L’appui du FMI, c’est pour faire face aux effets du coronavirus et relancer la production

Quand le ministre du Budget déclare que le gouvernement déploie les efforts nécessaires pour maintenir la stabilité du cadre macroéconomique, cela veut dire quoi en réalité, s’interroge-t-on à Kinshasa. Pour nombre d’observateurs, les finances de l’État sont dans le creux, en témoignent les fluctuations du taux de change.

TRÈS souvent, lorsque les réserves en devises à la Banque centrale du Congo (BCC) ne sont pas à leurs meilleurs points, cela se ressent sur le marché des changes. La parité USD/CDF a franchi la barre de USD 1=CDF 18 000 la semaine dernière, laissant pantois beaucoup de gens à Kinshasa. En effet, quand le taux de change tousse, ce sont les prix sur le marché qui s’enrhument. Et en pleine chaleur de la pandémie de coronavirus, imaginez les risques sur le panier des courses de la ménagère.

Lors du conseil des ministres le vendredi 24 avril, il a été aussi question de passer en revue les mesures économiques en faveur des opérateurs économiques dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire en vue d’atténuer les effets néfastes de la pandémie sur l’économie nationale. Ces mesures visent in fine la préservation du pouvoir d’achat et l’encadrement de la production.

Pour rappel, il s’agit notamment de l’exonération des impôts et taxes sur la production, l’importation et la vente des médicaments et équipements médicaux ; de l’octroi des facilités de crédit aux distributeurs pour assurer l’approvisionnement des grands centres en produits vivriers avec une première enveloppe de 50 millions de dollars mise à la disposition des opérateurs économiques via les banques commerciales à un taux très bas ; de la suspension de la TVA ; du démantèlement de toutes les barrières illégales ; de la gratuité de l’eau et de l’électricité pendant trois mois… L’objectif est de s’assurer que toutes ces mesures et bien d’autres qui seront prises ultérieurement, produisent un impact réel sur les prix des produits de première nécessité.

Jean Baudouin Mayo Mambeke, le vice-1ER Ministre, ministre du Budget, se veut tout de même rassurant. « Les fluctuations du taux de change restent contenues dans les limites acceptables… », a-t-il déclaré le samedi 25 avril, au sortir de la séance de travail avec Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre. D’après lui, les salariés de l’État seront payés malgré les « gros efforts financiers que nécessite la riposte contre le coronavirus ». 

La baisse des recettes de l’État va nécessiter des restrictions budgétaires pour donner la priorité aux dépenses de santé : prévention et soins, mais aussi de production afin de relancer l’offre. Pour des initiés, l’appui de quelque 363 millions de dollars du Fonds monétaire international (FMI) à la balance des paiements est une bouée de sauvetage et il arrive justement à point nommé. C’est pourquoi, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, pousse le gouvernement à poursuivre les efforts afin de conclure un programme formel avec le FMI.

Garantie de liquidité

Disons-le, l’appui du FMI est une ligne de liquidité à court terme pour faire face à la crise sanitaire. Pour le FMI, nous traversons une « période difficile pour les pays émergents ». Dans le monde entier, précise le FMI dans un communiqué, les conditions financières se sont durcies spectaculairement, les sorties d’investissements de portefeuille des pays émergents atteignant des records tant par leur volume (de l’ordre de 100 milliards de dollars) que par leur vitesse. On assiste alors à un véritable gel des marchés dans certains cas. Cela entraîne une demande considérable de liquidités en dollars et les pays émergents connaissent de brusques pénuries de liquidités.

Des Banques centrales ont mis en place des lignes de crédit bilatérales réciproques entre elles et en faveur d’un plus grand nombre de pays que lors de la crise financière mondiale de 2008… Des pays membres du FMI, de nombreux pays émergents connaissent encore des pénuries de liquidités ou risquent de subir de temps à autre des arrêts brutaux des flux de capitaux pendant une certaine période, et bien après la clôture des lignes de crédit réciproques. Cette situation met au jour une faille sévère du dispositif mondial de sécurité financière, mais le FMI dit avoir agi rapidement pour y remédier. Lorsque les flux mondiaux de capitaux se tarissent, un problème de liquidité à court terme peut rapidement se transformer en problème de solvabilité plus profond et plus durable, prévient le FMI. D’où la mise en place d’une ligne de liquidité disponible à la demande comme une bouée de sauvetage dans cette situation. Le FMI souligne répondre à ce besoin en établissant la ligne de liquidité à court terme comme premier nouvel instrument de financement en prêt de dix ans.  Dans le cadre de sa stratégie globale de riposte à la crise sanitaire, ce nouveau mécanisme fournit une ligne de crédit fiable et reconductible, sans conditionnalité a posteriori, aux pays membres disposant de fondamentaux et de cadres macroéconomiques très solides, soit les mêmes conditions d’admissibilité qu’un autre mécanisme du FMI, la ligne de crédit modulable. La ligne de liquidité à court terme est conçue pour répondre à un besoin spécifique de financement de la balance des paiements, un besoin potentiel, modéré et de court terme qui se manifeste par des pressions sur le compte de capital à la suite de chocs extérieurs. En sollicitant cette ligne de liquidité, un pays montrera aux marchés que le FMI confirme la grande solidité de son cadre macroéconomique et de ses institutions. Cette marque de confiance peut entraîner une réduction des coûts d’emprunt et apporter un appui bienvenu en période de volatilité. La ligne de liquidité à court terme peut également contribuer à réduire les besoins de financement ultérieurs en aidant les pays à freiner des problèmes modérés de liquidité avant qu’ils ne s’aggravent. 

Selon les estimations du FMI, la demande actuelle de plusieurs pays au titre de cette ligne pourrait atteindre jusqu’à 50 milliards de dollars, ce qui représente une part bien plus modeste de la capacité de prêt du FMI : 1 000 milliards de dollars que les montants à mobiliser si ces pays devaient solliciter des programmes appuyés par le FMI.

Publier les dépenses

En bénéficiant de la ligne de liquidité à court terme, la RDC devra publier chaque mois les dépenses liées à la riposte au Covid-19. Donc, un devoir de transparence et de traçabilité : « L’engagement des autorités de publier des audits mensuels des dépenses liées à Covid-19 est le bienvenu, afin de garantir la transparence dans l’utilisation des fonds publics. La mise en œuvre des politiques et des réformes structurelles auxquelles les autorités se sont engagées dans le cadre du programme de suivi du personnel convenu en décembre reste essentielle pour garantir la stabilité macroéconomique et restaurer une croissance inclusive et durable. » Le communiqué du FMI poursuit : « Il s’agit notamment de renforcer la transparence et la gouvernance dans les secteurs fiscal et minier, de stimuler la mobilisation des recettes, de maintenir la stabilité financière et de suspendre le financement du déficit par la Banque centrale. »  Pour rappel, le FMI a accordé un allègement immédiat de 20 millions de dollars à la dette extérieure de la RDC, s’ajoutant ainsi à 368 millions de dollars accordés en décembre 2019 au titre de la facilité de crédit rapide pour soutenir la balance des paiements dans le cadre du programme de référence conclu le 28 octobre 2019. La détérioration des perspectives macroéconomiques et les pressions budgétaires supplémentaires créent un besoin urgent de balance des paiements. L’appui du FMI par le biais du financement du FCR aiderait à combler une partie du déficit de financement, tandis qu’un soutien supplémentaire d’autres partenaires au développement devrait combler le déficit restant et atténuer les besoins de financement budgétaire, recommande le FMI.