la conférence ont passé en revue les différentes réformes gouvernementales à l’égard des entreprises et ont tenté d’esquisser quelques pistes de solution. La FEC a fait part de ses préoccupations et proposé des nouvelles réformes pour l’amélioration du climat des affaires.  Par exemple, la mise en application des 28 mesures gouvernementales visant à réduire la fraude fiscale et à relancer l’économie nationale, garantir la sécurité juridique pour la protection des entreprises et faire appel aux investisseurs pour renforcer la mobilisation des recettes, favoriser la croissance de l’économie… Pour le premier vice-président de la FEC, « une politique, même volontariste, sans économie solide, ne produit pas des résultats attendus ». D’où, la nécessité de penser à une réforme fiscale profonde.

Il est indéniable que sur le plan de la stabilité de l’activité économique et sur celui de la croissance, l’État protège les intérêts des entreprises pour rendre plus facile l’exercice des affaires et lutte contre la corruption. Mais la FEC n’a pas caché son inquiétude à ce sujet. L’expérience montre que plusieurs assises du genre ont produit plus de 600 recommandations dont seulement 20 % ont été appliqués. La FEC regrette que la vision du gouvernement ne se traduise pas dans les faits par des actions concrètes. Pour sortir l’économie de la crise et des milliers de personnes du chômage, le gouvernement devra penser à mettre en place les mesures visant à assainir l’environnement des affaires et à créer les emplois.

Autrement dit, les efforts doivent être renforcés en faveur de l’émergence d’une classe moyenne en RDC. Celle-ci passe par la promotion des petites et moyennes entreprises ainsi que les petites et moyennes industries (PME-PMI).

Bien entendu, les PME-PMI représentent le socle de la nouvelle stratégie de développement du gouvernement. Le président du conseil d’administration de la Confédération des petites et moyennes entreprises du Congo (COPEMECO), André Dodo Balu, souligne que le plus important à faire, c’est l’application des recommandations pour un impact positif réel sur l’environnement des affaires et des investissements en RDC. On note que le gouvernement s’intéresse à cette catégorie d’entreprises. La loi sur la sous-traitance qui a été promulguée en avril, va dans le sens de la promotion de l’entreprenariat privé local.