Le Congo ratifie la convention de l’Union africaine

 L’Afrique reste le continent le plus touché : sur les 14 pays qui présentent des niveaux de corruption supérieurs à 50% de la population, 12 sont africains. Il reste à savoir s’il s’agit d’une défaillance de ces États ou d’un manque de volonté politique pour mettre un terme au phénomène ? 

Douze ans après sa signature, la convention de l’Union africaine sur les mécanismes de lutte contre la corruption a été ratifiée fin octobre, par le parlement. Elle recommande aux États signataires d’assurer la bonne gouvernance et le principe de transparence dans la gestion des affaires publiques. Au Sénat où il l’a défendue, le vice-ministre à la Coopération internationale, Franck Mwe-di-Malila, a soutenu que la lutte contre la corruption est capitale, car elle est l’ennemi du développement, car elle chasse les investisseurs et aggrave la pauvreté des populations.

Un obstacle à la jouissance

Le gouvernement a ainsi fait de la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite l’un de ses chevaux de bataille. C’est dans ce contexte qu’un poste de conseiller spécial du chef de l’État chargé de la lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent et le terrorisme a été créé. La convention de l’UA permet d’ériger en infractions légales les faits non prévus dans l’arsenal juridique national. Elle prévoit aussi la coopération judicaire internationale de lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux, l’enrichissement illicite et les produits issus de la corruption. Et permet de contourner le secret bancaire en préconisant une coopération judiciaire entre les États signataires. Pour les sénateurs, la corruption a atteint des proportions inquiétantes au Congo, qui continue d’alimenter le paradoxe d’un pays immensément riche, mais avec une population extrêmement pauvre.

La justice à l’œuvre

Les instruments juridiques pénaux dont dispose le Congo contre la corruption datent de 1915. D’après le sénateur Jacques Djoli, cette convention ne règle rien du tout. « Il faut aller au-delà de ce texte pour trouver des solutions aux questions que pose la lutte contre la corruption. Quant au conseiller spécial du chef de l’État chargé de la lutte contre la corruption, Luzolo Bambi, depuis qu’il a déposé plainte au parquet général de la République, il a été agressé et il est devenu inopérant », indique le Jacques Djoli. Pour lui, dans ces conditions, « la corruption fera du Congolais l’homme le plus pauvre au monde ». Quant au niveau de la corruption, le fléau ronge toute la zone de la communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC). Cette région est la plus corrompue, selon le sénateur, Edouard Mokolo wa Pombo. Plus de la moitié des richesses sont englouties dans la corruption. Les secteurs les plus touchés sont l’industrie extractive et les forêts.

Le Congo, membre du processus Initiative par la transparence dans l’industrie extractive (ITIE), a fourni des efforts, mais beaucoup reste à faire. Le rapport 2010-2014 de cette structure montre que les taxes de l’industrie extractive ont atteint 40%.

Les institutions, premiers responsables

Selon Transparency International, l’ampleur du phénomène devient inquiétante. Les institutions sont désignées comme étant les premières responsables, tandis que les citoyens participent pleinement à l’accroissement du phénomène. Plus d’une personne sur quatre affirme avoir dû verser un pot de vin pour accéder à certains services publics. La corruption est-elle devenue une routine? C’est le triste constat qui ressort de la dernière enquête de Transparency International. Chez les personnes interrogées, un sentiment de fatalité s’est installé. On entend souvent dire: « C’est notre mode de vie, c’est comme ça » ou « comment allons-nous survivre, si l’on ne verse pas de pots-de-vin ? » Dans certains pays, les gens n’ont pas le choix.

En Afrique, pour accéder à des services aussi élémentaires que la santé, l’éducation ou même l’eau, les citoyens sont contraints de participer à une corruption qu’ils n’approuvent pas et qui leur est imposée. Ils se disent: « Si je refuse mais que les autres continuent, qu’est-ce que cela va changer ? ». La corruption, en ce sens, est une réelle atteinte aux droits civiques et économiques. Depuis deux ans, un grand nombre d’affaires de corruption impliquant le monde politique ont frappé de nombreux pays. Sans qu’il y ait toutefois de véritables sanctions. Cette situation renforce l’impression que ceux qui sont au pouvoir peuvent s’en sortir. Malgré les lois et les mesures mises en oeuvre, rien n’est fait pour lutter contre la corruption. De l’enseignant d’un village reculé au plus haut responsable politique, chacun se dit qu’il peut participer à la corruption sans avoir rien à craindre. Tout le monde est au courant, mais personne ne veut agir.

Selon le rapport de Transparency International, les citoyens se sentent de plus en plus concernés par la lutte contre la corruption. Par le biais de pétitions, manifestations ou encore via les réseaux sociaux, 87% des personnes interrogées veulent s’engager contre ce fléau. Une telle prise de conscience et de telles initiatives peuvent-elles avoir un impact? La lutte contre la corruption est une épreuve quotidienne. Seules la transparence des comptes publics et une protection des lanceurs d’alerte peuvent changer les choses. Certes, il est illusoire de dire que l’on pourra éradiquer la corruption endémique dans certains pays.

Kofi Annan, l’ancien secrétaire général de l’ONU, plaide pour un renforcement des règles pour lutter contre la corruption et l’évasion fiscale. Il demande au G8 de « renforcer ses règles afin d’empêcher les entreprises des secteurs des mines et de l’énergie d’encourager corruption et évasion fiscale qui empêchent l’Afrique de profiter pleinement de son essor économique ». Les pertes subies par l’Afrique sous la forme de sorties de capitaux illicites représentent deux fois plus que ce qu’elle reçoit en aide internationale. Les sociétés enregistrées dans les pays du G8 devraient être obligées de publier la liste complète de leurs filiales et les informations concernant leurs revenus à l’échelle internationale, leurs profits et les impôts payés dans les différentes juridictions.

Évasion fiscale

Il est invraisemblable que certaines entreprises, souvent soutenues par des fonctionnaires malhonnêtes, pratiquent une évasion fiscale contraire à l’éthique et se servent des prix de transfert et de sociétés anonymes pour maximiser leurs profits, alors que des millions d’Africains sont privés d’accès à une nutrition adéquate, à la santé et à l’éducation. Les pays africains, eux-mêmes, doivent mettre l’accent sur la transparence, juge l’Africa Progress Panel, un groupe de dix personnalités que dirige Kofi Annan, et qui comprend aussi l’ancien président nigérian, Olusegun Obasanjo, l’ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Michel Camdessus, ou le chanteur Bob Geldof. Les dix personnalités demandent à la communauté internationale d’être vigilante, afin d’éviter que les investisseurs utilisent des sociétés offshores et des paradis fiscaux qui sapent les efforts des réformateurs africains et facilitent l’évasion fiscale et, dans certains pays, la corruption, privant l’Afrique de revenus qui devraient être déployés pour lutter contre la pauvreté et la vulnérabilité.